Politique
Le Transfert
Abdalilah Benkirane et Saad Dine El Otmani : la fin de le « je t’aime moi non plus »
Ce n’est pas encore le déluge, mais la météo est à l’orage. Le premier parti du gouvernement est au bord de la scission. Une fausse-vraie démission du ministre d’Etat Mustapha Ramid, une autre, 24 h auparavant, de Driss Azami Idrissi, président du conseil national du PJD et maire de Fès et, last but not least, une sortie remarquée à défaut d’être remarquable de Abdalilah Benkirane qui jure ses grands Dieux de geler ses activités au parti si son successeur à la tête du gouvernement et du parti faisait passer le projet de loi sur la légalisation de la culture du cannabis. Un ultimatum !
Si fort qu’on se prend à trembler pour la coalition gouvernementale.
Mais quand on examine de plus près l’objet de ce branle-bas de combat, on a envie de hurler : Tout ça pour ça !
Ni l’omniscient Coran ni le prophète qui n’en avait pas vent à son époque ne font allusion à la culture ou à la consommation du cannabis. Le PJD lui-même, créé en 1996 mais dont l’acte de naissance est certainement consigné dans les Tables, ne s’en est jamais préoccupé jusqu’en 2016. C’est à cette date qu’il s’est prononcé contre la légalisation du cannabis.
2016, pour ne rien vous cacher, c’est l’année des législatives qui a vu « Le Choc des Titans » : le PAM contre le PJD, Ilias El Omari VS Abdalilah Benkirane dans un duel qui s’annonçait existentiel, et le fut. Le premier, alors secrétaire général du PAM, originaire de la région où prospère la culture du kif, porte haut l’étendard de la légalisation. Le PJD s’y oppose farouchement. Dans ce péplum de mauvaise facture, les islamistes avaient-ils élaboré leur position par antagonisme au PAM ? Tout porte à le croire.
L’un dans l’autre, l’ensemble de ces éléments fait qu’on n’est assurément pas en présence d’un interdit dont le Saint Livre fait un commandement intangible. Mais dans de la politique à la petite semaine. On peut donc aisément estimer que ce que le bigot secrétariat général du PJD a prescrit, le cagot secrétariat général du même PJD peut le déprescrire sans offenser le Ciel.
Toute l’affaire ainsi ramenée à son contexte, la crise d’urticaire que nous fait le PJD se réduit à ce qu’elle est : un truc nerveux. Le point de cristallisation de toutes les frustrations accumulées. Le rétablissement des relations avec Israël en représente le sommet culminant. Dans cette procédure viciée et vicieuse, l’instruction à charge et, sans mauvais jeu de mot, la cabale contre le chef du gouvernement dévoilent le vrai visage de ce qu’il se passe : un procès de substitution. En psychanalyse, on appelle aussi cela Le Transfert.