La note de cadrage du PLF 2025 : une vision technocratique sans ''âme'' - Par Abdeslam Seddiki

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La ministre de. L’Economie et des Finances Nadia Fetah et le ministre du Budget Fouzi Lekjae

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C’est bientôt la rentrée largo sensu. Les élèves se préparent à retrouver les bancs de l’école, avec les soucis structurels des parents qui peinent à faire face aux coûts exorbitants de la scolarité de leurs enfants. Les parlementaires ont encore devant eux un bon mois pour se détendre avant de rejoindre l’hémicycle du moins pour la minorité studieuse. Le gouvernement reprendra ses réunions hebdomadaires en attente d’un remaniement dont on dit qu’il est imminent en rappelant toutefois la fameuse phrase du Feu Abderrahman El Youssoufi en réponse à une question d’un journaliste sur le sujet : « le remaniement c’est comme la dévaluation, on ne l’annonce jamais à l’avance ». 

 On soulignera toutefois l’événement national de taille qui se préparait depuis des mois eu égard à son importance pour notre pays. Il s’agit du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) devant se dérouler durant tout le mois de septembre et dont on attend vivement les résultats pour savoir où va le Maroc ? Combien sommes-nous sur cette terre bénie ? Comment et combien vivent les Marocains ? Avec quels moyens ? Dans quelles conditions ? Quels sont les changements survenus depuis le dernier recensement général de 2014 ? Autant de questions auxquelles on aura des réponses plus ou moins précises. Le succès de cette opération nationale d’envergure ne dépend pas uniquement de l’effort consenti, et louable, par le HCP avec l’appui de toute l’administration, ni de l’engagement patriotique du personnel chargé de remplir le questionnaire, mais aussi et surtout de la mobilisation de tous les citoyens. Nous, citoyens, sommes appelés à accomplir notre devoir national en répondant sincèrement au questionnaire sans aucune crainte, ni suspicion. La réussite d’une telle opération est tributaire, en dernière instance, de l’engagement de toutes et de tous.  C’est sur la base de ces résultats que des politiques publiques qui touchent à notre vie quotidienne seront demain mises en œuvre.  

Cette introduction nous conduit à parler du projet de loi de finances pour 2025 dont la note de cadrage qui définit les priorités et trace les grandes orientations a été publiée le 6 aout dernier conformément aux dispositions de la loi organique des finances. Auparavant, plus exactement le 25 juillet, ce fut le Ministre Délégué Chargé du Budget qui présenta devant les deux commissions des finances du parlement un exposé portant sur « l’exécution du budget 2024 et le cadre général de la préparation du PLF 2025 et de la programmation budgétaire triennale 2025-2027 ». A noter également la présentation par Le Wali de Bank AL Maghrib devant Sa Majesté le Roi du rapport annuel de la Banque pour 2023 le 29 juillet. S’y ajoutent la publication par le HCP du budget économique exploratoire 2025 ainsi que d’autres rapports émanant de la Banque Mondiale et du FMI.  Toute cette littérature nous servira comme grille de lecture de ladite notre de cadrage.     

Après avoir rappelé les réalisations du gouvernement d’une façon sélective en évitant les points d’achoppement et les questions « gênantes », la note a exposé les priorités du prochain PLF. Celles-ci sont, comme pour les lois précédentes, au nombre de quatre : la poursuite de la consolidation de l’Etat social ; la consolidation de la dynamique de l’investissement et la création d’emplois ; la poursuite de la mise en œuvre des réformes structurelles ; la sauvegarde de la soutenabilité des finances publiques.

Au premier chapitre, il est question de la poursuite de la généralisation de la protection sociale tout en mettant à niveau le système de santé à travers notamment l’amélioration de l’offre de santé et le renforcement des ressources humaines. L’objectif visé est d’attendre un taux d’encadrement de 25 professionnels de santé (médecins, infirmiers et sages-femmes) pour 10000 personnes à l’horizon 2026 et 45 à l’horizon 2030.  De même, l’aide sociale directe sera maintenue tout en opérationnalisant l’Agence Nationale dédiée, sachant que 5 millions de familles et 18 millions de personnes se sont inscrites dans le Registre Social Unifié   à fin juin 2024.  

 En outre, le gouvernement prévoit de poursuivre la mise en œuvre de la « feuille de route de l’éducation nationale 2022-2026 pour une école publique de qualité pour tous ». Il est prévu à cet effet de généraliser le préscolaire à l’horizon 2028 et d’élargir progressivement les établissements d’excellence.  Le même optimisme est affiché au niveau de la « réforme profonde » de l’enseignement supérieur. Tout est vu sous un angle euphorique et nulle raison à être sceptique !! Le même ton rassurant est utilisé en matière du programme de reconstruction des zones touchées par le séisme d’AL Haouz alors qu’en face les intéressés n’arrêtent pas de crier leur colère.  

Concernant le programme d’aide au logement au bénéfice des familles nécessiteuses, pour lequel une enveloppe de 9,5 milliards DH fut inscrite dans la loi de finances 2024, force est de constater que les réalisations sont très modestes. Ainsi, à fin juillet 2024, seuls 18000 personnes en ont bénéficié, avec un montant de 1,5 Milliard DH. Ce qui est une « bonne affaire » pour la soutenabilité des finances publiques ! L’Etat social s’arrête là.  Le reste c’est de la littérature et des promesses envoyées aux calendes grecques. 

Au chapitre deux, relatif à l’investissement et à l’emploi, on peut retenir les mesures suivantes : des plans d’action sur 5 à 10 ans en vue de résoudre la problématique de l’emploi y compris l’emploi dans le monde rural. Ce qui revient à dire concrètement que le gouvernement n’a pas de solution et son objectif de départ consistant à créer 1 million d’emplois au cours de la législature s’est définitivement évaporé. Toutefois, le gouvernement table sur la création de 200 000 emplois directs et indirects dans le secteur du tourisme d’ici 2028.  Il mise surtout sur les chantiers en cours et ceux qui vont être réalisés dans la perspective du mondial 2030.

Au chapitre trois portant sur les réformes structurelles, celles-ci sont hélas limitées et constituent le parent pauvre dans les intentions du gouvernement. Elles se limitent à la réforme du système de la justice, des EEP (Entreprises et Etablissements Publics) et de l’administration (en poursuivant sa modernisation et sa décentralisation). 

La quatrième priorité est relative à la soutenabilité des finances publiques. Pour ce faire, le gouvernement envisage la réforme de loi organique des fiances dont les grands traits ont été déjà annoncés au parlement, la rationalisation des dépenses dans le but de maitriser le déficit budgétaire et la dette du trésor en ramenant le premier à 3% du PIB et la dette du trésor à 70% du PIB à l’horizon 2026.  Rappelons que le taux d’endettement du Trésor était contenu dans la fourchette 58,6% et 60,3% au cours de la période 2014-2019. Cet endettement tout comme le déficit budgétaire se sont envolés sous l’effet du covid.

En définitive, nous sommes en face d’une note de cadrage « standard » sans âme et sans saveur.  Cela ne doit pas étonner puisque le gouvernement croit à ce qu’il fait. Il pense même en avoir fait de plus. Qui plus est, il fait le dos rond face aux problèmes fondamentaux de la population et aux appels quotidiens d’une jeunesse totalement désespérée et dont le seul rêve   est de quitter le pays. 

Un gouvernement qui se veut issu des urnes et qui se targue de disposer d’une large majorité au parlement ne fait aucune référence à la question démocratique et à la consolidation des droits humains, relève de l’absurde ! Un gouvernement qui tourne le dos aux vraies réformes structurelles dont le pays a besoin : réforme de la fiscalité, lutte contre la secteur informel générateur de multiples distorsions ; lutte contre la rente sous toutes ses formes  et le conflit d’intérêts : préparation de notre   pays à faire face à la concurrence acharnée sur le marché mondial et à mieux se positionner dans la compétition internationale.      Qu’il prenne au moins l’exemple du Wali de Bank Al Maghrib qui a eu le courage de soulever les vrais problèmes du pays, y compris la gangrène de la corruption qui ne fait que s’aggraver avec ce gouvernement.