société
Le Berkane des cigognes blanches
Le projet de «l’Espace écologique des cigognes blanches » entend capitaliser sur cet acquis écologique pour créer un pôle d’attraction l’espèce
Par Hicham Boumehdi (MAP avec Quid)
Le visiteur de Berkane ne manque pas de relever un espace naturel, un parc sauvage qui abrite une colonie importante de cigognes blanches.
Au bord d’Oued Cherâa, non loin du centre-ville de Berkane, cet espace naturel compte une trentaine de nids de cigognes perchés au haut de grands eucalyptus. Ici, nul besoin d’être un ornithologue pour pouvoir admirer ce grand oiseau migrateur et observer ses ondulations aériennes, sa façon de construire son nid, ses comportements nutritionnels et toutes ces petites choses de son cycle de vie pendant son passage dans la région.
La cigogne blanche est devenue si emblématique qu’un projet de parc thématique est sur les rails dans cet espace. Porté à l’origine par les acteurs de la société civile regroupés au sein de l’Association de protection des cigognes blanches (APROCIB), il a fini par emporter l’adhésion des autorités publiques. Elles se sont mises à cinq pour le concrétiser. La préfecture de la province de Berkane, le conseil communal de Berkane, le ministère de l’Energie, des mines et de l’eau, la direction provinciale des Eaux et forêts et la société Al Omrane. Le projet porte sur la création d’un bâtiment d’accueil et d’exposition et d’une salle polyvalente, pour un coût estimé à un million de dirhams. Pas très cher il faut le dire.
Le projet de «l’Espace écologique des cigognes blanches», s’inscrit ainsi dans les efforts en cours pour la mise à niveau urbaine de Berkane et le développement de ses espaces verts, qui entendent capitaliser sur cet acquis écologique pour créer un pôle d’attraction autour de la cigogne, tout en améliorant les conditions de préservation de l’habitat naturel de cette espèce.
Le président de l’Association de protection des cigognes blanches (APROCIB), Abderrahmane Chemlali, en est convaincu : l’intérêt de capitaliser sur le patrimoine naturel, en créant de la valeur pour les habitants n’est que pour mieux protéger et valoriser ce patrimoine.
«Il n’y a qu’à voir l’expérience de Cigoland, en Alsace (France), un parc entier dédié à la cigogne, visité par des milliers de touristes, ce qui génère d’importants revenus mais permet aussi de sensibiliser le public sur la diversité écologique. Au Maroc, nous devrions nous aussi penser à valoriser notre patrimoine naturel et en tirer avantage», a souligné M. Chemlali dans une interview à la chaîne d’information de la MAP (M24).
Pour cet acteur environnemental, lauréat du prix Hassan II pour l'environnement en 2006, le futur espace muséal du parc des cigognes de Berkane doit jouer le rôle de phare écologique et un lieu de rencontre autour de cet oiseau en particulier et du patrimoine écologique de la province de Berkane en général.
«Ce sera un levier de développement durable permettant de créer de la valeur ajoutée et des emplois en attirant les familles et les visiteurs», espéré-t-il, notant que la province de Berkane regorge d’atouts naturels, écologiques et géologiques, comme le massif des Béni Yeznassen et le fleuve Moulouya et son embouchure, à même d’en faire une destination du tourisme écologique par excellence.
La cigogne blanche, cet oiseau migrateur que M. Chemlali a qualifié de «noble», qui voyage deux fois par an, les périples de l’été et de l’hiver, en direction de l’Europe du nord ou de l’Afrique australe, a depuis des temps lointains pris une place importante dans l’histoire et l’imaginaire de l’humanité, y compris au Maroc, comme en témoigne les multiples dénominations données à la cigogne.
«Quelque 70 pays ont rendu hommage à la cigogne sur des timbres postaux, et des waqfs islamiques ont été établis en faveur de cet oiseau, dont celui du Maristane de Sidi Frej à Fès».
C’est aussi un oiseau qui a besoin de grands espaces ouverts pour se développer. Il a besoin de voler sur 4 ou 5 km pour maintenir sa thermorégulation.
Pour construire son nid, qui peut peser jusqu’à 1,5 tonne, il privilégie des emplacements très élevés et éloignés des nuisances, comme les minarets ou les arbres de grande taille, à l’image de ceux du parc de Berkane.
M. Chemlali insiste aussi sur le rôle que joue la cigogne blanche dans la préservation de l’équilibre écologique et la biodiversité. Cet oiseau, dont la nourriture est très variée, est un grand consommateur d’espèces nuisibles comme les rats, les criquets et les insectes.
«C’est un carnivore éclectique, qui a un effet régulateur sur les systèmes écologiques et permet d’endiguer, le cas échéant, la prolifération d’espèces nuisibles», a-t-il expliqué, regrettant que de nos jours, cet oiseau noble se nourrit de plus en plus des déchets dans les décharges, une mutation de son régime alimentaire dont l’Homme est responsable, en raison de son action polluante et dévastatrice sur les milieux naturels.