National
La réponse du Pr Rachid Lazrak aux tribunes de Le Monde sur le Sahara
« Une information de qualité, précise, vérifiée et équilibrée. »(Charte éthique et déontologique du journal Le Monde).
Dans son édition du 28 décembre 2020, Le Monde.fr a publié une tribune d’un professeur universitaire et d’un magistrat où l’on pouvait lire la vulgate habituelle sur les provinces méridionales du Royaume, sur « le regain de tension » dans cette région etc. Ce n’était pas la dernière tribune. Le 4 janvier 2020, le quotidien français, toujours dans sa rubrique Opinions, nous gratifie d’une autre tribune où l’auteur contrebalance la victoire diplomatique du Maroc par pas moins qu’une « défaite morale sur la question palestinienne ». Sans parler de la manière constamment biaisée dont ce quotidien français couvre l’actualité marocaine. Interpelé déjà par la première tribune, Mustapha Sehimi, professeur universitaire et politologue marocain adresse au journal une tribune en guise de réponse circonstanciée : Le Monde. fr et le Maroc, le parti pris comme… censure. Sans surprise, M. Sehimi reçoit le 6 janvier une fin de non-recevoir qui lui a été transmise par la correspondante du journal à Casablanca :" Votre tribune ne sera pas publiée, compte tenu du nombre important de textes qu'ils reçoivent pour un espace limité". Mustapha Sehimi insiste et le 7 janvier, il reçoit une nouvelle fin de non-recevoir, cette fois-ci de Marie de Vergès, rédactrice en chef adjointe : "Nous n’allons pas pouvoir publier [votre tribune] car nous avons déjà abondamment traité le sujet ces dernières semaines ". Le Quid.ma la publie et dénonce le constant parti-pris du journal le Monde contre le Maroc. Akhabar Al Youm traduit et publie le texte en arabe. D’autres médias marocains s’élèvent contre l’attitude du quotidien français. Le 18 janvier, Le Monde publie tout de même une tribune de Rachid Lazrak, professeur émérite de droit international. L’auteur, fin connaisseur du dossier, corrige les « contrevérités [véhiculées par des points de vue] fondés sur une méconnaissance manifeste de l’histoire du problème du Sahara ». Est-ce une façon pour Le Monde.fr d’interagir avec les vives réactions de médias marocains ? Peut-être. Mais on espère que cette publication est plutôt un juste retour du journal au respect de sa propre charte éthique et idéologique adoptée le 2 novembre 2010 dans laquelle il s’engage à fournir à ses lecteurs « une information de qualité, précise, vérifiée et équilibrée. » L’avenir nous le dira et pour les lecteurs marocains, qui n’ont pas tous accès au journal Le Monde, le Quid.ma reproduit le texte fort instructif du professeur Rachid Lazrak.
Sahara occidental : « L’ONU a entériné la solution de large autonomie proposée par le Maroc »
Rachid Lazrak
Depuis l’adhésion de la présidence américaine au plan d’autonomie proposé par le Maroc sur le Sahara, plusieurs défenseurs du droit à l’autodétermination des populations sahraouies ont fait part, dans la presse, de leurs inquiétudes. Des points de vue souvent nourris de contrevérités et fondés sur une méconnaissance manifeste de l’histoire du problème du Sahara.
A titre de rappel, depuis son accession à l’indépendance, le Maroc a demandé la récupération des parties occupées de son territoire, soit par la France, soit par l’Espagne, soit sous statut international comme Tanger.
Concernant le Sahara occidental, dès 1957, après son admission aux Nations unies, le Maroc a soulevé, devant la commission de tutelle de l’Assemblée générale, la question du rattachement au Maroc du territoire de « Rio de Oro », ancienne dénomination du Sahara dit occidental.
En 1960, le représentant marocain auprès des Nations unies a protesté contre l’inscription de l’affaire du Sahara sur la liste des territoires non autonomes, estimant que ce territoire relève de sa souveraineté, au même titre que les territoires de Tarfaya, Ifni et les présides.
Tergiversations
Le 16 décembre 1965, l’Assemblée générale des Nations unies, faisant écho aux demandes marocaines, a adopté la résolution 2072 où elle demande au gouvernement espagnol de prendre d’urgence des mesures propres à libérer les territoires d’Ifni et du Sahara et, à ce titre, d’« entamer des pourparlers relatifs à la souveraineté que posent ces régions ».
En associant le territoire du Sahara à celui d’Ifni, les Nations unies ont, de façon non équivoque, reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire, sauf que l’Espagne a accepté d’entamer des négociations pour Ifni, ce qui a abouti à sa libération en 1969, et a tergiversé pour le Sahara.
Ainsi, si l’Espagne avait appliqué les décisions des Nations unies, le Maroc aurait pu récupérer son Sahara, comme il l’a fait pour Ifni, et il n’y aurait pas eu, aujourd’hui, d’« affaire du Sahara occidental ». La réalité est que l’Espagne n’a jamais voulu quitter le Sahara et a cherché à perpétuer sa présence, avec la collaboration de certaines tribus.
Pressée par les Nations unies d’entamer des négociations au sujet d’Ifni et du Sahara, l’Espagne a poussé l’Assemblée générale à soulever, le 20 décembre 1966, pour la première fois, le principe de l’exercice par la population du Sahara occidental au droit à l’autodétermination par l’organisation d’un référendum, sous l’égide des Nations unies. C’était, pour elle, le meilleur moyen pour ne pas engager des négociations avec le Maroc.
Court-circuiter l’Espagne
Prenant conscience des manœuvres espagnoles, le Maroc a incité l’Assemblée générale à demander à la Cour internationale de justice (CIJ) un avis consultatif concernant le territoire du Sahara. La Cour a reconnu que ce territoire n’était pas une terra nullius (territoire sans maître), au moment de son occupation par l’Espagne et qu’il existait « au moment de la colonisation espagnole des liens d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental ».
Ce sont les réponses de la CIJ aux questions posées et la référence à la résolution 1514 n’était qu’incidente. Fort des droits que la Cour lui a reconnus et devant les manœuvres dilatoires espagnoles, le Maroc a organisé la « marche verte » [en novembre 1975], qui va lui permettre de récupérer, de façon effective, son Sahara.
C’était aussi la meilleure façon de court-circuiter l’Espagne qui, en 1973, avec l’aide de la Libye de Kadhafi et de l’Algérie de Boumediene, cherchait à déstabiliser la monarchie marocaine et poussé à la création du Front Polisario. Après la signature du traité de Madrid qui consacre la fin de l’occupation espagnole, le relais est pris par la Libye et l’Algérie et par la suite par l’Algérie toute seule, contre le Maroc.
L’instrument utilisé par les gouvernants d’Alger est le Polisario. Le terrain de prédiction est l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et les victimes réelles sont les populations sahraouies, devenues des otages d’un conflit qui les dépasse.
La question du référendum
Pour débloquer la situation, le Maroc a accepté spontanément, en 1986, l’organisation du référendum, tout en attirant l’attention des Nations unies sur les difficultés que rencontrerait cette initiative. Entre 1997 et 2007, des efforts ont été déployés pour l’organisation du référendum, notamment au niveau de l’identification des personnes devant participer au vote. Mais très vite, les Nations unies se sont rendu compte que ce référendum est impossible à organiser. Le Conseil de sécurité décide alors de s’orienter vers des solutions plus réalistes.
Ainsi, en 2001, l’émissaire du secrétaire des Nations unies, James Baker, a proposé un premier plan pour le Sahara où il préconise une large autonomie locale dans le cadre de l’Etat marocain, sauf que ce plan a été refusé par l’Algérie et le Front Polisario. Devant ce blocage, le 11 avril 2007, le Maroc a présenté au secrétaire général des Nations unies une proposition de plan de large autonomie au sujet duquel, le Conseil de sécurité déclare se féliciter des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc.
Il abandonne le référendum et préconise une solution politique réaliste, pragmatique, durable et fondée sur le compromis, allant dans le sens de l’envoyé spécial du secrétaire général, Peter van Walsum, qui a déclaré le 21 avril 2008, que « l’indépendance du Sahara occidental n’est pas une solution réaliste et un objectif atteignable ».
Depuis 2007 (résolution 1754) jusqu’à 2020 (résolution 2548), le Conseil de sécurité déclare prendre « note de la proposition marocaine présentée au secrétaire général le 11 avril 2007 en se félicitant des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement ».
Souveraineté marocaine
En réitérant la même déclaration tous les ans, il faut être soit aveugle, soit de mauvaise foi, pour ne pas comprendre comment le Conseil de sécurité voudrait résoudre le problème du Sahara. Il a, implicitement et parfois explicitement, abandonné définitivement l’organisation du référendum, adopté la solution de large autonomie proposée par le Maroc, en incitant les parties à chercher « une solution politique, réaliste, pragmatique et durable ».
Aussi, quand les Etats Unis ont affirmé le 10 décembre que la solution au problème du Sahara réside dans le statut de large autonomie, dans le cadre de la souveraineté marocaine, ils n’ont fait que dire tout haut ce que pensent les autres Etats et également le Conseil de sécurité.
En attendant, le meilleur moyen pour que les populations sahraouies exercent leur droit à l’autodétermination, c’est de permettre à ceux d’entre eux, qui le voudraient et qui vivent dans des conditions inhumaines dans les camps de Tindouf, en Algérie, de regagner le Maroc.