L’initiative atlantique : la réfutation de l’idée d’un ''nœud gordien'' en Mauritanie - Par Bilal Talidi

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Le Roi Mohammed VI et Président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au Palais royal de Casablanca, a non seulement dissipé les doutes sur l’avenir de l’Initiative Atlantique, mais a également répondu à ce que certains observateurs qualifiaient de « nœud gordien » en Mauritanie

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Au cours des deux dernières décennies, le Maroc a suscité l’attention de nombreux experts en stratégie tentant de comprendre les motivations derrière certaines de ses orientations stratégiques en Afrique. Ces orientations étaient-elles dictées uniquement par des objectifs économiques ? Par la nécessité de gérer les équilibres régionaux avec l’Algérie ? Ou bien s’inscrivaient-elles dans une démarche visant à construire une puissance régionale dont le rôle dépasserait les cadres classiques du passé ?

Le point de départ a été la reformulation de la politique marocaine envers l’Afrique. Une vision claire a émergé en 2004 avec l’intensification des visites royales dans plusieurs pays africains. Entre 2001 et 2019, le Roi du Maroc a visité environ 24 pays africains, avec plusieurs déplacements dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Gabon. Ces visites ont abouti à la signature des accords de coopération, couvrant des domaines variés tels que l’économie, la finance, la technologie, l’éducation, la sécurité, et le champ religieux. Qui dépassent aujourd’hui le millier.

Cette approche stratégique de longue d’haleine s’est étalée sur une quinzaine d’années. Elle a jeté les bases de la décision marocaine de réintégrer l’Union africaine le 17 juillet 2017, mettant fin à 32 années d’absence après le retrait décidé par le Roi Hassan II en protestation contre l’adhésion de la pseudo « République sahraouie ».

Nombre d’observateurs s’est contenté de lire ce déploiement comme une simple tentative du Maroc de reprendre un rôle central en Afrique et de contrer l’influence du l’axe Algérie-Nigeria-Afrique du Sud, en vue d’insuffler à la proposition marocaine d’autonomie au Sahara, formulée en 2007, une dynamique de soutiens.

Sahara, le prisme

En 2022, un tournant important va marquer la politique étrangère du Maroc. Lors du discours à l’occasion de la fête de la Révolution du Roi et du Peuple, le Roi Mohammed VI passe à la vitesse supérieure et affirme que la question du Sahara était le prisme à travers laquelle le Maroc appréhendait le monde. Cette position a été le socle pour la normalisation des relations avec l’Espagne après que Madrid ait reconnu l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour résoudre le conflit, après environ deux années de tensions. Cette orientation a de même servi à clarifier et à apaiser le différend avec Berlin, suite à la rectification de sa position sur la question du Sahara après une périodes de tensions en raison de positions allemandes pour le moins inamicales. 

La France n’a pas été non plus exclue de la fermeté de Rabat sur la question du Sahara qui exigeait de la clarté d’un partenaire aussi important. Le refroidissement des relations bilatérales qui en a découlé a frôlé la rupture faisant beaucoup de dégâts sur son passage jusqu’à ce que la France ajuste sa position lors de la dernière visite d’Etat du président. Français à Rabat, qui a clairement déclaré que le présent et l'avenir du Sahara ne peuvent être envisagés en dehors de la souveraineté marocaine.

Un simple rêve sur papier ?

En même temps, les observateurs suivaient avec attention l’engagement de Rabat pour le projet de gazoduc Maroc-Nigeria, qui traverse 13 pays d’Afrique de l’Ouest. Beaucoup voyaient ce projet ambitieux comme un simple rêve sur papier, confronté à plusieurs défis dont le coût, en raison de la longueur du trajet n’étaient pas des moindres, d’autant plus qu’il avait en face de lui la fluidité présumée du projet Nigeria-Algérie, qui ne traverse qu’un seul pays, le Niger.

Cependant, ils n’avaient pas anticipé deux événements majeurs : les coups d’État militaires au Mali en mai 2021 et au Niger en juillet 2023, qui ont exacerbé les tensions entre l’Algérie et les gouvernements de Bamako et Niamey. Ces évolutions ont révélé une Algérie désormais isolée de ses frontières méridionales. Et si des doutes persistaient quant à la faisabilité du projet marocain, les évolutions dans la région ont renforcé sa crédibilité.

L’Afrique qui doit faire confiance à l’Afrique

Pour achever le tableau de sa vision pour la région et de l’Afrique qui doit faire confiance à l’Afrique, le Roi Mohammed VI a annoncé en novembre 2023 l’initiative atlantique pour permettre aux pays du Sahel d’accéder à l’océan Atlantique. Bien que cette initiative ait été bien accueillie par des pays comme le Mali, le Tchad et le Burkina Faso, nombre d’observateurs ont émis des doutes sur la participation de la Mauritanie, estimant qu’elle pourrait hésiter à s’y engager pleinement pour préserver son rôle régional.

Dans cette initiative, certains ont voulu voir une tentative du Maroc de compenser la diminution de ses chances d'intégration à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en capitalisant sur sa fragmentation après le retrait du Burkina Faso, du Niger et du Mali. Le Maroc viserait ainsi à former un bloc régional alternatif, capable de servir son objectif d'encercler l'Algérie par le sud et de créer des difficultés régionales pour celle-ci.

Les mêmes sceptiques ont en même temps exprimé des doutes sur la viabilité de cette initiative, estimant que son succès ou son échec dépendrait largement de la position de la Mauritanie, assurant que Nouakchott ne serait pas prêt à s'engager sérieusement, ni dans cette initiative ni dans le projet de gazoduc Maroc-Nigeria, car cela impliquerait de renforcer un concurrent et d'affaiblir son rôle régional.

La réponse à toutes ses craintes, sincères ou insidieuses, est venue avec le discours royal à l’occasion de la célébration de la Marche Verte en 2024. Le Roi Mohammed VI a répondu de manière claire à ces analyses erronées. A celles-ci qui supposaient que l’Initiative Atlantique visait à encercler ou à isoler l’Algérie, le discours a affirmé que cette initiative visait à offrir un cadre souverain permettant aux pays de la région sahélienne, y compris l’Algérie, d’accéder à l’océan Atlantique, pour promouvoir un partenariat, une coopération et un progrès communs pour l’ensemble des peuples de la région.

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au Palais royal de Casablanca

Vendredi 20 décembre, un nouvel évènement est venu dissiper craintes et supputations sur le rôle de Mauritanie dans ce vaste projet de construction d’une coopération régionale fructueuse sans exclusif. Le communiqué du Cabinet royal, publié suite à la rencontre entre le Roi Mohammed VI et Président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au Palais royal de Casablanca, a non seulement dissipé les doutes sur l’avenir de l’Initiative Atlantique, mais a également répondu à ce que certains observateurs qualifiaient de « nœud gordien » en Mauritanie. Il a ainsi souligné l’engagement des deux pays à développer des projets stratégiques de connexion entre les deux voisins et à coordonner leurs contributions dans le cadre des initiatives royales en Afrique. Cela inclut notamment le gazoduc africain-atlantique et l’initiative visant à faciliter l’accès des pays sahéliens à l’océan Atlantique.

Ce communiqué marque clairement une avancée majeure dans la stratégie volontariste et inclusive du Maroc, qui nécessitait un positionnement crédible et clair de la Mauritanie pour atteindre son plein potentiel. Ce positionnement a été explicitement exprimé, non seulement par la levée des réserves sur l’adhésion à l’Initiative Atlantique, mais également par une volonté sérieuse de s’impliquer dans le projet de gazoduc Nigeria-Maroc, qui apparait désormais la seule option viable.

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