Les aphorismes de Nouhad : Une flatterie n’est qu’un compliment…d’objet indirect.

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Malheur ? la sinc?rit? dans un monde factice o? la flatterie fait la gr?ce des conversations et des mondanit?s, o? elle noue les liens de l?artifice et du snobisme, c?est un double vice, d?autant plus ravilissant qu?il conjugue le mensonge et la tromperie ? l?int?r?t et la fausset?.?La flatterie est l?appel du mendiant et la caresse de la sc?l?ratesse, c?est le parfum capiteux qui fait tourner les t?tes l?g?res et l?argument captieux qui finit par raisonner les c?urs les plus endurcis, c?est le propre des esprits petits et mesquins, c?est la mise en sc?ne de la personne flatt?e, c?est la com?die humaine la plus odieuse m?me si l?on doit admettre que, des fois, elle est savamment jou?e.

La flatterie est l??os du chien? de l?homme flatt?, tr?ve de compliments, on ne peut ?tre insensible aux compliments, ce poison enrob? d?amabilit? et de civilit?, ces louanges fausses ou exag?r?es, adress?es par complaisance ou calcul et qui entretiennent l?image qu?on voudrait donner de soi, ces tartufferies qui bercent l?illusion et l?esp?rance o? on voudrait vivre, et confirment notre narcissisme et notre fatuit?. Si au moins on prenait la peine de ressembler aux flatteries re?ues ou prodigu?es, nous en deviendrions meilleurs car la flatterie a ceci de bon, elle nous instruit de nos manques et de notre ?ventuel devenir.

H?las, les compliments, qui sont pourtant si bon march?, d?sarment mais ne corrigent pas, ou rarement. C?est justement?ce qu?on aime dans les compliments, c?est leur facilit? et leur confort, c?est le cocon mensonger et hypocrite o? ils nous abritent.?Ce sont des douceurs et des g?teries qu?on croit s?offrir de temps ? autre, sans que cela ne pr?te ? cons?quences alors qu?elles ab?ment l??me et g?tent les m?urs. En un mot,?qui veut se transcender n?a qu?? se d?fier de ce qui le flatte et l?abuse?: ??gare ? la flatterie, ma fille?: trop de sucre g?te les dents??, conseille?Mme de S?vign?, dans ses?Lettres.

Mais pour les partisans de la flatterie, ce n?est que de l?exag?ration et de l?hyperbole et leur seule p?nurie, c?est de ne trouver aucun compliment ni ? semer ni ? moissonner.?La personne complaisante ne plaisante pas, elle a toujours un compliment ? planter et un autre ? r?colter. Il y a m?me un dictionnaire, paru en 2013, de Robert Gordienne, de l??loge, de la flatterie et du compliment, pour ceux qui d?sirent s?en inspirer en vue d?exceller dans cet art, partout utilis?, dans la soci?t?, la politique, la propagande et la d?magogie et qui ne peut qu?abuser, m?me les plus avis?s.

On devrait rougir de la faiblesse de rechercher les flatteries autant que de la vanit? d?y croire, ? fortiori de la manie d?en user?; boire du petit lait, prendre du plaisir ? ?tre flatt?, c?est encourager les sourires enj?leurs et les paroles adulatrices ? abuser de cajoleries, ? s?ing?nier pour faire de la l?che et du plat, ? cultiver leurs talents de manipulation et d?extorsion, ? multiplier les pi?ges et les intrigues, afin d?optimiser leur puissance et de perp?tuer leurs pouvoirs sur la personne courtis?e. C?est ?galement ancrer les d?fauts qui deviennent, par les magiques coups d?encensoir, des atouts, et fixer les travers dont on est satisfait et qu?on ne chercherait, en aucun cas, ? corriger puisqu?ils sont louang?s et excessivement embellis.?La flatterie est le pendant, chez le flatteur, de la vantardise, on en tire le m?me orgueil?: faux et p?dant?; accepter d??tre flatt?, c?est se vanter par la bouche d?autrui.

La flatterie, qui exacerbe notre vanit?, n?existe qu?? travers elle et, partant, ? travers notre disposition ?-ou plut?t notre pr?disposition- ? la recevoir.? Mais?la prodigalit? des compliments est souvent doubl?e de l?avarice des sentiments.?Elle cache, en plus de l?int?ressement, quelque revers fourbe et sournois, soit la m?disance, soit la trahison, soit l?injustice?Par cons?quent,?sur la face du faux, que seuls les avertis savent d?tecter, il y a une pile de m?disances et de flatteries, peut-?tre, autant de m?disances et de trahisons que de flatteries.?Et personne ne d?passe le jaloux quand il ?tale ses congratulations, hormis le cajoleur.

Ce qui est bon avec la flagornerie, c?est que le frotte-manche ou le l?che-botte, on n?a que l?embarras du choix, ne craint jamais d?aller trop loin -parce que la vanit? humaine a atteint la d?mesure et franchi le point de non retour- et que tout baratineur ne risque jamais d??tre pris la main dans le sac. Honn?tement, qui aurait le courage, et le c?ur, ? contredire le bon jugement que ses g?nuflecteurs ont de lui?? M?me quand on se rend compte que ce sont de grossi?res et basses flatteries, on ne peut s?emp?cher de ressentir de la fiert? et du plaisir d??tre ovationn? et acclam?. Pourquoi avons-nous autant besoin qu?on nous passe de la pommade?? A-t-on ? ce point besoin de reconnaissance, m?me fausse, pour exister?? Serait-ce parce qu?on a une si pi?tre opinion de soi et qu?on a toujours besoin d??tre d?tromp??? Serait-on au fond, tous, des m?galomanes??

Accepter l?apologie et l?oraison, c?est se pourvoir et se pr?valoir d?une grandeur qu?on n?a pas.?Gober les bobards obs?quieux et serviles, c?est non seulement ?tre dupe, cr?dule et na?f, mais c?est aussi faire la courte ?chelle?? l?arrivisme car?un encenseur ne cherche qu?un ascenseur?! Et un bon courtisan, digne de ce nom, sait bien placer ses compliments, comme son argent?; un compliment est un investissement qui ne co?te, certes, rien mais qui peut rapporter tr?s gros.

Faire la carpette, comme son nom l?indique, c?est accepter la soumission, la bassesse et la salet? qui l?accompagnent, c?est s?humilier sans arr?t, c?est s?attirer plus de m?pris que d?estime.?La bassesse est le ch?timent qui accompagne toute adulation, le m?pris est celui qui, fatalement, suit. La flatterie, au lieu d?enrichir comme on peut le croire, paup?rise, au contraire, une population (et les courtisans et les courtis?s) d?j? pauvre car, fausse et sans force morale.?Elle ne fait qu?annoncer -ou d?noncer- l??tre courb?, faussement d?f?rent et courtois?; la louange est plus rare, plus vraie, elle ne cherche ni ? mentir ni ? mendier, ni ? enjoliver ni ? amadouer, ni ? influencer ni ? faire perdre, d?orgueil, la t?te ? son objet. La flatterie, par contre, est une foule si compacte et serr?e qu?elle ne peut que barrer le chemin et faire sa propre loi, en distillant, tel un venin, ses ?loges fallacieux et trompeurs.

Flatter pour tout obtenir, n?est plus un secret pour personne, car il suffit parfois d?un petit compliment pour changer la donne?;?plus une personne est convaincue de sa valeur, plus elle cherche ? se le faire r?p?ter. Personne n?ignore la fable du renard et du corbeau, ni ce qu?il advint du fromage que celui-ci tenait dans son bec. L?art de la flatterie est tout simple mais tr?s redoutable et efficient, et son arme tr?s dangereuse car, usant de divers man?uvres et artifices. D?aucuns pourraient penser que les flatteries sont faciles ? d?busquer, que les compliments, parce que clinquants et trop voyants, cr?vent les yeux, ce serait sans compter sur l?intelligence des flatteurs, leur finesse et leur perspicacit?, f?rus qu?ils sont, et l?habitude ne g?tant rien, de la psychologie et des ressorts de l?esprit humain en g?n?ral, et de leurs cibles, en particulier.

De fait,?quelques mots judicieusement plac?s, peuvent changer nos sentiments et nos comportements, du moment qu?ils confortent la belle image que nous avons de nous-m?mes, et d?clencher, ainsi, la m?canique de la s?duction et de la persuasion. En commerce, on pratique la flatterie introductive ou renforc?e?; on va m?me jusqu?? utiliser l?absence de flatterie, ? la place de la flatterie, en vue d?augmenter les ventes et d?avoir acc?s ? des avantages professionnels. Les psychologues conseillent, n?anmoins, de flatter avec parcimonie et sans ostentation, mine de rien, pour augmenter encore l?effet de ce proc?d?, le plus efficace qui soit de la manipulation, puisqu?il d?stabilise, subjugue et cr?e une accoutumance, puisqu?il conna?t nos faiblesses et les exploite sans vergogne.

Le flatteur se d?m?ne pour gagner la confiance de sa victime, l?entourlouper et donner le change, afin de mieux la gruger, le moment venu. C?est un glaneur, un ?cornifleur, un parasite survivant de l?aum?ne et des restes d?autrui. C?est un individu toxique qui aime garder les personnes vuln?rables et fragiles dans ses filets pour ne pas risquer de les perdre ou de perdre son contr?le sur elles?; il n?a ni scrupules ni remords pour les maux qu?il cause ? ses victimes, pour les prix exorbitants qu?il leur fait payer en ?change de ses plates et futiles flatteries.

En fait, la flatterie est doublement humiliante et nocive?: le caudataire prend son objet pour un sot en cherchant ? le berner et prouve qu?il le m?prise en se croyant capable de le tromper. La flatterie la plus subtile et la plus raffin?e, embarrasse et g?ne celui ? qui elle s?adresse, mais ne manque pas de lui faire plaisir car elle ranime les cendres de la vanit? la plus ?teinte, m?me si elle offense le go?t par sa fausset? et sa sonorit? creuse, surtout lorsqu?elle frappe au lieu d?effleurer, lorsqu?elle crie au lieu de susurrer, c?est ce qui fait sa mauvaise r?putation et son discr?dit.?Tout compte fait, ce qu?on d?teste dans la flatterie, est non ce qu?elle dit, mais comment elle le dit.

En outre, la flatterie peut r?v?ler plusieurs faiblesses, selon la psychologie?: de l?int?r?t, une mauvaise estime de soi, une violence int?rieure bien camoufl?e, une agressivit? contre laquelle on d?sire lutter -elle serait donc une sorte d?antidote inconsciente contre les tensions n?gatives- une envie de th??traliser son existence en portant aux nues, les personnes de son entourage, dans ce cas, c?est de l?auto-persuasion ou de ?l?auto-intoxication?, une envie d?augmenter ses chances d??tre aim? et appr?ci? gr?ce ? ses remarques obligeantes, enfin, un besoin de conserver des relations sociales harmonieuses, ce qui rel?verait plut?t de la complaisance.

Cependant, ?tre complaisant, s?il est souvent plaisant, peut se compliquer et devenir l?sant et p?nalisant, et ? la longue, d?plaisant et paralysant?car, entravant le d?veloppement spirituel et emp?chant la libert? personnelle. Mais de croire que tout compliment est int?ress?, est une autre paire de manches. Pour certains,?le compliment sinc?re et gratuit n?existe pas?; c?est une dette dont ils se sentent d?biteurs jusqu?? ce que d?un air vainqueur, ils nous renvoient l?ascenseur.

Enfin, la flatterie a beau s?ing?nier, elle s??teint et finit par tomber ? l?eau alors que la sinc?rit? et l?amour n??chouent jamais m?me s?ils en donnent l?impression, des fois, ?tant cach?s par les nuages de la fausset?. S?accoutumer ? la flatterie, ne pouvoir tol?rer que de la flatterie, d?pendre du jugement et de l?aval des autres, est un signe d?inf?riorit?, un manque de maturit? et de confiance en soi. Cette addiction et ce culte d?voilent notre penchant pour l?ornement, plus expressif, plus emphatique, plus pompeux.

?Se pr?ter aux flatteries, c?est y participer, c?est en ?tre complice -sinon coupable- car en se jugeant trop favorablement, en y croyant aussi promptement, on se d?cerne, ? soi-m?me, les flagorneries les plus flagrantes.?Moralit?, on est aussi responsable des flatteries qu?on re?oit -ou qu?on subit- que de celles qu?on adresse, de la corruption qu?on accepte -ou qu?on d?clenche que des courbettes auxquelles on est accessible, car on ne peut caresser au sens du poil, qui n?en a pas?!

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