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Pourquoi se solidariser avec l’enseignant SAID NACHID -
Saïd Nachid et son ouvrage « les Ruses et les prétextes dans le discours de l’Islam politique »
Pourquoi se solidariser avec de Mr Saïd Nachid, enseignant radié de la fonction publique pour d’innombrables motifs dont « manquement au devoir professionnel » ? C’est une question que des lecteurs nous ont posée et à laquelle un autre lecteur qui a requis l’anonymat, parce que son identité n’a aucune importance pour le problème, répond.
Supposons un instant que derrière la radiation de Mr Saïd Nachid, c’est bien l’absentéisme et des certificats médicaux, considérés comme injustifiés, (ce qui signifie que le médecin est aussi coupable que Mr Nachid) qui sont à l’origine de la décision prise. Supposons encore qu’il n’y a aucune raison politique ou idéologique à cela, sachant par ailleurs que les analyses philosophiques du discours religieux, les conférences, les sorties médiatiques et les écrits du concerné sur ce sujet sont de nature, les ennemis de la pensée libre et autonome étant ce qu’ils sont, à lui attirer leurs foudres. Supposons donc tout cela et bien d’autres choses, la radiation n’en demeurerait pas moins incompréhensible.
Le communiqué du ministère est accablant. Il énumère des motifs qui révèlent une irresponsabilité totale de l’intéressé. On ne peut en conséquence que l’en blâmer. Reste à savoir si Mr Saïd Nachid a eu le droit de se défendre ? Lui a-t-on donné le droit à la parole, ou le droit sacré de réponse avant de décider de son sort ?
Parent d’élève qui a une certaine connaissance de l’enseignement et de son département de tutelle pour avoir siégé dans une association de parents d’élèves, mais aussi parce que moi-même je suis enseignant, j’ai une perspective des deux cotés du bord et je ne peux en aucun cas défendre tout comportement qui nuirait à la marche d’un établissement. Ce que je discute, c’est la solution : rayer un enseignant de la fonction publique est une grave et lourde décision. Suspendre le salaire, monnaie courante au ministère de l’Education Nationale, avant même la décision du conseil de discipline, est un abus de pouvoir caractérisé dont les conséquences sociales et psychologiques sont dramatiques. Quant à rayer des cadres une compétence nationale qui s’est imposée dans la sphère intellectuelle, est une décision, pour le moins que l’on puisse dire, qui manque de recul et de sagesse. Rayer de la fonction publique une compétence parce « qu’elle écrit et produit durant son congé de maladie » c’est le comble du ridicule et de la bêtise qui dévoile une mentalité close qu’effraye la lumière de l’esprit et sa propension naturelle à la critique et à la créativité.
Je défends la cause de Mr Saïd Nachid parce que de raison je suis intimement convaincu que le système doit garder ses compétences et leur donner les moyens de s’épanouir pour le bien du système éducatif qui peine à sortir de sa crise. Et Monsieur Nachid en est une, incontestable. Il est enseignant chercheur, penseur, philosophe et écrivain ! Il a à son actif 10 ouvrages et le courage de ses idées. Qui dit mieux ? Il a de la présence et de l’aura au niveau national aussi bien qu’à international. De par là-même, cet enseignant ne devrait-il pas être mis au service du système par sa nomination là où il peut le mieux donner, dans le domaine où il excelle, plutôt que de le mettre à la rue ? Le système, qui gagnerait à profiter de ses capacités de chercheur, ne devrait-il pas l’encourager pour ses recherches et l’honorer pour ses écrits, plutôt que de l’en blâmer ?
Convertir un enseignant, qui ne peut plus ou « ne veut plus » gérer une classe d’élèves, à d’autres tâches est une pratique courante au sein de l’administration de l’Education nationale. Le système a toujours puisé ses bibliothécaires, ses animateurs, ses formateurs, les ressources humaines des CADAP de ses propres enseignants, alors même que souvent ils n’ont même pas les compétences requises pour leurs nouvelles tâches. Pourquoi ne l’a-t-on fait pour Mr Saïd Nachid ? Pourquoi n’a-t-on a pas plutôt parrainé cet enseignant pour le meilleur au lieu de le prédestiner au pire ?
La décision inique prise à l’encontre de Mr Nachid est d’autant plus incompréhensible que l’intéressé a fait des demandes de retraite anticipée pour des raisons de santé, qu’il a présentées trois années successives, dont la- dernière fut en 2019-2020, appuyée par un haut responsable syndicaliste de la FDT. Refuser à un enseignant le droit de se retirer de la fonction publique pour décider ensuite sa radiation relève d’un cynisme à la fois inconvenant et brutal de la part d’un ministère censé enseigner les droits humains et éduquer à la citoyenneté.
Oui (!), pour toutes ces raisons je suis solidaire de Mr Nachid, tant il est difficile de croire qu’on l’a éjecté du système parce qu’il est une mauvaise graine. Tant il est difficile de ne pas penser qu’on veut éloigner ce chercheur du monde éducatif pour ses idées, ses analyses pertinentes du discours religieux. Plus qu’éloigner, nous sommes devant une exécution.