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Résurrection – Par Seddik Maaninou
Agadir, je l'avais vue pour la première fois en 1962, tout en décombres suite au désastreux tremblement de terre. Agadir d'aujourd'hui, de l'aéroport au centre-ville, sur vingt-cinq kilomètres, est une enfilade de bâtiments, infrastructures, rues larges, propres et verdoyantes, se préparant à accueillir la Coupe d'Afrique et la Coupe du Monde
À la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d'Agadir, une foule dense s'est réunie pour rendre hommage au professeur Omar Abdou, l'un des enseignants les plus éminents dans le domaine des médias. Cet homme a été à l'origine de la création du premier "Master en Médias", et de nombreuses promotions de journalistes diplômés grâce à lui travaillent aujourd'hui dans des télévisions, radios et sites internet. Plusieurs de ses anciens élèves ont réussi leur doctorat et sont devenus enseignants universitaires. La majorité d'entre eux étaient présents ce jour-là aux côtés de doyens, professeurs et autres étudiants.
Presse, bref état des lieux
J'avais fait la connaissance de Abdou lorsqu'il m'avait invité il y a plusieurs années, alors qu'il était en première année d'une expérience suivie de près par beaucoup. Comme j'avais contribué à l'encadrement et à la formation, ils m'ont honoré en baptisant de mon nom la première promotion. Dans mon discours, après avoir salué l’idée de rendre hommage à l’homme et qualifié Abdou de "militant des médias", j'ai affirmé que "les médias dans notre pays traversent une période critique, où la presse papier est à l’agonie, et où les sites internet sérieux sont en guerre contre la futilité et les fausses nouvelles. J'ai souligné que l'État a fait de grands efforts, mais que les journalistes doivent prendre les choses en main, et ne pas rester à la charge de l'État qui paie leurs salaires et les dépenses de leurs secteurs. J'ai insisté sur le fait que cette situation leur fait perdre en crédibilité, les éloigne du professionnalisme et les transforme en voix uniformes.
Une oasis de verdure
La Faculté des Lettres est une oasis de verdure au cœur d'une ville qui souffrait autrefois de soif. En exprimant ma satisfaction quant à la cérémonie et à la qualité des participants, j'ai demandé au doyen : "Comment vont les choses ?" Il m'a immédiatement conduit à un immense bâtiment que nous avons exploré. C'est le "Complexe de recherche scientifique pour les sciences humaines et sociales", une première expérience marocaine dans ce domaine. Il m'a expliqué : "La construction est terminée, et l'équipement va commencer. Ici, les doctorants se consacreront à l'étude et à la réflexion. Il y a dix-sept unités de recherche, chacune composée de plusieurs salles." J'ai été ravi par ce projet, car la recherche scientifique est le point faible de nos universités, ce qui les relègue à des classements modestes.
Plus tard, j'ai visité "TV Koulia", une unité dotée d'un studio professionnel entièrement équipé, ainsi que de salles de réunion et de préparation. Cette unité unique a permis de faire face à la pandémie de COVID-19 en enregistrant et en diffusant des cours aux étudiants. Aujourd'hui, elle produit des programmes, des rencontres et des débats, et constitue un vivier de créativité pour accéder au domaine des médias visuels.
La faculté compte vingt-quatre mille étudiants. Habituellement, seuls cinq doctorants sont diplômés par an. Cependant, l'année 2023 a été une cuvée exceptionnelle avec cent vingt nouveaux docteurs.
Un minaret atypique
Le professeur honoré m'a fait visiter Agadir, que j'avais vue pour la première fois en 1962. À l'époque, elle n'était qu'un amas de pierres et de piliers de béton effondrés suite au désastreux tremblement de terre. Agadir d'aujourd'hui, de l'aéroport au centre-ville, sur vingt-cinq kilomètres, est une enfilade de bâtiments, d’infrastructures, de rues larges, propres et verdoyantes. Agadir se prépare à accueillir la Coupe d'Afrique et la Coupe du Monde, et les projets et chantiers y foisonnent. Elle est dans une nouvelle phase de son développement. Une mosquée en construction, avec des arcs, colonnes et décorations inhabituelles a particulièrement retenu mon attention. Son minaret, inhabituel, est conçu de manière qu’on voit les escaliers en colimaçon monter pour atteindre le sommet, une innovation pas forcément nécessaire ou heureuse.
Iligh
Agadir est la capitale historique de Souss, mais la véritable capitale est "Iligh", située au sud de Tiznit. Cette région, avec ses racines anciennes, est destinée à devenir un moteur de développement national. Elle offre un climat agréable pour le tourisme, un environnement tempéré pour l'agriculture et une vaste mer pour la pêche. Mais ce qui importe le plus, c'est que ses habitants sont sérieux, travailleurs et solidaires. Tous les éléments de succès sont présents, comme en témoigne l'absence de mendiants.
Le marché du dimanche
Un des points forts d'Agadir est son Marché du Dimanche, le plus grand marché à ciel ouvert au Maghreb, voire en Afrique. Lorsque j'y suis entré par l'une de ses dix portes, j'ai été impressionné par l'abondance des produits : un achalandage des tonnes d’oranges, pommes, tomates, légumes et fruits. Plus j'avançais, plus j'étais surpris par les centaines de boutiques exposant toutes sortes de marchandises. Mon guide m'a ensuite emmené au "Marché de la Liberté", encore plus grand, avec un étage couvert regorgeant de biens de toutes sortes. Ce marché semble pouvoir répondre à toutes les demandes.
En revenant, j'ai remarqué un gigantesque bâtiment s'étendant sur des dizaines de mètres. Mon guide Hassoune m’a expliqué : "C'est le Marché de gros, appelé 'Marché Tlate Inzegane', dédié aux transactions en gros, qui se font principalement via Internet. Les commerçants y utilisent des outils numériques." J'ai décliné la visite, déjà impressionné par les marchés classiques. Que dire alors des marchés de gros connectés à tout le royaume ?
À l’aéroport
Abdou est venu me dire au revoir à l'aéroport. J'ai ressenti que sa mise à la retraite était une erreur, car il a encore l'énergie nécessaire pour avancer, des rêves, des visions et des projets. Il possède une expérience riche dans un domaine qui a cruellement besoin de professionnels, de pionniers et de mentors. Le vol d'Agadir à Rabat était plein, avec seulement deux étrangères, le reste des marocains issus visiblement de la classe moyenne. Voyager en avion est désormais accessible. C'est un Maroc nouveau, avec une vision royale futuriste portée par Mohammed VI avec générosité, dignité et confiance. Agadir a déjà un pied dans l'avenir.