National
LE SAHARA ATLANTIQUE REVISITE - Par Mustapha SEHIMI

Hassan Abdelkhalek, ancien ambassadeur A Aman (2008-2016) et à Alger, (2016- 2021)
Bonne initiative, jeudi dernier, que le séminaire organisé par la Fondation Abou Bakr El Kadiri pour la Culture, à son siège à Salé sur ce thème:" Le Sahara atlantique: enjeux géostratégiques et juridiques". Un débat de fond sur certains concepts occidentaux devant être réévalués à la lumière des spécificités sahariennes.
***
Préparée depuis trois mois, cette rencontre a été modérée par Lahçen Haddad, député du PI. Elle a réuni Hassan Abdelkhalek, ancien ambassadeur à Aman (2008-2016) et à Alger, (2016- 2021) et des professeurs universitaires (Rahal Boubrik, Mohamed Tozy, Amina Messaoudi et le signataire de cette chronique). Cinq axes ont été retenus: l'allégeance (bey'a) et sa signification dans le contexte des relations entre le Maroc et les tribus sahariennes, les limites du discours postcolonial dans l'analyse des réalités sahariennes (souveraineté, territoire, nomadisme...), les considérations historiques et juridiques de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, l'autonomie versus référendum, et le Sahara atlantique un futur prometteur au cœur des enjeux géostratégiques.
Anachronisme des concepts occidentaux
L'hypothèse de travail était la suivante : il importe de récuser des concepts occidentaux, tels ceux de l'État-nation et de la souveraineté nationale. Pourquoi ? Du fait de leur inappropriation ; ils sont en effet peu explicatifs et significatifs des sociétés nomades et transhumantes comme celle du Sahara, cela veut dire qu'ils ne prennent pas vraiment en compte des modes de vie et des structures sociales bien distinctes des modèles sédentaires européens. L'exemple en a été donné par l'avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ), en date du 16 octobre 1975. Il avait en effet reconnu l'existence de liens juridiques d'allégeance entre les tribus sahariennes et le Sultan de l'Empire chérifien tout en relevant qu'ils n'étaient pas suffisants pour l'établissement et la reconnaissance d'une souveraineté marocaine sur ce territoire- de l'anachronisme donc. Elle analyse des périodes historiques avec des notions, des catégories ou des cadres de pensée qui n'existaient pas à l'époque étudiée. Un exemple : peut-on parler par exemple de " droits de l'homme" au Moyen- Age" ? Dans cette même ligne, qu'en est-il du "Sahara occidental" avec le concept d'État -nation dans la société pré-moderne saharienne ? Il occulte la diversité des formes sociopolitiques existant avant le nationalisme qui s'affirme en Europe à partir du XVIIe siècle (Traité de Westphalie 1648) et qui marque le début du principe de la souveraineté étatique moderne.
Une vision d'intégration régionale
Cela dit, les débats ont été axés sur la liaison à faire entre les aspects historiques et juridiques des provinces du Sud avec les paramètres régionaux et géostratégiques contemporains. Ces deux dimensions ne sont pas séparées : tant s'en faut. Elles interagissent 1'une avec l'autre et s'articulent dans des réalités actuelles. Autrement dit, elles s'inscrivent désormais dans une dynamique stratégique globale. Laquelle ? Celle du "Sahara occidental" : qui est un espace clé au carrefour des enjeux régionaux et internationaux ; celle où " se croisent les intérêts de développement, d'intégration régional et de sécurité" ; celle enfin d'une rearticulation des relations entre l'Afrique, l'Europe et d'autres latitudes. L'Initiative Atlantique, lancée par SM le Roi Mohammed VI en novembre 2023, offre un cadre intégrant désormais une perspective régionale plus vaste.
Les provinces méridionales récupérées dans deviennent ainsi partie intégrante d'une vision plus large, elle est adossée au renforcement et à la promotion de l'intégration régionale et à la promotion de la coopération de l'ensemble de cette façade océanique.
La référence à la terminologie des Nations-Unies relative à l'expression" Sahara occidental" pour désigner le Sahara marocain n'est pas neutre. Des intervenants ont expliqué qu'elle donnait plus de visibilité à ce territoire marocain mais ne pas permettait une meilleure appréhension de cette question nationale. En retenant la formule de "Sahara atlantique", il s'agit, de montrer que le statut institutionnel des provinces du Sud est bel et bien normalisé ; et qu'il n'y a plus lieu, avec le cinquantenaire de la Marche Verte le 6 novembre 2025, de continuer à parler de "Sahara marocain" -il l'est depuis un demi-siècle, ses titres historiques et juridiques ainsi que le soutien constant du Conseil de sécurité et de la majorité de la communauté internationale l’attestent.
Sahara atlantique donc ? Comme l'on parlerait du Maroc méditerranéen, du Maroc présaharien : voilà qui plaide pour l'usage de cette formulation. Il restera à l'adjoindre à celle du "Sahara oriental".