chroniques
Un livre de Mohamed Harakat : ''L'AGENT JUDICIAIRE DU ROYAUME'' - Par Mustapha SEHIMI
Les attributions de l’agent judiciaire sont multiples. Comme demandeur ou défendeur, son intervention couvre généralement tous les domaines d'activités des administrations publiques
L'État connaît des contentieux liés à ses rapports d'administration avec des parties personnes physiques ou morales. La justice est compétente, l'Agence judiciaire du Royaume se voyant confier globalement sa représentation devant les juridictions compétentes. État des lieux, insuffisances et pistes de réforme.
****
Un livre interpellatif avec un constat et des pistes de réformes d'appui au renforcement des capacités de cette Agence (142 p., 2024). Dans l'accomplissement de ses missions, 1' Agence judiciaire du Royaume (AJR) a une compétence d'ordre public. Elle est ainsi présente dans toutes les procédures civiles, administratives, commerciales et pénales pouvant avoir une incidence financière pour le budget de l'État. Historiquement, 1'AJR a été créée par le dahir du 07 janvier 1928 modifié et complété le 18 décembre 1935 puis le 16 mars 1938 et le 2 mars 1953. C'est l'Agent judiciaire du Royaume a qui est confiée cette mission, mais les cadres de cette institution sont munis de d'une délégation de signature dans l'exercice des missions de représentation juridique de l'État et sa défense devant les tribunaux. L'AJR est placée sous l'autorité du ministère des Finances.
Attributions multiples
Ses attributions sont multiples. Comme demandeur ou défendeur, son intervention couvre généralement tous les domaines d'activités des administrations publiques: exercer le recours en annulation pour excès de pouvoir devant les tribunaux administratifs et la Cour de cassation ; assurer la responsabilité de la puissance publique sur la base des articles 79,80 et 81 bis du Dahir des obligations et contrats dans tous les domaines ainsi que celle contractuelle des personnes morales de droit public (litiges de contrats administratifs et non administratifs, marchés publics, contrats de loyer, pensions, capital-décès, indemnités, etc.); conduire les actions au nom des administrations pour la revendication d'un droit; traiter des avis de poursuite, de présentation de plaintes et de défense des fonctionnaires,. La défense de l'État englobe les procès intentés contre ses représentants (article 515 du code de procédure civile du 28 septembre 1974): 1'État en la personne du Chef du gouvernement, le Trésor (trésorier général du Royaume), les collectivités locales (le gouverneur ou le président du conseil communal), les établissements publics. Mais cette représentation des intérêts de l'État et sa défense judiciaire est partagée par d'autres administrations : le ministre de l'Équipement (domaine public de l'État), le directeur des domaines de l'État (domaine privé de l'État), le Haut-Commissaire des Eaux et Forêts, le ministre des Habous et des Affaires islamiques (Habous), le directeur général des impôts (impôts). Sur la base de cette multiplicité des administrations en charge de la défense judiciaire de l'État et de ses missions de défense de la légalité, la Constitution de 2011 a consacré un ensemble de droits au profit des justiciables dans son article 120 : "Tout personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont garantis devant toutes les juridictions".
La tâche est lourde et complexe pour l'AJR. Dans son rapport annuel 2021, 1'AJR a reçu près de 202.000 affaires en provenance des services du Chef du gouvernement ou des différents intervenants telles administrations publiques. Le contentieux administratif est le plus important des nouvelles affaires notifiées à l'AJR; il est suivi du contentieux judiciaire (38%) et des règlements à l'amiable (5%). Le lot total traduit la diversité et la complexité des affaires en contentieux où l'AJR représente l'État. Elle est présente en permanence dans les tribunaux. Dans un rapport, la Cour des comptes avait relevé que " son positionnement actuel au sein de l'administration comme Direction au sein du Ministère des Finances ne la qualifie pas pour exercer convenablement une mission aussi sensible de l'État".
Consolider les capacités
Si l'AJR peut exciper d’une longue expérience accumulée dans la gestion de la complexité des contentieux de l'État, il reste qu'elle accuse de nombreuses faiblesses. Elles tiennent notamment à ceci: inadaptation des textes au regard du processus des réformes judiciaires du Royaume; insuffisance des moyens et des ressources humaines; manque d'une stratégie claire de gestion des contentieux, digitalisation en retard, etc.
L'auteur propose des orientations stratégiques et même des leviers de réinvention et d'action: consolidation capacités institutionnelles et d'action; mobilisation, formation et motivation du personnel administratif et technique; instauration des structure de communication, de médiation, d'audit stratégique et de performance, etc. Une sorte de mode d'emploi bien utile alors que la gouvernance des politiques publiques et la recherche de leur efficience tellement évoquée dans le discours officiel s'imposent à l'évidence...