chroniques
Ssi Ahmed, toujours dans nos pensées – Par Tarik EL MEDLAOUI
Dans ces temps complexes où la pensée critique et la raison se font si rares, la disparition Ahmed Herzenni restera dans les annales comme un grand homme, un citoyen engagé et un fervent défenseur des droits humains.
Cette semaine marque le premier anniversaire de la disparition de notre regretté Ahmed Herzeni, militant infatigable des droits de l’homme et homme d’État courageux, connu pour ses positions tranchées et sa droiture exemplaire.
Je me souviens encore avec émotion de ce mardi 14 novembre 2023, lorsque j’ai appris la triste nouvelle. Ahmed Herzeni, un ami de la famille et compagnon de route de mon père dans les années 1970, nous quittait. Ce défenseur acharné des droits humains avait également présidé le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH).
Choqué par son décès, une anecdote marquante m’est immédiatement revenue en mémoire, une histoire que je ne manquais jamais de lui rappeler à chacune de nos rencontres.
Cette anecdote remonte à l’époque des séances d’audition de l’Instance Équité et Réconciliation (IER), qu’il co-pilotait avec le défunt Driss Benzekri. Ce projet d’envergure, fruit d’une intelligence collective, avait permis à notre pays d’assumer son passé tout en jetant les bases d’un avenir respectueux de la sacralité des droits humains.
J’avais alors 23 ans. Plein d’idéaux et animé par la fougue de la jeunesse, je vivais cette période avec intensité. Une phrase prononcée par Ahmed Herzenni lors d’une audition avait provoqué en moi un choc profond : il avait déclaré, en substance : « Mes camarades et moi, nous n’étions pas des anges. Nous intentions étaient révolutionnaires… »
Troublé par cette affirmation, je m’étais tourné vers mon père, Mohamed Elmedlaoui, son compagnon de lutte durant les années de plomb et lors du Congrès de l’Union Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM) en 1972, pour comprendre ce que je percevais alors comme un revirement idéologique.
À ma grande surprise, mon père m’avait répondu de manière sèche et catégorique, un ton qu’il n’employait que rarement : « Il a raison. Nous n’étions pas des anges, nous non plus ! »
Ce soir-là, autour de la table familiale, s’était tenu un débat politique mémorable, gravé dans ma mémoire. Jamais mon père n’avait été aussi direct et intransigeant avec moi.
Il m’a fallu plus de dix ans pour comprendre la profondeur de cette phrase. Dix ans pour saisir que la nuance et la compréhension des enjeux surpassent de loin les idéologies.
Cette leçon de vie m’a marqué à jamais. Preuve en est, lors de ma cérémonie de mariage, il y a cinq ans, Ahmed Herzenni était présent, accompagné de son épouse. Je n’ai pas manqué de lui rappeler cette anecdote en présence du professeur Kabbaj et de son épouse.
Avec son sourire bienveillant, il m’avait répondu : « Je suis heureux que cela te marque à ce point, jeune homme, et encore plus heureux que tu en aies tiré ta propre lecture. »
Dans ces temps complexes où la pensée critique et la raison se font si rares, la disparition d’un homme de sa trempe est une perte immense perte pour notre pays. Ahmed Herzenni restera dans les annales comme un grand homme, un citoyen engagé et un fervent défenseur des droits humains.