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Quand CIA et FBI tressent des couronnes à la DGST
Entre deux drapeaux, au siège de la DGST, Abdellatif Hammouchi recevant l’ex-secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, sur fond d’un tableau de la cavalerie traditionnelle, qui pourrait-être un El Glaoui. Mais sans certitude aucune.
La CIA et le FBI, la section de New York pour le second, viennent de saluer l’apport appréciable de la DGST marocaine à leurs propres efforts dans la lutte contre le terrorisme.
Pour le FBI, il s’agit de sa « profonde gratitude et ses vifs remerciements pour la coopération et l'important soutien apporté par la Direction générale de la surveillance du territoire ». Ce qui lui a permis de déjouer un attentat qui ciblait pas moins que les forces armées américaines. Un acte qui aurait, s’il avait eu lieu, valeur de prise de citadelle fragilisant dans un fracas assourdissant l’image d’une institution dont la raison d’être est d’assurer la paix et la sécurité des citoyens américains où qu’ils se trouvent, comme ils aiment dire.
Pour la CIA, c’est la reconnaissance « du leadership et du haut niveau de professionnalisme de la DGST, dans le cadre de efforts sécuritaires communs », qui est mise en avant.
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La CIA comme le FBI sont deux grandes institutions de renseignement et de sécurité. De leurs exploits, depuis que les Etas Unis d’Amérique se sont imposés en puissance mondiale, ils ont alimenté le réel et l’imaginaire, faisant de leurs actions, l’avouables et l’inavouables, le bonheur de la production cinématographique américaine. Leurs messages à la DGST équivaudraient si on devrait les comparer à l’attribution de deux ou trois Oscars à un film marocain.
C’est la DSGT qui a rendu public ces messages, mais on peut imaginer que si elle l’a fait c’est aussi parce que CIA et FBI voulaient que ça se sache. Ils donnent ainsi corps et matière aux formules consacrées et néanmoins abstraites dans le style : « les deux parties se félicitent de l’importance de la coopération stratégiques et sécuritaires entre les deux pays ».
Ce n’est certainement pas la première fois que ces services ont eu à remercier la DGST. Mais dans le cas de derniers messages, c’est un fait concret qui est exalté et il n’est pas interdit de les comprendre comme un signal à tous ceux qui travaillent, à l’ombre de l’arrivée d’un nouvel hôte à la Maison Blanche, à ramener les relations américano-marocaine à l’avant reconnaissance par Washington de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara.
Le témoignage de Ch. Pasqua
L’efficacité des services de renseignement marocains n’a toutefois pas attendu ces faits pour être reconnue. Les Espagnols l’ont déjà admis solennellement et ce n’est pas pour rien que leur gouvernement avait décoré en 2019 le patron de la DGST, Abdellatif Hammouchi. Ce n’est pas, non plus, pour rien que les Français par la voix de leur ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, ont annoncé en 2015, leur décision de « l’orner » de la légion d’honneur. Une reconnaissance, mais aussi une réparation.
C’est qu’en 2014, dans un geste fortement inamicale, sûrement le fruit d’une manipulation comme seuls les Français savent en produire, la police hexagonale avait tenté sans vergogne une interpellation à Paris du directeur général de la DGSN/DGST, propulsant les relations franco-marocaines dans une longue profonde crise.
Moins d’une année plus tard, en 2015, la France subissait de plein fouet une vague d’attentats terroristes dont le plus emblématique est, avec plus tard le Bataclan, l’attaque contre Charlie Hebdo qui a suscité une intense polémique franco-française sur la qualité, ou l’absence de qualité, du renseignement français « coupable » de ne pas avoir anticipé les actes terroristes. Dans son sillage, des voix se sont élevées pour dénoncer le froid avec Rabat. Et c’est à Charles Pasqua qu’il revint de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas : «Je ne suis pas sûr,avait-il déclaré, que l’attaque armée contre Charlie Hebdo aurait eu lieu si nous étions en bons termes avec les Marocains».
Charles Pasqua, comme il le soulignera lui-même, sait de quoi il parle. En 1959, il est, avec Jacques Foccart, l'un des créateurs du Service d'action civique (SAC), organisme de protection, une sorte de police parallèle du gaullisme. Ce n’est donc pas par hasard si en 1986, Jacques Chirac, premier ministre de la première cohabitation sous la cinquième république, le nomme ministre de l'Intérieur. En 1993, à la deuxième cohabitation conduite par Edward Balladur, il est reconduit au même poste avec rang de ministre d'État. En déduire que c’est en étant au carrefour du renseignement et des réseaux que Charles Pasqua a apporté ce témoignage par défaut, mais de première main, c’est peu dire
Cette efficacité n’est pas tombée du ciel, mais acquise de haute lutte. Elle repose sur un postulat aux apparences de lapalissade. Il édicte que toute arrestation après coup est quelque part un échec, tant un acte de police n’est un réel succès que s’il réussit à anticiper et à faire avorter une action en gestation. C’est dès le début des années 2000, et dans la foulée des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, que le DGST entreprend une profonde refonte des ses moyens et méthodes, jonglant dans un difficile équilibre avec les outils technologiques et le renseignement humain, deux supports aujourd’hui essentiels et complémentaires dans tout travail de renseignement. Progressivement, la doctrine qui en a découlé va se résumer en deux mots : L’action proactive. Sans prétendre à l’infaillibilité, elle devient un crédo.