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LES LOIS ELECTORALES EN DEBAT
Le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, du pain sur la planche
Après le Conseil des ministres du 11 février courant, présidé par le Roi, quatre projets de loi organiques ont été adoptés - preuve que le calendrier électoral normal est à l’ordre du jour et qu’il sera respecté. Sauf circonstance majeure dans les mois à venir, voilà qui stabilise et conforte la capitalisation institutionnelle et démocratique.
Ces textes, avec deux autres projets de loi ordinaires ont été déposés au Parlement et font l’objet d’un examen par les commissions compétentes. Des amendements y seront-ils apportés ? Pour l’heure, en tous cas, cette législation électorale en débat présente un certain nombre de traits qu’il faut rappeler.
Le premier intéresse la Chambre des représentants. Ce qui est nouveau a trait à la suppression de la liste nationale des femmes (60 sièges) ainsi que de celle des jeunes (30). La proposition porte sur 90 membres élus au niveau des circonscriptions régionales suivant le tableau suivant : Casablanca-Settat (12), Rabat-Salé-khénifra/ Fès-Meknès/ Marrakech- Safi(10), Oriental Tanger- Tetouan-Al Houceima (8), Beni Mellal- khénifra/ souss-Massa (7), Daraa-Tafilalet (6), Guelmim- Oued Noun Laayoune-Saquia El Hamra (5) et Dakhla- Oued Eddahab (3).
A noter ici que chaque région doit inclure un nombre de candidates dans chaque liste égal au moins à un tiers des sièges à pourvoir. S’y ajoute une autre contrainte : celle des deux premières places à réserver aux femmes. Voilà bien une formule qui présente bien des avantages cumulatifs d’ailleurs. Elle met fin au « système » de la liste nationale (60 femmes) qui, dans la pratique, a conduit à une dénaturation de la volonté de départ du législateur. L’on a vu en effet les partis opter surtout pour le népotisme, plaçant les femmes et les filles de leurs responsables – un cas d’école de mal gouvernance… Tel parlementaire du PAM est allé jusqu’à placer sa femme dans cette liste nationale et… sa fille dans la liste des jeunes.
Cette réforme ne peut qu’aider à l’émergence et à la promotion d’élites féminines locales alors que jusqu’à présent, celles-ci se trouvaient pratiquement confrontées à une sorte de plafond de verre. Pour ce qui est maintenant du sort de l’ancienne liste des jeunes, elle n’a pas été non plus retenue. L’idée de la réservation de la troisième place dans la liste régionale a été avancée ; il reste à voir ce qu’il en sera à l’issue de la délibération parlementaire actuelle.
Une représentation féminine en hausse
Selon les simulations du département de l’Intérieur et même de partis, la représentation féminine au sein de la Chambre des représentants se situerait dans une fourchette de 88-90 sièges, sans préjudice de la sanction des urnes à propos des candidatures féminines dans des circonscriptions locales. En tout état de cause, ce serait au final un grand progrès, alors que la représentation féminine, dans la Chambre basse actuelle est de 20.51%. Cette avancée se retrouve également au niveau des collectivités locales. Dans les communes régies par le scrutin uninominal, leur représentation est améliorée, de 4 à 5 sièges. Dans celles de plus de 100.000 habitants, celle-ci passe de 8 à 10 sièges. Et dans les communes avec des arrondissements, il est prévu 3 sièges dans le conseil de la ville et 4 dans l’arrondissement. Enfin, il est fixé un tiers de femmes parmi les membres du conseil provincial et préfectoral.
Les amendements à la législation électorale actuelle intéressent d’autres domaines. Ainsi, des mesures pour mettre fin à la transhumance partisane ; il est prévu à cet égard le retrait du statut à tout député qui aura changé d’appartenance politique ou de groupe parlementaire au cours de son mandat. La procédure est la suivante : saisine du président de la Chambre des représentants par le parti de parrainage d’origine, transmission du cas à la Cour constitutionnelle (art.12 bis de la loi organique 11-27 et art. 13 bis de la loi organique N° 28-11). Il faut ajouter le nouveau régime régissant les incompatibilités entre les mandats de parlementaire et ceux de président du conseil de la région ou encore conseil d’une commune dépassant les 300.000 habitants selon le dernier recensement officiel. Cette même règle est retenue pour les présidences de chambres socio-professionnelles.
Il reste que ce principe ne concerne pas les ministres. Si bien que l’argument du plein temps au mandat de député n’est pas retenu ici, comme si la charge de ministre était moins prenante que celle de députés pour justifier une compatibilité entre les fonctions de membre du gouvernement et celles de président de l’exécutif d’une commune de plus de 300.000 habitants.
Or, il s’agit en l’espèce de donner du sens à la gestion des affaires publiques ainsi qu’à la représentativité électorale. Les parlementaires sont en effet appelés à s’atteler entièrement à leurs missions de contrôle, de législation. Dans cette même ligne, les ministres ne doivent-ils pas se concentrer, eux aussi, sur leur tâche gouvernementale ? Au reste, pareille situation pose des problèmes déontologiques par suite de conflits d’intérêts et pèse sur les exigences d’efficacité et d’optimisation des responsabilités publiques.
Un consensus difficile
La question du financement des campagnes électorales des candidats fait l’objet d’un projet de loi plus contraignant. Un plafond de dépenses est fixé par décret du Chef du gouvernement. La tête de liste ou tout candidat doit établir les comptes de sa campagne avec des pièces justificatives dans un délai d’un mois pour être déposées auprès de la Cour des comptes. En cas de non respect de ces dispositions, les « élus » sont déchus de leur mandat et déclarés inéligibles durant deux mandats successifs.
Pour ce qui est enfin du financement des partis politiques, les contributions de leurs membres sont plafonnées annuellement à 500.000DH. La subvention de l’Etat se décline, elle, suivant des modalités particulières. Ainsi, les partis doivent avoir couvert 1/3 des circonscriptions électorales réparties sur les 3/4 du territoire du Royaume. De plus, cette catégorie de partis bénéficiera d’un montant forfaitaire annuel. Un soutien financier additionnel est prévu pour des dépenses liées à des missions, des études et des recherches réalisées par des compétences qualifiées dans le cadre de domaines portant sur l’action partisane et politique.
Au total, des amendements significatifs seront certainement proposés à la législation électorale actuelle. Un consensus paraît pouvoir se réaliser sur certains points. Mais des désaccords subsistent pour l’heure. Tel celui de l’amélioration de la représentation des organisations des employeurs. Comme l’a expliqué le ministre de l’Intérieur, mardi, devant la commission parlementaire, il s’agit de renforcer et de conforter leur indépendance, plus précisément à l’endroit des partis politiques. Le projet prévoit que les candidatures parrainées par les partis ne seront pas validées dans les listes des employeurs. La justification donnée est de « permettre aux organisations professionnelles de disposer de leur groupe parlementaire - un minimum de 12 députés pour la Chambre des conseillers et de pouvoir ainsi préserver leur indépendance durant tout le mandat ». Une proposition qui a conduit la formation istiqlalienne à s’opposer vent débout à ce projet…
Il n’est pas sûr enfin qu’un accord finisse par se réaliser sur la question du quotient électoral : un calcul selon l’ensemble des électeurs inscrits ? Ou sur la seule base des suffrages exprimés, quitte à y ajouter les bulletins nuls et blancs comme le soutient le PJD ? La formation islamiste en fait même une « ligne rouge » non négociable.