Peut-être le dernière visite – Par Seddik Maaninou

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Abderrahim Biuabid (1922 – 1992), premier secrétaire de l’USFP, et M’hammed Boucetta (922 – 2017), secrétaire général de l’Istiqlal

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À l'invitation du forum annuel de « Med Sahara - Observatoire de la diplomatie marocaine », j'ai assisté à une rencontre dans la ville de Dakhla, qui a duré trois jours. Cet événement a été marqué par des présentations importantes sur le thème : « Le Roi Mohammed VI : vingt-cinq ans de vision royale et dix ans de réalisations dans les provinces du Sud ». La rencontre a été caractérisée par une organisation millimétrée supervisée par Souad Mékaoui et Hassan Alaoui (Maroc Diplomatique). La séance inaugurale a été marquée par plusieurs discours.

Un demi-siècle après

Au début de mon intervention, j'ai indiqué que, depuis quarante-quatre ans, je possède une décoration que je n’ai jamais portée. Alors que je me préparais à voyager à Dakhla, je me suis souvenu de cette médaille et je l'ai emportée avec moi pour l’arborer pour la première fois en public. J'ai sorti la décoration de ma poche, et un journaliste m'a aidé à la fixer sur le revers de ma veste. Je me devais de faire cela, car je crains fort qu'il ne s'agisse de ma dernière visite à Dakhla, et je dois dire que ce geste m’a apporté un certain soulagement

L'origine de cette médaille remonte au 4 mars 1980, lorsque Hassan II décida d'organiser la cérémonie d'allégeance à Dakhla. Cette cérémonie avait été préparée dans le plus grand secret, avec un pont aérien mobilisé pour transporter environ deux milliers de représentants des différentes régions du Maroc au chef-lieu de Oued Eddahab. Tous ces participants reçurent la « Décoration de Dakhla », tandis que la médaille de la Marche Verte a été attribuée aux 350 000 volontaires qui y ont participé. 

Hassan II m’avait demandé à quelle heure serait diffusé le reportage télévisé de cet événement historique. Pris au dépourvu, en raison des contraintes liées à l’envoi des films à Marrakech, puis à Rabat pour le développement et le montage, j’ai répondu : « Il sera diffusé à six heures du matin. » Le roi sourit et demanda : « Vous voulez donc obliger les Marocains à veiller jusqu’à cette heure pour suivre un événement national et civilisationnel d’une telle importance ? » Il décida alors de mettre son avion personnel à disposition. Après la cérémonie, l’avion décolla immédiatement pour Rabat. J’étais son seul passager. Et, après une course contre la montre dans les studios, à onze heures du soir, le programme était diffusé. Voilà l’histoire de cette décoration qui, après un demi-siècle rangée dans ma bibliothèque, orne aujourd’hui fièrement ma poitrine.

Dans les coulisses du palais

Revenant au sujet de mon intervention, j’ai abordé les différentes étapes de la préparation de la Marche Verte, y compris la logistique nécessaire pour le transport, l’hébergement et la nourriture. J’ai consacré une partie de mon intervention aux phases de préparation et posé la question : est-ce que les partis politiques nationaux – notamment le Parti de l’Istiqlal et l’Union socialiste des forces populaires – avaient été informés de l’organisation de la Marche, et si oui, comment cela avait-il été fait ? 

J'ai profité d’un visite à défunt secrétaire général de l’Istiqlal, M'hamed Boucetta, pour trouver une réponse à ma question. Il m’a surpris en racontant : « Avant le discours du 16 octobre 1975, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Laraki m’a rendu visite de nuit et m’a informé que Sa Majesté le Roi me recevrait le lendemain à dix heures. Malgré mes tentatives pour découvrir le secret de cette invitation soudaine, l’émissaire est resté silencieux. »

À l'entrée du palais

M’Hammed Boucetta a jouté : « Lorsque ma voiture s’est arrêtée devant la porte du palais, une autre voiture s’est arrêtée à côté de la mienne. Abderrahim Bouabid en est descendu. En s’approchant, il m’a demandé : « Quel est le sujet ? » Je lui ai répondu : « Je suis comme toi, je n’ai aucune information. Nous avons été reçus par Hassan II, qui nous a conduits en descendant un escalier pour entrer dans un tunnel où nous avons marché sur quelques dizaines de mètres. Abderrahim et moi échangions des regards étonnés cette expérience inhabituelle.

« Après un moment, nous sommes entrés dans une petite salle, et le roi s’est empressé de verrouiller l’unique porte. Du lieu Il nous a dit : ‘’J’ai des nouvelles à vous transmettre après que vous aurez prêté serment.’’ Il a sorti de sa poche deux petits papiers manuscrits qu’il avait signés. Il en a donné un à chacun de nous. Nous avons prêté serment, les mains levées, jurant de garder le secret et de mettre en œuvre ses instructions. Il nous a ensuite révélé les détails de l’organisation de la Marche Verte et les motivations qui l’ont inspirée ». 

Boucetta m’a confié qu’il conservait encore ce papier qu’il a immédiatement sorti son « bzattam marrakchi » (portefeuilles) et m’a montré le document, que j’ai photographié et inclus dans mes mémoires.

Dialogue des générations

Le forum de Maroc Diplomatique à Dakhla a été un espace d’échange où plusieurs spécialistes dans des domaines liés au sujet principal de la rencontre ont pris la parole. Parmi les interventions les plus marquantes, celle d’Omar Hilale, ambassadeur réprésentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies, qui a mis en avant les principes fondamentaux de la diplomatie marocaine, sa méthodologie de travail et les raisons de son succès. Driss Jettou, ancien Premier ministre, a parlé de la période de sa responsabilité, des réalisations économiques et des infrastructures de base ayant permis au Maroc d’occuper une position de leader. Mohand Laenser, ancien ministre, a partagé son expérience dans le domaine de la régionalisation, en évoquant les étapes franchies et les défis rencontrés.

Par la suite, plusieurs tables rondes ont été organisées. La première portait sur « La dynamique de la diplomatie marocaine dans la perspective royale », suivie d’une deuxième sur « Les grands projets royaux » et d’une troisième intitulée « L’essor des provinces du Sud et la planification de leur avenir ». Ce qui m’a particulièrement frappé lors de ces conférences, c’est la jeunesse des intervenants, leur professionnalisme, leur capacité à poser les problématiques et à proposer des solutions, ainsi que leur détermination à préparer l’avenir. Ces jeunes, hommes et femmes, représentent la génération qui accompagnera le roi Mohammed VI dans la construction du Maroc de demain. Il est apparu clairement que, dans mon pays, il y a ceux qui travaillent et ceux qui parlent. Les participants à ces conférences appartiennent, comme ceux que j’ai rencontrés sur les chantiers de Dakhla, j’en suis sûr, à la première catégorie.

Jour et nuit

À la fin de mon séjour, j’ai visité le projet du port de Dakhla et assisté, avec les participants, à des présentations sur ce port, dont les études de faisabilité ont duré six ans et dont la construction s’étendra sur sept années. Le projet coûtera 13 milliards de dirhams. En parallèle, des zones industrielles sont en cours de préparation, ainsi que la fourniture de l’énergie électrique nécessaire grâce à l’exploitation des ressources éoliennes et solaires. Les travaux se poursuivent jour et nuit, et le taux d’avancement a déjà atteint 30 %.

Ce qui m’a rassuré, c’est que ce projet national d’une importance capitale, depuis sa conception, sa planification, ses études jusqu’à sa réalisation, est entièrement le fruit des compétences marocaines. C’est une réalisation 100 % marocaine. 

J’étais ravi lorsque j’ai échangé avec les responsables, leur ai posé une série de questions et ai reçu des réponses claires. Ce qui m’a encore plus réconforté, c’est que la personne supervisant ce projet est une femme marocaine, et que la moyenne d’âge des travailleurs ne dépasse pas trente-deux- trente-trois ans.

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