National
Trump, Sahara marocain, Israel
Sous le regard de l’ancien premier ministre algérien, aujourd’hui en prison, Ahmed Ouyahya, échange entre le Roi Mohammed VI et Donald Trump à Paris, lundi 12 novembre 2018, à l'occasion du centenaire de l'Armistice
Comme l'a dit le président Trump, c'est évidemment une ''percée historique'' que l'établissement de relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Une normalisation qui voit un quatrième pays arabe reconnaître officiellement l'Etat hébreu, après les accords d'Abraham du 15 septembre dernier signés à Washington.
Après l'Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994, le Royaume renforce ainsi le camp de la paix aux côtés des Emirats Arabes Unis, de Bahrein et du Soudan. D'autres pays arabes emprunteront sûrement la même approche, dans les mois à venir, en particulier l'Arabie saoudite. Jared. Kushner, gendre et conseiller spécial du Président Trump, a déclaré à cet égard que ce pas vers la reconnaissance était inéluctable.
Le Maroc fidèle à lui-même
Dans ce premier groupe, le Maroc présente bien des traits spécifiques. La normalisation des relations avec l'Etat d'Israël ne participe pas des accords de paix, comme Amman et Le Caire. Il s'est également distingué, depuis des décennies, par une volonté de « bons offices », plaidant et œuvrant pour un dialogue et un processus de négociation entre Israël et 1'Autorité palestinienne. Que ce soit par de multiples canaux d'une diplomatie secrète ou par des initiatives publiques - telle la rencontre entre le Roi Hassan II et le Premier ministre Shimon Pérès, en mai 1986, à Ifrane- Rabat a toujours milité pour la recherche d'une paix stable et durable. De plus, la présidence du Comité Al Qods (Jérusalem) a toujours été présidée depuis plus de quatre décennies par le Souverain marocain, Hassan II, puis Mohammed VI. Cette question du statut de la Ville Sainte est l'un des aspects les plus complexes à l'ordre du jour.
Des liens profonds sublimés
Le Maroc a soutenu avec constance le plan de règlement de la question palestinienne sur la base de deux Etats. Enfin, une importante communauté israélienne est d'origine marocaine - environ un million de personnes, et son attachement au Royaume reste vivace. Dans le gouvernement actuel de Netanyahou, pas moins de dix ministres relèvent de cette même descendance. Des relations commerciales ont pu être préservées ; une coopération économique aussi (agriculture, ...) ; des flux touristiques enfin de l'ordre de 90.000 visiteurs en 2019.
Une décision impactante à bien des égards
Cette décision ouvre un nouveau cadre d'action diplomatique, offrant un déploiement supplémentaire à la diplomatie marocaine. Celui-ci se prolonge, de manière éclatante même, avec la reconnaissance de Washington de la « pleine souveraineté, du Royaume sur le Sahara marocain », comme l'a précisé ce même jour le communiqué officiel du cabinet royal. Le décret du chef de l'exécutif américain est d'effet immédiat. Un consulat sera ainsi ouvert à Dakhla. A n'en pas douter voilà bien un acte majeur qui va imprimer sa marque sur les termes de référence de la question du Sahara. Désormais, les uns et les autres ne pourront que prendre en compte la nouvelle position de Washington. Le Maroc, pour commencer, se voit conforté avec la reconnaissance de la marocanité de ses provinces sahariennes récupérées. Pour la première fois, voilà un acte fort, porteur de sens, avec un impact considérable.
Les Etats-Unis de Trump solidaires du Maroc
Durant les décennies écoulées, faut-il rappeler que la première puissance mondiale avait emprunté bien des méandres à ce sujet. En particulier, tant avec l'administration Carter (1976-1980) qu'avec celle d'Obama, bien des frottements et des divergences avaient été relevés notamment sur le dossier des droits de l'homme et de leur monitoring dans les provinces sahariennes du Sud. De telles considérations n'ont pas été enregistrées avec les administrations républicaines (Reagan, Bush, Trump). Depuis janvier 2017, l'administration Trump a toujours apporté son soutien au Maroc au Conseil de sécurité en gardant une haute main sur la préparation et la finalisation des projets de résolution soumis à la délibération de cette haute instance onusienne.
Un cadre de négociations remanié
Le cadre des négociations qui prévaut désormais s'articule autour de plusieurs principes, notamment :
- la solution ne peut être que politique, réaliste, pragmatique et basée sur le compromis ;
- la validation du format de négociations sur la base de tables rondes avec ses modalités et ses quatre participants (Maroc, Algérie, Mauritanie et "Polisario"). Ce processus avait été initié par l'ex-envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, Hortz Köhler, en décembre 2018 puis en mars 2019 à Genève. Il avait été prévu une troisième table ronde en été 2019 mais elle n'a pas eu lieu par suite de la démission de cet émissaire onusien, pour " raisons de santé", le 22 mai.
- La responsabilité de l'Algérie comme partie prenante à ce différend régional laquelle est citée pas moins de cinq fois dans la résolution 2548 du Conseil de sécurité en date du 30 octobre 2020. Ce pays ne peut plus s'en tenir à une simple participation protocolaire comme ce fut le cas lors des rounds du processus de Manhasset (2007-2009) et des rencontres ultérieures. Désormais, le Conseil de sécurité demande instamment un engagement sérieux et ce tout au long du processus de règlement à l'ordre du jour et jusqu'à son aboutissement.
Enfin, la prévalence de l'unique initiative sérieuse, crédible et réaliste offerte par le Maroc, dès avril 2007, autour de l'autonomie des provinces sahariennes dans le cadre de la souveraineté et de 1'intégrité territoriale. A noter ici que ce projet de Rabat a toujours été qualifié de "crédible, sérieux et réaliste" dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité et qu'il demeure une référence de base dans la recherche d'une solution politique de compromis.
Quid de demain ?
La reconnaissance officielle américaine de la marocanité des provinces sahariennes du Royaume va-t-elle peser sur le processus revalidé par la Résolution du Conseil de sécurité le 30 octobre dernier ? Antonio Guterres, Secrétaire général de l'ONU, s'est empressé, le jeudi 10 décembre, quelques heures seulement après le « tweet » du Président Trump, de réagir en précisant qu'il n'y avait rien de changé et que l'organisation mondiale allait inscrire son action dans la continuité"... Qui a dit le contraire ? En tout cas, pour ce qui le concerne, le Maroc est - et reste- attaché aux principes et aux paramètres arrêtés et capitalisés par les Nations Unies. Qu'en sera-t-il maintenant des autres parties, surtout l'Algérie et accessoirement le "Polisario" ? Il paraît évident que la décision américaine va peser de tout poids dans un avenir prévisible.
C'est dans le cadre de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Royaume qu'il faudra œuvrer pour élaborer un processus devant conduire à un règlement politique négocié. Aucune autre formule institutionnelle ne sera ainsi recevable, telle celle d'un référendum réclamé par l'Algérie et le "Polisario". Précisément, il vaut de noter pour le rappeler de nouveau que depuis 2001, le Conseil de sécurité n'a plus fait aucune référence à cette procédure référendaire ; 1'on n'y trouve en effet aucune trace dans les 34. Résolutions successives adoptées durant les deux décennies révolues.
Mais il y a plus. Il faut en effet évoquer d'autres considérations à actualiser. La marge de manœuvre et de nuisance de l'Algérie à propos du Sahara marocain se voit de plus en plus corsetée pour plusieurs raisons. Le retour du Maroc au sein de l'Union africaine (UA) à la fin janvier 2017, le recadrage de la mission du Conseil de Paix et de Sécurité présidé par l'Algérien Smaïl Chergui, l'exclusivité de l'ONU dans la recherche d'un règlement, la majorité de la communauté internationale (I63 pays) qui ne reconnaissent pas la "RASD", les 17 pays qui ont ouvert des consulats à Laayoune et Dakhla. Quant aux 13 pays qui reconnaissent encore la "RASD" dans le continent, peuvent-ils minorer et évacuer que la marocanité du Sahara par Washington constitue bien une donnée majeure. Un autre logiciel diplomatique s'impose à l'évidence. Il intéresse au premier chef 1'Algérie mais ce pays est-il en mesure, en l'état avec la crise profonde de son "système", d'opérer une révision déchirante de ses relations avec le Maroc et plus globalement au Maghreb et en Afrique ? Au fond, la décision américaine n'est-elle pas productrice de paix et de stabilité dans la région, offrant de nouvelles perspectives de partenariat et de coopération ?