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Allemagne: un prince et sa cour jugés pour un projet de coup d'Etat
L'accusée Birgit Malsack-Winkemann (à droite), juge et ancienne députée du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne, se tient à côté de son avocat dans la salle d'audience du procès contre elle, un prince et d'anciens officiers de l'armée accusés d'avoir orchestré un complot basé sur la théorie du complot visant à attaquer le parlement allemand et à renverser le gouvernement, le 21 mai 2024 à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne. (Photo par Boris Roessler / POOL / AFP)
Un prince, d'anciens officiers de l'armée, une ex-députée d'extrême droite: le procès des meneurs présumés d'un réseau complotiste insolite, qui voulait renverser par les armes le gouvernement allemand, s'est ouvert mardi.
Ce procès, sans précédent dans l'histoire allemande récente, devant le tribunal de Francfort, est le deuxième concernant cette affaire qui implique au total 26 suspects, dont la révélation fin 2022 avait stupéfié le pays.
Parmi les neuf personnes sur le banc des accusés mardi figurent les cerveaux présumés du groupe nourri aux idéologies complotistes et d'extrême droite. Ils projetaient d'envahir la chambre des députés à Berlin -- le Bundestag -- pour y arrêter les élus et faire tomber le gouvernement.
Détenue depuis le coup de filet de décembre 2022, la juge et ancienne députée du parti d'extrême droite AfD, Birgit Malsack-Winkemann, s'est présentée au tribunal vêtue d'une doudoune noire. Derrière elle, Henri XIII, dit Prince Reuss, accusé d'être le principal instigateur de la tentative de coup d'Etat, portait un blazer sombre et affichait un air détendu.
Ils sont jugés pour "participation à un groupe terroriste" qui s'était "fixé pour objectif d'éliminer par la force l'ordre étatique" et pour "préparation d'un acte de haute trahison".
Il s'agit de la principale procédure contre ce réseau dont le démantèlement avait mis en lumière les ressorts de la menace conspirationniste et antisystème en Allemagne.
Un premier procès a débuté fin avril sous haute sécurité contre neuf autres membres de la bande à Stuttgart (sud-ouest). Le reste sera jugé à Munich à partir du 18 juin.
Conspiration de château
Le tribunal de Francfort va plonger durant plusieurs semaines dans "le monde bizarre et délirant" d'un groupe nourri "de mythes sur Internet, de haine et de croyance dans les forces cosmiques", écrit le magazine Spiegel.
Il ne s'agit pas de "fous inoffensifs, mais plutôt de dangereux suspects terroristes", qui préparaient "un coup d'Etat violent", animés "par la haine de notre démocratie", a mis en garde la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser dans un communiqué mardi.
Le groupuscule prévoyait d'installer à la tête du pays l'aristocrate et homme d'affaires de 72 ans, Henri XIII, dit Prince Reuss, descendant d'une lignée de l'Etat de Thuringe.
Un ex-lieutenant colonel de l'armée allemande, Rüdiger von Pescatore, 70 ans, commandant d'un bataillon de parachutistes dans les années 1990, figure également parmi les accusés, aux côtés d'un ex-colonel de l'armée, d'un ancien soldat des forces spéciales KSK et d'un ex-policier.
Tous sont notamment influencés par l'idéologie des "Reichsbürger" (citoyens du Reich, ndlr), une mouvance hétéroclite qui nie à la République fédérale d'Allemagne toute légitimité.
Selon le parquet fédéral, les accusés affirment que l'Allemagne est dominée par une "secte conspiratrice d'élites pédophiles".
Une idéologie rappelant aussi la mouvance complotiste QAnon venue des Etats-Unis.
‘’Ingérence de Moscou?’’
Selon le parquet fédéral, la Russe Vitalia B., compagne de M. Reuss et poursuivie de son côté par la justice pour avoir soutenu le groupe, l'aurait "mis en contact (...) avec le consulat général de Russie à Leipzig et l'y a accompagné en juin 2022".
Il cherchait à s'assurer le soutien des autorités russes, même si au moment du démantèlement de la cellule, le Kremlin avait -- comme à son habitude -- démenti toute ingérence.
Le réseau s'était donné les moyens de ses ambitions, avec "environ 500.000 euros" à disposition, ainsi qu'un "arsenal d'environ 380 armes à feu, de près de 350 armes blanches ainsi que 500 autres armes et au moins 148.000 munitions", selon les enquêteurs.
"Il était clair pour les membres (du groupuscule, ndlr) que la prise de pouvoir en préparation impliquerait la mort de personnes", ont-ils estimé.
Les autorités allemandes ont classé ces dernières années la violence d'extrême droite au premier rang des menaces contre l'ordre public, avant le risque jihadiste.
Plusieurs réseaux ont été démantelés depuis deux ans, dont l'un planifiait l'enlèvement du ministre de la Santé, à l'origine des mesures de restriction anti-Covid. (AFP)