Les réseaux sociaux entre Far West et démocratie

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Les réseaux sociaux nous donnent une horizontalité du monde qui a bousculé les hiérarchies verticales des pouvoirs

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Trente années après leur essor quel regard pouvons-nous porter sur les réseaux sociaux qui nous offrent de plus en plus le visage de l’ambivalence, tantôt ange et démon, tantôt paradis et enfer. 

Rappelons que les réseaux sociaux sont nés de la dernière grande révolution qui correspond au développement de l’informatique dans les années 40 et de leur croisement avec les télécommunications. Ils s’appuient sur le contenu du discours sur la cybernétique, dont le maitre à penser est Norbert Wienner. Ils sont portés sur le plan philosophique par un discours qui repose sur une nouvelle conscience planétaire où toutes les consciences même les plus désenchantées se retrouvent, un espace où tout est pure communication, tout est interconnexion. Et l’humanité en rejoignant cette conscience planétaire, rejoindrait en quelque sorte l’âme du monde. Idée que l’on retrouve dans des expériences comme la « noosphère teilhardienne » ou dans le « mundus imaginalis »… Internet pourrait ainsi être la réalisation des Médiations entre la face de Dieu et celle de l’Homme, entre l’Amour et la Connaissance, entre le Sacré et l’homme, et toutes les belles promesses. 

En réalité, ces plateformes technologiques conçues par les GAFAM—rappelons qu’ils s’agit des cinq grandes firmes américaines du Web fondées entre le dernier quart du 20ème  siècle et le début du 20ème  siècle, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft— se sont positionnés sur trois axes fondamentaux: Médiation, Communication , Non régulation. 

Les réseaux sociaux en tant que capteurs de la Médiation pour 2 milliards d’utilisateurs dans le monde, bénéficient de dispositifs techniques, d’algorithmes qui calculent nos « like », de compteurs, de calculs, de tableaux Excel, et d’une grande et implacable logique managériale qui fait que ce sont « les nombres » qui au final nous gouvernent.

Les réseaux sociaux nous donnent une horizontalité du monde qui a bousculé les hiérarchies verticales des pouvoirs politique, économique, social, religieux ou spirituel. En libérant et augmentant les capacités d’expression de la société, ils ont accompagné la sphère politique, les mobilisations sociales, comme ce fut le cas lors des Printemps arabe qualifiés souvent de Révolution Facebook, Révolution Twitter ou encore Révolution 2.0. Ou encore, le mouvement des Gilets jaunes dès 2018 en France, en Belgique, en Grande Bretagne, en Italie et dans presque tous les pays européens. Avec des utilisations massives de réseaux sociaux, ces mouvements sociaux n’ont toutefois pas pu remplacer, ni prendre la place des Institutions ni celle de la représentation politique. Car la société ne tient que par ses Institutions, et quelle que soit l’envergure d’un mouvement, s’il n’est pas accompagné d’une organisation, d’un programme, d’une idéologie, il reste précaire, passager.

Le réseau en ré-organisant la Communication, qui, avant les réseaux sociaux, transitait par la Symbolique de figures : la divinité, l’Etat Nation, la République, l’Empire, même s’il facilite la mise en relation, le partage de l’information, il parasite aussi l’information, la transmission de la connaissance et du savoir. 

Le réseau en tant qu’espace de liberté n’est toujours pas régulé ni règlementé malgré toutes les tentatives de mettre en place une régulation multinationale, et ce sous la pression nord-américaine. Seule la responsabilisation des utilisateurs demeure palpable.

Et de là à dire que le Far West est à nos portes, il n’y a qu’un pas à franchir. Car en attendant, l’espace virtuel est loin d’être l’espace civilisé espéré.

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