Par Hassan Zakariaa

A en croire le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le 29è Salon international de l’édition et du livre (SIEL-2024), organisé du 09 au 19 mai dernier à Rabat, aurait connu un succès sans précédent.

Mohamed Mehdi Bensaid qui s’exprimait devant les honorables représentants de la Chambre éponyme, n’a pas dit les choses comme ça mais c’est tout comme. Il en veut pour preuve les chiffres de la fréquentation : 316.000, soit une hausse de 32% par rapport à l’édition précédente. Pour que ce décompte ne souffre pas le doute, M. Bensaid, aussi geek que dynamique, informe les susceptibles d’en douter « que le Salon a adopté pour la première fois des techniques développées » pour compter des visiteurs.»

Les yeux écarquillés d’épatement, il ajoute : « le chiffre d’affaires de cette édition a dépassé les 120 millions de dirhams ». S’il le dit, mais quand le ministre explique que ce CA « reflète l’intérêt porté par les Marocains pour le livre et la lecture, à l’ère de la technologie et de l’intelligence artificielle », le doute raisonnable resurgit. Dans un pays où les études du Haut-Commissariat au Plan attestent que les Marocains consacrent à peine deux minutes par jour à la lecture, ne pas prendre ce chiffre d’affaires pour argent comptant, serait une saine prudence. Sans trop s’attarder sur sa manière d’opposer lecture et technologie, ne sait –il pas qu’on peut lire de belles choses sur ChatGpt ?! Il suffit de la lui demander.

Mais le mur du son, on le franchit lorsque le ministre d’un pays très branché oralité et très peu connecté livres, à l’exception du saint d’entre eux, informe son honorable auditoire que plus d’un million cent mille ouvrages ont été écoulés pendant les dix jours du Salon. Ramenés aux 300 mille visiteurs, cela donne une moyenne de trois livres chacun. Les incroyants et les plus sceptiques n’ont plus aucune raison de ne pas croire au miracle céleste.