chroniques
Le PAM face au complexe de sa ''malformation congénitale''
Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM au domicile de Abdellah Benkirane, ancien secrétaire général du PJD et ex-chef de gouvernement : La promiscuité ne semble pas gêner Ouahbi
Dix ans sont passés depuis la création du PAM qui continue de souffrir de sa « malformation congénitale » sans avoir réussi à réaliser ses objectifs : la représentation de la majorité silencieuse, le regroupement de Tous les démocrates, l’endiguement des islamistes et la mise en œuvre de son projet d’une société démocratique et moderne.
Dès sa naissance, le parti n’a pas réussi à convaincre par son offre politique et n’a pas non plus rencontré dans la société une prise en charge de son projet, si ce n’est par un large rassemblement alambiqué porté par des notables qui y ont perçu le parti préféré de l’autorité à même de fructifier leurs intérêts et de les protéger.
Sa premiere infirmité a été la composition de son leadership bien différent de « sa base sociale » reposant sur les notabilités. Constitué d’anciens gauchistes qui ont perdu leur temps et égaré leur vie politique sans réaliser leur utopie révolutionnaire, il a représenté une dissonance majeure dans ce qui était encore une jeune formation politique.
Le second handicap du PAM a été le changement de cap effectué au sein du Mouvement de Tous les Démocrates. Sous la pression du temps et de l’urgence électorale, il est passé d’un regroupement des démocrates à un conglomérat de notables, absorbant de force au passage six partis. Ont émergé ainsi les contradictions entre la composition sociologique d’une direction qui rêvait d’un horizon révolutionnaire et une base sociale aux préoccupations diamétralement opposées. La direction du parti s’en est retrouvée réduite à gérer les notables non pas dans une perspective démocratique, mais dans un dessein électorale conjoncturelle qui consistait seulement à faire mordre la poussière aux islamistes.
Le PAM ne s’est pas intéressé de près à la manière de gérer les notables ou à l’intérêt de les regrouper pour autre chose que l’endiguement des islamistes. Il ne s’est pas non plus préoccupé des mutations de son leadership en raison de sa relation contrenature avec la caste des notables. Sorti d’une histoire de militance il s’est surclassé, non sans dégâts sur son image, dans une nouvelle « bourgeoisie militantesque ».
Avant l’avènement d’Ilias El Omari à sa tête, la rumeur insistante voulait que « l’inspiration » venait au PAM d’ailleurs. De telle manière que pour le gérer convenablement on instrumentalisait simultanément l’espoir et la peur. L’espoir d’occuper les avants postes politico-économiques et la peur pour les avantages.
Avec l’arrivée d’Ilias El Omari au secrétariat général, le parti va connaitre une légère modification. La « muse politique » occulte du PAM va devenir avec lui « culte » et il se fera fort d’en être l’ostentatoire porte-parole. En inspirant la crainte, au nom de l’inspirateur indicible, Ilias El Omari va devenir au parti le maitre des céans qui maitrise le temps et la respiration de ses membres. Sans pour autant réussir à faire taire les contradictions en ébullition qui le consume de l’intérieur et que les islamistes se sont fait un malin plaisir d’approfondir lorsque El Omari est tombé dans des erreurs politiques et communicationnelles fatales.
La défaite du PAM aux législatives de 2016 a provoqué un séisme au sein du parti et dans les milieux qui ont tablé sur sa victoire. Le doute s’est emparé des notables qui se sont mis à guetter le sens qu’indiquera la boussole avec en fond de toile deux interrogations : Le PAM a-t-il épuisé sa raison d’être et s’agit-il de la chute d’une direction ou de la fin du parti ?
A quai, le PAM a été placé en zone d’attente. Les luttes intestines ont atteint alors des niveaux lamentables entre les dirigeants de la « bourgeoisie militantesque » plongeant la formation El Omari dans l’errance politique et organisationnelle. Si bien que certains en étaient arrivés à considérer d’un nouvel œil le double conseil de Benkirane : l’autodissolution et l’autocritique comme condition à la réparation de la « la malformation congénitale ».
C’est dans ce magma que Abdellatif Ouahbi a essayé une sortie de l’expectative en proposant une prise de distance avec l’autorité, la normalisation avec les islamistes et la cessation de la confrontation avec eux, arguant par la même occasion que le parti pourrait reprendre la main en modifiant sa ligne et son discours politiques.
Sauf qu’à ce jour, Ouahbi n’a été performant sur aucun de dossiers : Ni la résolution des contradictions internes, ni la bataille pour la formation du Bureau politique, ni l’adoption d’une position positive à l’égard des islamistes, ni encore que son parti puisse représenter effectivement le cheval gagnant dans la bataille de 2021 pour que l’on y mise toutes ses billes au lieu de les investir dans le RNI de Aziz Akhannouch. Sur tous les tableaux il a fait chou blanc.
En revanche, plus que jamais, la détermination de l’avenir du PAM est marquée par une forte hésitation. Créé pour battre, en vain, les islamistes, rien ne justifie plus actuellement le regroupement en son sein les notables, sachant que ceux-ci se trouvaient déjà dans d’autres partis administratifs concurrents facilitant ainsi la gestion de leurs contradictions. Les rassembler rien que pour battre les islamistes ne pourrait déboucher que sur l’exacerbation de leurs antagonismes en raison de l’insuffisance des sièges que pourrait engranger un parti et des postes dont il pourrait disposer pour combler ses prétendants devenus nombreux.
Dans pareilles situation, seule la base sociologique d’un parti reste déterminante. Il est maintenant avéré que PAM ne pourrait pas gérer les contradictions de ses notables sans la doctrine de la peur/espoir que procure la proximité avec le pouvoir. En présence de cet échec patent, l’alternative consisterait à libérer toute le monde pour que chacun rejoigne la formation politique qui lui convient et la famille sociale qui le représente le mieux.