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La preuve par la crise algéro-malienne d’une ingérence algérienne à tout bout de champ dans la région – Par Hassan Abdelkhalek
Récemment, l’inimaginable s’est produit avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Il a refusé, au nom de quoi ?, de reconnaître la décision souveraine du Mali de ne plus coopérer en fonction de l’Accord de 2015 et de la médiation algérienne, insistant pour imposer celle-ci ainsi que les factions soutenues par Alger.
La crise récente entre le Mali et l'Algérie a de nouveau mis en lumière la doctrine d'intervention dans les affaires intérieures des pays voisins, adoptée par le régime algérien depuis des décennies, dans l'espoir de continuer à affaiblir ces pays et d’imposer sa domination dans la région. Ce régime nourrit l'illusion mégalomaniaque de l'État pivot de la région dont les autres pays ne peuvent être que des satellites gravitant dans son orbite.
Le régime algérien prétend pourtant dans toutes les tribunes et forums que sa politique repose sur la non-intervention dans les affaires intérieures des États. Cependant, les faits démontrent que ses voisins, qu'il s'agisse des pays du Sahel ou du Maghreb, n’ont été épargnés à aucun moment par ses ingérences et ses plans visant à ébranler leur stabilité et à les soumettre à des troubles.
Le Mali comme une ‘’extension de l’Algérie’’
Le régime algérien a toujours cherché à traiter la République du Mali comme une extension de son propre territoire, s’arrogeant le droit d’intervenir dans ses affaires intérieures pour servir ses intérêts. Cela inclut la gestion des Touaregs dans le sud de l’Algérie et l’orientation de la politique étrangère malienne en faveur de ses objectifs régionaux, particulièrement son hostilité à l’unité territoriale du Maroc.
Sa présidence du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger signé en 2015, le pouvoir algérien l’a utilisée pour promouvoir des plans qui se sont avérés contraires aux intérêts du Mali, compromettant son unité et sa stabilité, pour mieux maintenir Bamako sous tutelle algérienne.
Il y a un an, les autorités maliennes ont protesté contre cette situation en mettant fin immédiatement à l’Accord d’Alger, accusant l’Algérie de mener des "actes hostiles" à son égard et de ne pas respecter son rôle de médiateur entre le Mali et les factions armées azawadiennes, qu’elles qualifient de terroristes.
Récemment, l’inimaginable s’est produit avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Il a refusé, au nom de quoi ?, de reconnaître la décision souveraine du Mali de ne plus coopérer en fonction de l’Accord de 2015 et de la médiation algérienne, insistant pour imposer celle-ci ainsi que les factions soutenues par Alger.
Face à cette posture, les autorités maliennes, par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères, ont accusé l’Algérie de "complicité" et de "proximité avec les groupes terroristes qui déstabilisent le Mali", affirmant que l’Algérie leur offre "asile et soutien", tout en contrôlant leurs activités criminelles contre les civils maliens et les populations du Sahel. Le Mali a ainsi exprimé son "inquiétude profonde" quant à la poursuite par certaines autorités algériennes d’une ingérence marquée par la tutelle, la condescendance et le mépris.
Le régime algérien semble toutefois déterminé à maintenir son ingérence en soutenant les factions azawadiennes pour aggraver les troubles intérieurs du Mali et asseoir sa domination.
L’agression algérienne contre le Maroc
Dans cette perception toute algérienne de la coopération régionale, le Maroc a, depuis que l’Algérie est Algérie, sa cible favorite, victime de ses agressions et des tentatives de déstabilisation depuis la création de son Etat en 1962.
Le 8 octobre 1963, le peuple marocain a appris l’attaque de deux postes avancés marocains, Hassi Beïda et Tingoub, par l’armée algérienne. Après avoir épuisé toutes les voies de dialogue avec le président Ben Bella, le Maroc s’est vu contraint de défendre son territoire contre l’agression algérienne. Cette guerre, initiée par l’Algérie, a créé un complexe au sein du régime algérien, qui cherchait à masquer les divisions internes et en même temps à éviter de régler le différend frontalier avec le Maroc.
Malgré la signature du Traité de délimitation des frontières le 15 juin 1972, le régime algérien a continué à mener des actions hostiles, tentant de nuire à la stabilité des institutions marocaines et d’empêcher le Maroc de récupérer ses provinces sahariennes sous occupation espagnole. Il a également cherché, sans succès, à encercler le Maroc par le sud et à l’isoler de son prolongement africain.
L’ingérence algérienne s’est manifestée avec le soutien à un groupe armé marocain responsable des événements de Moulay Bouazza le 3 mars 1973, dont l’objectif de déstabilisation du pays a été avorté, le président algérien Boumediene signant de cette manière son hostilité, qu’il n’a au demeurant jamais dissimulée, au Maroc et à son régime monarchique.
L’année dernière, le régime algérien, dominé par l’institution militaire, a franchi une nouvelle étape dans sa guerre contre le Maroc en soutenant la création d’un prétendu "Parti national rifain" et en ouvrant une représentation à Alger sous le nom de "Bureau de représentation du Rif en Algérie".
Auparavant de cette démarche infructueuse, le régime algérien, via son service de renseignement extérieur, avait essayé en 2017, sans succès, d’exploiter le mouvement du Rif en lui donnant une dimension politique, ne ratant jamais ainsi aucune occasion de tenter d’affaiblir le Maroc et de porter atteinte à son intégrité territoriale.
Hypocrisie sur le droit à l’autodétermination
Parallèlement à son soutien au démembrement de l’unité territoriale du Maroc, le régime algérien a qualifié le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) en Algérie d’organisation terroriste, révélant ainsi l’hypocrisie de sa position sur le droit à l’autodétermination.
En réponse à cette hostilité, le Maroc a maintenu une attitude exemplaire, respectant les principes du bon voisinage et s’abstenant de toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie. Ce positionnement a été réaffirmé dans le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du Trône en 2021 dans lequel il a affirmé : « Je tiens à assurer nos frères algériens que le mal et les problèmes ne viendront jamais du Maroc. Il ne vous viendra aucun danger ni aucune menace de sa part, car ce qui vous affecte nous touche également, et ce qui vous nuit nous blesse aussi. »
Opposition algérienne à la souveraineté marocaine et Ingérence en Mauritanie
Les récentes déclarations du président algérien Abdelmadjid Tebboune et du ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf montrent que le régime algérien, isolé sur le plan régional, persiste dans ses tentatives désespérées de contester le droit légitime du Maroc à exercer sa souveraineté sur ses provinces du Sud.
Le régime algérien s’est également immiscé dans les affaires intérieures de la Mauritanie, cherchant à influencer sa politique pour servir son agenda régional. Son objectif assumé est d’empêcher le Maroc de parachever son intégrité territoriale, de le priver de son extension africaine et d’obtenir un accès à l’océan Atlantique.
Ce contexte étant, la récente rencontre entre le Roi Mohammed VI et le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani qui ont souligné les relations positives entre les deux pays, leur volonté de renforcer des projets stratégiques communs, tels que le gazoduc Atlantique-Afrique, et leur coordination en Afrique, ne pouvait qu’irriter au plus haut point Alger.
Certaines sources médiatiques ont lié les changements récents dans l'armée mauritanienne à un complot algérien visant à déstabiliser le pays. Cette stratégie s’inscrit dans une tradition d’intimidation : en 1974, le président Houari Boumediene avait menacé militairement le président mauritanien Moktar Ould Daddah lors d’une rencontre à Béchar. En juin 1976, des soldats algériens et des combattants du Polisario ont attaqué la Mauritanie, ce qui a contribué à la chute du régime d’Ould Daddah en 1978 et à la reconnaissance de la « fantomatique république sahraouie en 1979.
Plus récemment, l’ambassade algérienne à Nouakchott a exigé la fermeture d’un journal électronique dont la ligne éditoriale lui déplaisait. Sachant que ce n’est pas la première fois que la diplomatie algérienne se rend coupable de pareilles ingérences. En son temps, les journalistes mauritaniens ont dénoncé ces immixtions dans un communiqué, affirmant que « la tentative de l’ambassade algérienne de contrôler et de mépriser la presse mauritanienne est à la fois risible et inquiétante. »
Les journalistes mauritaniens avaient déjà dénoncé, l’année dernière, l’ingérence de l’ambassade algérienne à Nouakchott dans les affaires intérieures de leur pays, après que celle-ci ait accusé, dans un communiqué, des médias locaux de ‘’mercenariat favorable à un pays hostile" (en l’occurrence le Maroc) dans leur traitement de la question du Sahara, au détriment de la coopération stratégique entre Nouakchott et Alger.
Les journalistes mauritaniens se sont insurgés pour défendre leur dignité, affirmant dans un communiqué de leur association que « la tentative de l’ambassade algérienne de contrôler la presse mauritanienne, de la mépriser et de l’asservir pour servir son agenda politique, bien qu’elle soit risible et ridicule, dévoile néanmoins une autre facette des agissements de cette ambassade, qui suscitent crainte et inquiétude, et appellent à la plus grande vigilance et prudence. »
Les journalistes ont également rappelé, dans leur communiqué, les préjudices subis par leur pays par le passé à cause du régime algérien, déclarant : « En tant que Mauritaniens, nous respectons l’Algérie et aimons son peuple, qui est bon et fier, car nous partageons des liens de sang, de parenté, d’histoire et de destin commun. Cependant, l’histoire est remplie de coups de poignard portés à notre encontre par ses dirigeants, son armée et ses organisations transsahariennes. »
Certaines élites à Nouakchott ont exprimé leur inquiétude du fait que l’ingérence algérienne pourrait aller jusqu’à menacer l’unité territoriale de la Mauritanie. C’est le sens de la sortie de Massoud Ould Boulkheir, président du Parti de l’alliance populaire progressiste et ancien président du Parlement, qui avait mis en garde en août 2021, dans une déclaration à l’agence indépendante *Al-Akhbar*, contre une possible exploitation par le Polisario, avec le soutien de l’Algérie, de la situation actuelle en Mauritanie pour proclamer la séparation du nord du pays.
Ingérences en Tunisie
Après le printemps arabe de 2011, le régime algérien a cherché à influencer la Tunisie pour affaiblir sa transition démocratique, qui contraste avec le modèle autoritaire algérien. Ahmed Néjib Chebbi, leader de l’opposition tunisienne, a exhorté Alger à respecter les sentiments des Tunisiens et à ne pas intervenir dans leurs affaires.
De son côté, l’ancien président Moncef Marzouki a critiqué le régime algérien, affirmant qu’il cherche à préserver la dictature en Tunisie pour éviter sa propre remise en question.
Avec le Tunisie, le régime algérien a tenté d'orienter sa politique étrangère pour qu’elle s’aligne sur ses propres orientations régionales, avec en toile de fond une tentative de nuire au Maroc et à son intégrité territoriale. Cette stratégie s’est illustrée par l’accueil par le président Kaïs Saïed de l’indépendantiste Brahim Ghali en août 2022, à l’occasion de la tenue en Tunisie du sommet TICAD pour la coopération nippo-africaine. Cet acte a provoqué une crise diplomatique entre le Maroc et la Tunisie, orchestrée par le régime algérien dans le but de saper les liens fraternels entre les deux pays et de servir sa politique régionale, fondée sur la division pour asseoir sa domination.
Ingérences en Libye
À l’est, le régime algérien s’est également immiscé dans les affaires libyennes, soutenant un des camps du conflit. En 2019, il a même envisagé une intervention militaire pour empêcher la chute de Tripoli. Ce faisant, Alger a tenté de discréditer les efforts de médiation marocaine, menés à Skhirat et Bouznika, visant à rapprocher les parties libyennes en observant une médiation fondée sur le respect des choix des parties-prenantes et de leur libre arbitre pour trouver entre elle la solution idoine pour préserver leur pays et son unité.
On le voit, l’ensemble de ces actions démontre indiscutablement une politique extérieure algérienne obsédé par un interventionnisme à tout bout de champ dans les affaires des pays voisins, refusant d’établir des relations basées sur le respect de leur souveraineté, l’égalité et la coopération mutuelle. Et c’est peu dire que ce comportement entrave la transformation de l’Afrique du Nord et du Sahel en une zone de stabilité, de sécurité et de développement partagé.