Le PJD , en conclave, partagé interroger le projet ou reproduire l’ancien narratif - Par Bilal TALIDI

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Abdalilah Benkirane compte sur Hamas pour sortir le PJD de sa léthargie

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Le Parti de la Justice et du développement (PJD) a tenu, le weekend dernier,  une session de son Conseil national sous le signe « Déluge d’Al-Aqsa » au cours de laquelle le Secrétaire général du parti, Abdalilah Benkirane, s’est livré à son exercice préféré, parler et encore parler. Pas moins. D’une heure de son rapport politique. A été consacrée à la cause palestinienne, aux causes et effets de la guerre en cours contre Gaza et à la question de la normalisation avec Israël.

M. Benkirane, heureux de l’aubaine,  a expliqué comment le « Déluge d’Al-Aqsa » a ressuscité la mouvance islamiste après une période de stagnation et de repli et insufflé une nouvelle dynamique au PJD. C’est un effet secondaire de la guerre de Gaza, mais essentiel pour le parti qui a assisté ainsi à la revitalisation de ses bureaux locaux, provinciaux et régionaux qui ont trouvé dans. La cause palestinienne enfin une occasion d’organiser nombre de manifestations et d’activités culturelles.

Revenant sur l’impact du « Déluge Al-Aqsa » sur le PJD et les positions de son parti sur de nombreuses autres questions, M. Benkirane n’a pourtant pas évoqué la recette propre au parti qu’il compte mettre en œuvre pour sortir le PJD de sa léthargie .

A ce que l’on sache, il  n’a pas été question lors de son élection au poste de Secrétaire général, de compter et d’attendre l’intervention de mutations régionales ou d’évènements internationaux pour revitaliser le PJD,  mais plutôt de travailler sur les ressorts intrinsèques du parti qu’il se devait de mobiliser pour sortir de la crise.

Ainsi, Benkirane avait rejeté l’idée du dialogue interne sous prétexte qu’il ne ferait que remonter à la surface l’atmosphère maussade dont le parti s’est relativement débarrassé. Aussi a-t-il refusé d’entamer une réconciliation avec la direction précédente, estimant que celle-ci finirait par revenir au bercail au fur et à mesure que le   parti , selon ses dires s’engageait, dans les combats politiques. Selon lui, des gens comme Mustapha Ramid ou Mohamed Yatim, malgré leur désaccord avec la direction actuelle, ne pourront pas, de par leur nature,  laisser le PJD mener seul ses combats et seront dans les premières lignes de la bataille. 

La recette qu’il n’a cessé de rappeler depuis son arrivée aux commandes s’articule autour de deux prérequis. Le premier se rapporte au référentiel islamique et aux valeurs et principes ayant constitué le socle du mouvement islamiste dès sa naissance. Le second se fonde sur l’impératif de redresser les positions du parti au sujet de l’ensemble des questions auxquelles il est appelé à faire face.

Concrètement, M. Benkirane a assumé lui-même la mission pédagogique au sujet de la restitution des principes fédérateurs du mouvement (le référentiel islamique), à travers une série de leçons (plus de 100 épisodes) qu’il diffusait sur sa page Facebook sous le titre « Un verset m’a interpellé ». En parallèle, le Secrétariat général du parti a publié plusieurs communiqués comportant des positions assez fortes sur nombre de questions, certaines ayant créé l’événement et provoqué un débat public ou choqué l’opinion publique (prix des carburants, révision du Code de la famille, concours des avocats, amendement du Code pénal, séisme d’Al Haouz, évaluation des politiques publiques…). 

Mais au fond, le rapport politique n’a pas évalué lle rendement de la recette préconisée par M. Benkirane pour faire sortir le PJD de son marasme. Il a certes relevé un certain rétablissement du parti, en mettant l’accent sur des indicateurs quantitatifs en lien avec les élections internes et la restructuration des bureaux locaux, provinciaux et régionaux, ce qui confirme le fonctionnement normal des instances organisationnelles du parti. Mais, il a éludé l’indicateur majeur qui consiste en le resserrement des rangs du parti avec le retour des militants au travail au sein des appareils internes. Il n’a pas non plus évoqué l’impact du parti quasi nul sauf quand il s’agit de sorties malheureuses comme celle sur séisme considéré comme punition. divine. 

Le rapport n’a même pas donné d’indicateurs sur le rôle du parti dans la dynamique du mouvement solidaire avec la cause palestinienne elle-même. Tant est si bien que nombre de militants n’hésitent pas à interpeler la direction du parti sur sa position au sujet de la normalisation avec Israël, s’il faut encore faire la distinction entre la position de l’Etat et celle de la société, et s’il convient, pour des raisons patriotiques, que les acteurs politiques et civils s’orientent vers l’immunisation de la société contre la normalisation au lieu de s’en prendre à l’Etat sur cette question.

Le PJD ayant achevé un cycle d’existence (30 ans), une partie du débat interne s’est focalisée sur « la session de la révision globale » qui, selon les tenants de cette thèse, requiert une refonte intégrale allant des termes du projet et à la direction historique du parti. Sauf que la  nature conservatrice du PJD,  réfractaire aux ruptures révolutionnaires, résiste à ce genre de réflexion stratégique et croit que le problème ne réside ni dans le crédo du projet, ni dans la validité de la direction historique, mais plutôt dans le système des valeurs qui n’arrive plus à encadrer les rapports entre la direction et les bases, voire entre les composantes de la direction elle-même.

S’appuyant sur une analyse. comparative des résultats du parti en 2016 et 2021, les tenants de la révision, supposant un éventuel rétablissement, le redressement de ses positions, le retour des dirigeants et le resserrement des liens internes, s’interrogent sur les scénarii de l’après-élections, à supposer que le parti remporte le scrutin voire être appelé à diriger à nouveau  le gouvernement, devrait-il reproduire la même expérience pour se retrouver devant un nouveau blocage ? Le problème résiderait-il dans le système politique qui condamne l’acteur partisan à emprunter le même parcours pour se retrouver face au même résultat ? Ou faudrait-il opérer des modifications partielles ou radicales si nésessaire et prendre compte dès le départ de l’impératif d’immuniser l’unité interne du parti ? Ou faudrait-il prévoir un retour à la société (opposition) en cas d’émergence d’indicateurs de blocage ?

La direction actuelle n’aime pas verser dans ces supputations, du fait que la nature pragmatique de cette formation conservatrice lui impose de se concentrer, d’abord et avant tout, sur la question la plus urgente à ses  yeux : sortir le parti de sa crise. En plus, son acception de la praxis politique lui interdit d’apporter à des interrogations anticipatrices des réponses dont le coût politique ne serait pas sans impact.

Il semble, en définitive, que le PJD n’a été concerné, lors de la session de son Conseil national, ni par l’évaluation de la panacée pouvant rétablir le parti, ni par la révision de son projet, ni encore par le départ de la direction historique. Une question unique a dominé les travaux de cette session : le maintien du consensus politique et la commémoration de la genèse du parti (son acte fondateur) en vue de restituer les valeurs fédératrices, le but étant de s’en servir dans la production de nouvelles positions pour permettre au PJD de mener à nouveau le combat et de récupérer un tant soit peu une popularité qui s’est drastiquement étiolée. Toute proportion gardée, et malgré la différence des circonstances et des contextes, le PJD n’a d’autre recette que celle qu’il a déjà expérimentée et qui lui a permis de diriger le gouvernement en 2011 et de remporter les élections de 2016. Mais l’histoire si elle se répète, elle le fait rarement avec les mêmes hommes et les mêmes recettes.