Salima, institutrice : « Je vis encore, mais branchée (…)» - Par Dr Anwar Cherkaoui

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Salima a troqué le tableau pour la parole. Elle intervient dans les écoles, les mosquées, les associations. Elle transforme sa douleur en message, son expérience en alerte.

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Salima, enseignante depuis près de trois décennies, a vu sa vie basculer en silence, rongée par deux ennemis invisibles : l’hypertension et le diabète. A tarvers Dr Anwar Cherkaoui, elle raconte comment aujourd’hui, trois fois par semaine, elle quitte sa maison à l’aube pour cette séance qui la maintient en vie. De son combat est née une mission : alerter, prévenir, transmettre avant qu’il ne soit trop tard.

Une salle de classe, des enfants, et une vie suspendue

Par un matin de septembre, dans une école animée par les rires d’enfants et le bruit du fortement des cartables neufs, Salima rangeait méthodiquement les cahiers de ses élèves de CE1. Depuis 28 ans, elle vivait pour ces instants, le regard tendre d’une institutrice passionnée. Ce jour-là, pourtant, sans le savoir, elle franchissait une dernière fois le seuil de sa classe avec légèreté.

Depuis longtemps déjà, son corps l’alertait. Une tension artérielle en hausse constante, qu’elle attribuait à la fatigue et tentait de réguler avec des tisanes et des promenades dominicales. Son diabète, diagnostiqué cinq ans auparavant, était pour elle un simple excès de sucre, pas de quoi s’inquiéter. Elle refusait les traitements. Elle pensait pouvoir tout gérer seule.

Mais le corps n’oublie pas

En mars, alors que ses élèves préparaient la fête du printemps, Salima s’est effondrée de fatigue, rongée de nausées et d’essoufflements. Pensant d’abord à un surmenage, elle finit par consulter. Le verdict tombe, implacable :  insuffisance rénale chronique terminale. Ses reins sont hors d’usage. Définitivement.

Hospitalisée en urgence, on lui pose un cathéter pour débuter la dialyse. Elle crie, nie, pleure. Comment accepter de dépendre d’une machine, quatre heures par séance, trois fois par semaine, à vie ? Comment dire adieu à sa classe, à ses enfants, à sa routine d’enseignante ?

De l’épreuve au témoignage : une voix pour alerter

Dès lors, chaque lundi, mercredi et vendredi, à l’aube, Salima prend un taxi en direction du centre de dialyse. Elle y retrouve d’autres visages familiers : des jeunes, des vieux, tous unis dans le silence d’un même combat contre le duo toxique que forment l’hypertension et le diabète.

C’est dans cette épreuve qu’elle comprend l’irréversibilité de ce qu’elle appelait hier encore des "petits maux" : jambes lourdes, migraines, urines rares, fatigue... Tous ces signes qu’elle a ignorés. Elle réalise alors que l’insuffisance rénale est le fruit d’une négligence lente, mais fatale.

Aujourd’hui, Salima a troqué le tableau pour la parole. Elle intervient dans les écoles, les mosquées, les associations. Elle transforme sa douleur en message, son expérience en alerte. Elle raconte, sans pathos, avec lucidité, comment un simple suivi médical, une prise de médicament, une écoute des signes du corps auraient pu changer sa destinée.

Et elle conclut souvent, dans un silence suspendu, par cette phrase qui frappe les consciences :

« Je vis encore. Mais je vis branchée à une machine. »

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