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Coronavirus en Tunisie : Après le confinement général, le pays sur pied de guerre
Tunis - Le premier jour de confinement général décrété du 22 mars au 04 avril en Tunisie pour endiguer la propagation de l'épidémie du coronavirus semble bien respecté.
Tunis donne l’allure d’une ville désertée par sa population. Très peu de personnes ont osé sortir de leurs logements pour vaquer à leurs besoins les plus impérieux, notamment pour s’approvisionner en produits alimentaires essentiels ou se diriger vers la pharmacie la plus proche pour acheter les médicaments dont ils ont besoin.
Malgré les restrictions imposées, on aperçoit encore et toujours des files d’attente devant les petits commerces et les boulangeries. Inquiets, pris par la panique et gagnés par la peur, les Tunisiens achètent tout ce qu’ils trouvent devant eux.
Cette fièvre acheteuse a fini par créer la disparition de certains produits de première nécessité notamment la semoule, la farine, le lait et même des produits d’entretien comme l’eau de javel.
En même temps, les boulangeries sont prises d’assaut et les files d’attente sont parfois interminables.
Le couac, c’est que malgré les avertissements et les mises en garde des autorités, les spéculateurs ont fini par imposer leur loi.
Une envolée des prix inhabituelle concerne la majorité des produits comme les fruits et légumes et même la semoule et la farine vendues souvent au double de leur prix normal.
Il faut avouer que les efforts déployés depuis plus de quinze jours par les pouvoirs publics pour éviter une propagation sur une plus grande échelle de l’épidémie du coronavirus, n’ont pas, par la nonchalance des uns, le manque de coordination des autres et l’absence d’une véritable communication de crise, de donner leurs pleins effets.
POUR UN ETAT PLUS FORT
En effet, le nombre de personnes atteintes n’a fait qu’augmenter au fil des jours (75 cas confirmés le 22 mars et 3 décès) ainsi que les régions concernées (15 gouvernorats sur les vingt-six que compte le pays).
Pour éviter le pire, voire un scénario à l’italienne, on a dû recourir au remède de cheval, seul à même d’arrêter cette spirale vertigineuse. En même temps, les autorités se sont trouvées dans l’obligation de prendre des mesures d’accompagnement pour sauver le pays d’une catastrophe sanitaire, préserver l’économie d’un éventuel effondrement et s’épargner d’un bouillonnement social porteur de tous les dangers.
Incontestablement, pour un certain nombre d’observateurs avertis, cette crise, sans précédent, a remis au goût du jour un peu partout dans le monde le besoin impérieux d’un plus d'Etat. Un rôle plus accru de l’Etat, non seulement en tant que régulateur, mais en tant qu’acteur essentiel dans la sauvegarde du tissu économique et la préservation de l’équilibre social.
Le retour en force de l’Etat est réclamé partout et son implication est plus que jamais souhaitée notamment en matière de mobilisation des ressources exceptionnelles pour garantir la poursuite de l’activité tout en donnant un signal fort sur la mission qui lui incombe dans un contexte qui impose l’union sacrée et la mobilisation de toutes les énergies.
Pour la Tunisie cette crise survient à un mauvais moment, à une période où le pays peine à sortir d’une crise économique et sociale qui perdure depuis plus de neuf ans.
Pour cette raison, cette épidémie est perçue comme une épreuve de vérité pour les pouvoirs publics appelés, plus que jamais, à restaurer l’autorité de l'état et à faire prévaloir la loi et le droit.
Pour couper court à toutes formes de spéculations, le chef de gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh a dû, dans une adresse au peuple, faire œuvre de pédagogie pour passer son message et convaincre les Tunisiens sur le bien-fondé des mesures décidées, soient elles difficiles ou douloureuses.
Tout en affirmant que la santé des Tunisiens est la priorité des priorités, il a tenu à rappeler que le pays ne peut que compter, en cette période de grandes turbulences, que sur ses moyens, fussent-ils modestes.
Ces mesures décidées sont contraignantes mais combien même nécessaires et vitales.
Pour Fakhfakh, "il est préférable que 1,5 million travaillant dans les secteurs vitaux et sensibles restent mobilisés pour garantir la santé de 10 millions de Tunisiens confinés pendant deux semaines".
La gestion de cette crise se traduira par un grand coût à la communauté qu’exigent le fonctionnement optimal du secteur de la santé, l’assurance de conditions de vie acceptables pour les catégories vulnérables et aux besoins spécifiques et la pérennité du tissu économique, dont certains secteurs seront touchés de plein fouet.
Les mesures explicitées par le chef de gouvernement ont été le couronnement d’une large concertation ayant réuni toutes les organisations nationales et professionnelles.
Elles matérialisent en même temps les recommandations d’une étude sur l’impact du coronavirus sur l’économie tunisienne diligentée par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) et l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
Fonds d’investissement pour la recapitalisation des entreprises t
Refusant le catastrophisme, Elyes Fakhfakh a tenu à rassurer ses compatriotes en présentant les grands axes de la stratégie que le pays a choisi d’adopter et qui se focalise sur trois objectifs concomitants.
Le premier aspect est d’ordre social consistant à garantir aux Tunisiens en cette période les conditions d’une vie digne en ne laissant aucune catégorie dans le besoin. Le second objectif a trait à l’importance de préserver tous les emplois, alors que le troisième se focalise sur l’impératif accordé à ne perdre aucune entreprise.
Pour cela, l’Etat ne va pas lésiner sur les moyens, annonçant, dans la foulée, la mobilisation d’une enveloppe de 2,5 milliards de dinars (1 euro = 3,2 dinars), afin d’atténuer sinon de circonscrire les effets de cette crise.
Dans ce sens, il a été décidé d’ouvrir une ligne de financement de 300 millions de dinars (MD) pour soutenir les employés et ouvriers mis au chômage technique (sous forme de pensions), de réserver un fond exceptionnel de 150 MD pour les catégories démunies et les personnes aux besoins spécifiques.
Parallèlement, il a été décidé le report pendant six mois du paiement des mensualités des crédits bancaires pour les salariés dont les revenus mensuels ne dépassent pas 1.000 dinars, et la suspension pendant deux mois des décisions de coupure d’électricité, d’eau, de gaz et de la téléphonie pour les citoyens n’ayant pas payé leurs factures.
Pour ce qui concerne le secteur de la santé, il a été décidé la mobilisation d’une enveloppe supplémentaire de 500 MD pour le stockage de médicaments, de produits alimentaires et du carburant nécessaires pour cette période de confinement.
S’agissant des PME qui représentent 80% du tissu économique et les professions libérales, le chef du gouvernement a annoncé le report de trois mois du paiement des impôts et ce, à partir du 1er avril, des cotisations de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) du 2e trimestre de trois mois et des mensualités des crédits bancaires durant 6 mois, ainsi que la possibilité de contracter de nouveaux crédits de gestion et de travaux et le rééchelonnement des dettes fiscales et douanières.
Le gouvernement a également décidé la création d’un Fonds d’investissement pour la recapitalisation des entreprises touchées par la crise, une amnistie fiscale et douanière pour les assujetties, ainsi que l’annulation durant six mois des pénalités de retard pour les sociétés ayant conclu des marchés publics et l’augmentation de 30% à 50%, de la part des marchandises que les sociétés totalement exportatrices pourraient écouler sur le marché local.
Last but not least, le chef de gouvernement a formulé le souhait d’agir durant deux mois par ordonnance ou décrets gouvernemental pour éviter de passer au cours de cette période difficile toutes ces lois devant le parlement.
Il va sans dire que face à cette situation difficile, ces mesures exceptionnelles mais inévitables ne peuvent donner leur plein effet que dans un environnement de solidarité et de partage des sacrifices. D’après un grand nombre d’analystes et de politologues, il va falloir d’abord que la majorité des Tunisiens soient imbus du sens de la discipline et de la responsabilité. C’est là que se situe précisément le nœud du problème !