Maroc: les pluies torrentielles, une ''aubaine'' pour des oasis mais la sécheresse persiste

5437685854_d630fceaff_b-

Ouarzazate, au Maroc, le 7 septembre 2024. Les puissants orages qui se sont abattus sur le sud aride du Maroc ont provoqué des inondations meurtrières, mais ont également soulagé les agriculteurs. (Photo par Abderahim ELBCIR / AFP)

1
Partager :

Par Kaouthar OUDRHIRI (AFP, bureau  de Rabat)

Niveau des barrages en hausse et nappes phréatiques réalimentées, plusieurs oasis marocaines asséchées tirent profit des pluies diluviennes exceptionnelles du weekend dernier sur le sud, mais la sécheresse sévit encore dans le reste du pays, selon des experts.

Des régions du sud et du sud-est du Maroc ont été frappées de manière inédite par de violentes averses orageuses et des inondations qui ont fait au moins 18 morts, selon un dernier bilan du weekend publié lundi soir.

Ce sont des zones désertiques et semi-arides qui ont été touchées par un phénomène climatique "exceptionnel", lié à une remontée vers le nord du Front intertropical, caractérisé par une masse d'air chaud très pluvieuse.

"Ces événements rappellent une manifestation ignorée du changement climatique, qui ne se traduit pas uniquement pas le manque de pluie mais aussi par une aggravation des pics de précipitations", explique Mohamed Jalil, expert en climat et ressources hydriques.

"Ces pluies vont apporter une bouffée d'oxygène pour les oasis et leur agriculture vivrière mais il n'a pas plu ailleurs. Le pays reste sous une sécheresse structurelle lourde", met en garde l'agronome Mohamed Taher Sraïri.

Le Maroc fait face à sa pire sécheresse depuis près de 40 ans, qui dure depuis six ans et menace le secteur clé de l'agriculture (11 à 14% du PIB et plus d'un tiers de la population active), aggravant son stress hydrique.

Selon des experts, les nappes phréatiques nécessitent des pluies dans la durée pour se recharger à un niveau normal après une longue sécheresse.

Mais à une échelle locale, ces pluies rares ont permis de faire remonter les niveaux de certains barrages, elles vont réalimenter des nappes phréatiques presque à sec et augurent de meilleurs rendements agricoles.

Les quatre réservoirs du bassin Drâa-Oued Noun, couvrant plusieurs localités touchées par les intempéries, "ont vu leur niveau passer, du 23 août au 9 septembre, de 101 millions de m3 à 191 millions de cubes, soit un taux de remplissage de 19%", indique à l'AFP Youssef Ben Hamou, directeur de l'Agence du bassin hydraulique de cette zone (Abhdon).

Dans cette zone, le grand barrage de Ouarzazate, à 500 km au sud de Rabat, a capté à lui seul 70% de l'apport des précipitations avec 69 millions de m3, note le responsable, précisant que le nouveau barrage Fask, opérationnel depuis mars 2024, avait reçu 10 millions de m3 d'eau en 24h.

"Espoir" 

"Ces pluies sont une aubaine pour la région car ces réserves vont pouvoir assurer la sécurité de l'approvisionnement en eau potable qui reste une priorité", souligne M. Ben Hamou.

Les nappes phréatiques des zones affectées par les inondations vont également être au moins partiellement rechargées, ce qui devrait ranimer l'activité agricole locale.

"Ces localités s'appuient beaucoup sur les eaux souterraines. Les pluies abondantes vont alimenter les nappes et les améliorer. Cela apportera du répit dans les oasis, particulièrement pour l'agriculture", souligne l'expert Mohamed Jalil.

Malgré des conditions climatiques difficiles, l'agriculture (palmiers dattiers, cultures maraîchères, céréales) est répandue dans la région.

"L'effet psychologique est important. Ces premières pluies donnent de l'espoir mais la saison ne fait que commencer, on ne pourra faire un bilan que vers le mois de mars", ajoute M. Jalil.

Un budget de plus de 3,7 millions d'euros sera mobilisé pour "relancer les activités agricoles, désenclaver les populations touchées" et réhabiliter les infrastructures hydrauliques endommagées par les crues, a annoncé mardi le ministre de l'Agriculture Mohammed Sadiki, lors d'une visite dans la province de Ouarzazate.

Dans l'immédiat, les services météorologiques marocains ne prévoient pas de nouveaux pics de violentes averses dans le sud. Mais le professeur de climatologie Mohamed Said Karrouk "suggère de se préparer à des phénomènes nouveaux dont on ignore la fréquence et la violence, compte tenu des effets du changement climatique".

lire aussi