Sport
Baiser forcé: le patron du foot espagnol se défend et refuse de démissionner
Photo prise le 20 août 2023 montre le président de la Fédération royale espagnole de football, Luis Rubiales, portant sur son épaule l'Espagnole Athenea del Castillo Beivide, alors qu'elles célèbrent leur victoire lors de la finale de la Coupe du monde féminine Australie et Nouvelle-Zélande 2023 entre l'Espagne et l'Angleterre, au Stadium Australia de Sydney. (Photo DAVID GRAY / AFP)
Sur un siège éjectable depuis qu'il a embrassé sur la bouche la joueuse Jenni Hermoso après la victoire de l'Espagne dimanche au Mondial féminin, le grand patron du foot espagnol, Luis Rubiales, a pris tout le monde à contre-pied vendredi en refusant de démissionner et en contre-attaquant.
Luis Rubiales (2L), président de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), après avoir assisté à une assemblée générale extraordinaire de la fédération le 25 août 2023 à Las Rozas de Madrid. Le chef du football espagnol, Luis Rubiales, a refusé de démissionner aujourd'hui après une semaine de vives critiques pour son baiser non sollicité sur les lèvres de la joueuse Jenni Hermoso. (Photo Pierre-Philippe MARCOU / AFP)
"Je ne démissionnerai pas! Je ne démissionnerai pas!", a lancé M. Rubiales dans un discours de combat devant l'assemblée générale extraordinaire de la Fédération royale espagnole de football (RFEF) réunie près de Madrid, à laquelle étaient convoquées quelque 140 personnes.
M. Rubiales, qui est en poste depuis 2018, a dénoncé le "faux féminisme" qui "ne cherche pas la vérité" et a fustigé une "tentative d'assassinat social" lors de ce discours d'environ une demi-heure.
Il a certes présenté ses "excuses", mais pas pour le baiser, qui était selon lui "spontané", "réciproque" et "consenti", mais pour "le contexte dans lequel il s'est produit".
S'en prenant à plusieurs ministres et personnalités de la gauche espagnole qui avaient fustigé son geste dès les premières heures et parlé de "violence sexuelle sans consentement", il a affirmé qu'il allait "se défendre" contre "ces gens qui tentent de (l)'assassiner publiquement".
"Mon Dieu, que vont penser les femmes qui ont vraiment subi des agressions sexuelles ?", a-t-il encore lancé.
En Espagne, embrasser quelqu'un sans son consentement est considéré comme une agression sexuelle et constitue un délit qui tombe sous le coup de la loi.
Il a notamment attaqué nommément trois femmes membres du gouvernement, dont la ministre communiste du Travail et numéro trois du gouvernement, Yolanda Díaz, qui avait été l'une des premières à exiger sa démission.
"Inacceptable"
Lui-même père de trois filles, M. Rubiales a, dès le début de son discours, demandé "pardon à la reine" Letizia pour son geste sur le balcon du stade de Sydney, lorsqu'il avait empoigné ses parties génitales, alors qu'il se trouvait à moins de deux mètres de la reine et de l'infante Sofía.
"Ce que nous avons vu aujourd'hui à l'Assemblée de la fédération est inacceptable (...) C'en est fini de l'impunité des actes machistes. Rubiales ne peut rester à son poste", a réagi immédiatement Mme Díaz sur X, anciennement Twitter, exigeant des "mesures urgentes" du gouvernement.
"C'est inacceptable. Finissons-en. Je suis avec toi chère Jenni Hermoso", a également déclaré sur X la footballeuse du FC Barcelone Alexia Putellas, Ballon d'Or.
L'affaire a éclaté alors que l'Espagne est candidate, avec le Portugal et le Maroc, à l'organisation du Mondial masculin de 2030, qui sera attribuée à la fin de l'année prochaine.
La situation de M. Rubiales semblait désespérée après qu'il eut été filmé, en pleine célébration de la victoire de la "Roja" féminine sur l'Angleterre lors de la finale du Mondial, embrassant sur la bouche par surprise Jenni Hermoso.
Devant l'ampleur des premières réactions, la fédération espagnole avait transmis dans la soirée à la presse des déclarations de Jenni Hermoso selon lesquelles il s'agissait d'"un geste mutuel totalement spontané en raison de l'immense joie que procure la victoire en Coupe du monde".
"Honte internationale"
Pour sa part, M. Rubiales avait présenté lundi des excuses, expliquant qu'il s'agissait d'un geste "sans aucune mauvaise intention".
Mais les condamnations de la classe politique espagnole, dont le Premier ministre Pedro Sánchez, et des milieux du football, dont la célèbre joueuse américaine Megan Rapinoe, n'ont fait que s'amplifier.
L'affaire est finalement remontée jusqu'à la Fifa - pourtant connue pour sa neutralité en matière de questions de société - qui a lancé jeudi une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Rubiales.
Le président de La Liga, Javier Tebas, qui était jusqu'à présent resté silencieux, a sévèrement attaqué vendredi M. Rubiales, son ennemi juré.
"La liste des femmes et des hommes offensés ces dernières années par Luis Rubiales est trop longue, cela doit cesser", a-t-il écrit sur X.
Jennifer Hermoso avait demandé mardi soir "des mesures exemplaires" par l'intermédiaire de son syndicat. Le même jour, la ligue professionnelle espagnole de Football féminin réclamait la mise à pied de M. Rubiales, fustigeant un moment de "honte internationale sans précédent pour la +marque Espagne+, pour le sport espagnol et pour le football féminin mondial".
L'affaire pourrait donc aller en justice, puisque Victor Francos, le président du Conseil supérieur des Sports, un organisme gouvernemental, avait promis que le Conseil prendrait des mesures si la RFEF ne le faisait pas. Il avait notamment indiqué qu'il porterait l'affaire devant le Tribunal administratif des Sports, une juridiction espagnole.
Il a annoncé qu'il donnerait une conférence de presse vendredi à 17H00 (15H00 GMT).
Par ailleurs, le parquet espagnol a indiqué à l'AFP avoir reçu quatre plaintes à l'encontre de M. Rubiales, mais celles-ci n'ayant pas été déposées par les victimes elles-mêmes, il y a un doute sur leur recevabilité. (AFP)