L'Algérie perd sur les plans politique, diplomatique, stratégique et temporel… – Par Bilal Talidi

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Nonobstant tout ce qui a été réalisé, la prochaine étape exige de tous un surcroît de mobilisation et de vigilance pour conforter durablement la position de notre pays (Le Roi Mohammed VI)

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Le Secrétaire général de l'ONU, dans son dernier rapport sur le conflit du Sahara, s'est efforcé de maintenir une lueur d'espoir quant à la possibilité de parvenir à une solution politique pour mettre fin au conflit. Cependant, cet espoir exprimé semble en réalité justifier la poursuite du rôle de médiation des Nations Unies et l'empêcher de déclarer l'échec de sa mission. Mais en substance, tout ce qui est mentionné dans le rapport du Secrétaire général indique la fin du processus et l'incapacité de l'ONU à résoudre le conflit par la médiation, menant ainsi à une impasse décisive.

Mais si l’on exclut la sortie de route de l’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara, Stafan Di Mistura qui tente de faire renaitre l’idée farfelue de partition, ignorée par le rapport d’Antonio Guterres, mais déjà lancée par l’un des anciens envoyés personnel, James Baker, consistant à céder une partie du Sahara au proxy d’Alger pour permettre à l’Algérie de se déployer vers l’Atlantique, on peut dire qu’il n’y a rien de nouveau à l’est.

Une tonalité pessimiste

Certains attendaient du rapport qu’il brise le mur qui bloque ce dossier depuis près d'un demi-siècle. Cependant, l'examen des paragraphes du rapport, qu'il s'agisse des aspects de terrain, politiques, humanitaires, ou relatifs aux droits de l'homme, ou même des mouvements de l'envoyé personnel du Secrétaire général, révèle que la médiation des Nations Unies fait face à une impasse. Le rapport indique que chaque partie campe sur sa position politique (l'autonomie contre le référendum), que l'Algérie refuse de participer aux tables rondes sous prétexte qu'elle n'est pas partie prenante. Le Secrétaire général insiste encore une sur le fait qu'une solution politique nécessite l'abandon des conditions préalables par les deux parties, liant ainsi le règlement de la question à l'existence de relations de coopération entre les pays de la région, en particulier le Maroc et l'Algérie. Il met, enfin, en garde contre un scénario inquiétant si la situation actuelle persiste, usant d’expressions pessimistes dissimulant à peine un probable scénario d'escalade et de guerre.

En réalité, cette conclusion n'apporte rien de nouveau. Les récents rapports du Secrétaire général de l'ONU reprennent cette analyse sous une forme ou une autre, tout en ajoutant différents avertissements concernant la stabilité de la région. Toutefois, deux points importants du rapport méritent d'être soulignés : 

Le premier est lié à la sécurité. Il comporte trois indicateurs : les actions hostiles du Front Polisario, survenues après une annonce officielle de leur retour à la lutte armée, entraînant une réponse ferme et immédiate de l'armée marocaine ; le repositionnement de l'armée marocaine à l'ouest du mur de sable pour faire face aux menaces militaires du Front Polisario et la relation de l'amélioration des opérations de la MINURSO avec la stabilité sécuritaire que l'armée marocaine contribue à renforcer. 

Le deuxième point concerne la politique en évaluant l'efficacité des solutions proposées par chaque partie. Le rapport fait état de plusieurs faits évoquant la percée de l'initiative marocaine d'autonomie, notamment le soutien de la France en juillet 2024, l'ouverture d'un consulat du Tchad à Laâyoune en août 2024, et les investissements marocains dans les infrastructures et projets dans les provinces du sud. En revanche, aucun indice ne montre un élan ou une accumulation en faveur de la vision du camp adverse.

Des évènements qui éclairent le discours royal

C’est à la lumière de ces faits que le discours du roi Mohammed VI à l'ouverture du Parlement cette année, consacré exclusivement à un seul sujet crucial, prend tout son sens : décidant le passage de la gestion de la gestion du dossier à l'initiative, rappelant les succès diplomatiques du Maroc, notamment le soutien de la France qui assure au Maroc l’appui de deux membres permanents influents du Conseil de sécurité qui soutenant l'initiative d'autonomie comme cadre approprié pour résoudre le conflit. L'Espagne, avec son changement de position, revêt également une importance symbolique particulière.

En résumé, le processus onusien semble se diriger vers une déclaration d'échec final, n'ayant même pas réussi à établir un cadre de dialogue (tables rondes) en raison du refus de l'Algérie. En parallèle, le processus politique et diplomatique renforce l'état de fait, à savoir que le Sahara reste sous souveraineté marocaine. De plus, le contexte géostratégique (le Sahara devenant une plateforme d'investissement majeure et un pont commercial vers l'Afrique) soutient également cette souveraineté marocaine. Les trois axes (politique, diplomatique, et sécuritaire) vont tous dans le sens du statu quo, renforçant le contrôle du Maroc et l'échec des tentatives du Front Polisario, surtout que l'armée mauritanienne a adopté une attitude stricte, empêchant le Polisario d'utiliser son territoire pour attaquer le Maroc. Ainsi, avec les opportunités de développement dans la région, il semble que le conflit se dirige vers une solution de facto, à moins qu'une surprise ne survienne de la part d’un ou des deux camps.

La course contre la montre

Le ton pessimiste du Secrétaire général est visible dès le début de son rapport, même s'il cherche à nier la possibilité d'une escalade à court terme. Il est toutefois clair que le temps joue en faveur du Maroc. Au fil du temps, les conditions pour une résolution concrète du conflit se renforcent, même en l'absence d'un accord politique sous l'égide de l'ONU.

Ce qui justifie ce ton pessimiste, c'est que le Front Polisario et plus exactement l'Algérie, se retrouve en conflit avec le temps, qui ne sert plus son agenda. Le Maroc, de son côté, ne se montre pas empressé d'imposer une solution par la force, préférant raffermir sa position militaire pour faire face aux éventuels risques, y compris le scénario que le Secrétaire général n'a pas voulu aborder explicitement.

La visite récente du chef d'état-major de l'armée algérienne en Mauritanie n'est pas étrangère à ce rapport, bien qu'elle ait été présentée comme une réponse à l'invitation de son homologue mauritanien. Les options de l'Algérie se sont considérablement réduites, notamment en raison de la perte de son influence dans la région du Sahel. Elle est maintenant obligée de revoir ses relations avec la Mauritanie pour contrer la stratégie du Maroc. Cependant, ses moyens restent limités et elle a perdu plusieurs batailles : politiques, diplomatiques, stratégiques, voire militaires. Sera-t-elle tentée par l’aventurisme ou comprendra-t-elle enfin qu’il est mieux pour elle et pour tous de venir à la table des négociations ? 

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