Dossier : Si les abeilles venaient à disparaître

5437685854_d630fceaff_b-

Maya l’abeille aussi belle qu’abeille, mais si elle venait à disparaitre ‘’l'Homme n'aurait plus que quatre années à vivre" selon une déclaration attribuée par erreur à Albert Einstein. Mais l’erreur est humaine et parmi l’humanité de toutes ses erreurs celle de tout faire pour faire disparaitre progressivement, par son occupation de trop d’espace et de par sa pollution, toutes les espèces. Leur survivra-t-il ?

1
Partager :

Par Soumia AL ARKOUBI (MAP)

L'abeille, cet insecte social qui fabrique du "ciel"

Rabat -  "Si les abeilles disparaissent de la surface du globe, l'Homme n'aurait plus que quatre années à vivre". Cette phrase attribuée par erreur au physicien américain d'origine allemande Albert Einstein ressurgit avec l’apparition du "syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles".

Ce phénomène, qui inquiète les scientifiques partout dans le monde, a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et nombre de revues et de médias spécialisés lui ont consacré des pages, voire des dossiers. Certains sont allés plus loin, évoquant des scénarios “apocalyptiques" qui lient la fin du monde à la fin des abeilles.

Est-ce vrai que cet insecte social, qui a inspiré tant de poètes et d’écrivains dans les cinq continents et dont l’organisation du travail a été calquée comme modèle dans de grandes entreprises, est en cours de disparition ?

“Les abeilles ont environ un million d’années d'existence, mais leur nombre a été réduit de moitié par rapport à ce qu’elles étaient dans les années 1940. Elles, et bien d'autres espèces pollinisatrices, sont aujourd’hui fortement menacées, partout dans le monde”, nous répond Ahmed Taheri, entomologiste.

“Elles sont confrontées à une véritable crise écologique traduite par une baisse considérable de leurs populations. Malheureusement, leur taux d'extinction est de 100 à 1.000 fois plus élevé que la normale !”, avertit M. Taheri, également professeur de biologie à la Faculté des sciences, Université Chouaib Doukkali d’El Jadida, dans une interview accordée à la MAP à la veille de la journée internationale des abeilles.

Ce syndrome est dû, selon M. Taheri et Asmaa Kamili, cheffe de la Division de la santé animale à l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), notamment aux changements climatiques, à la pollution et la destruction des habitats naturels et les maladies, l’insuffisance des ressources alimentaires, ainsi qu’aux insecticides et pratiques apicoles intensives.


Disparition des abeilles : L'ONSSA approfondit les investigations

80% des plantes à fleurs et la production de 35% de la nourriture dépendent directement des insectes pollinisateurs”,

Cette créature, qui fait envier les humains par son sens d’organisation très élevé et sa persévérance, est d’une grande importance pour la vie sur Terre, vu les différents services qu’elle offre à l’humanité.

“Une abeille vaut mieux que mille mouches”, un proverbe qui semble rendre peu d’hommage à ce pollinisateur “Les abeilles (domestiques et sauvages) ont un rôle essentiel dans la pollinisation et jouent, de ce fait, un rôle économique et écologique très important dans la mesure où la survie de 80% des plantes à fleurs et la production de 35% de la nourriture dépendent directement des insectes pollinisateurs”, explique Mme Kamili.

“La pollinisation constitue une étape indispensable dans le processus de reproduction des plantes à fleurs pour leur régénération et leur adaptation aux changements climatiques”, ajoute-t-elle.

L’importance de ces insectes hyménoptères, végétariens et butineurs (collecteurs de nectar) “réside en général dans le service écologique qu'elles assurent en tant que pollinisateurs, c'est-à-dire le transport du pollen permettant la reproduction des plantes (sauvages ou cultivées) et donc le maintien de la durabilité de nos écosystèmes naturels”, abonde M. Taheri dans le même sens.

“Sans elles, nos écosystèmes s’effondreraient ! 80% de la pollinisation des cultures (les plantes à fleurs) est assurée par des abeilles et 90% de la nutrition dans le monde dépend des pollinisateurs ! En plus, ce sont les seuls insectes qui nous offrent un aliment unique, riche en vitamines, minéraux et antioxydants, le miel”, insiste le secrétaire général de l'Union internationale pour les études des insectes sociaux, Section d’Afrique.

La vie des abeilles est sans repos. Débordantes d'énergie et acharnées, elles peuvent faire des vols de quelques centaines de mètres pour des abeilles solitaires (à l'exception des grandes espèces telles que Xylocopa spp) à plusieurs kilomètres pour certaines espèces de bourdons, d’après le scientifique Walter Kaiser et le neurobiologiste Randolf Menzel.

Durant ces trajets, une abeille ne peut être distraite par la beauté des paysages qu’elle rencontre ni par le goût exquis du nectar qu’elle butine. Elle est consciente de l’importance de sa mission au sein de sa cellule sociale et pour sauver l’humanité et reste concentrée sur ses tâches qu’elle accomplit avec une précision étonnante.

Louis-Marie Parent n’avait donc pas tort quand il avait dit : “Imitons l'abeille, elle fait de grandes randonnées, sans perdre son objectif”.

“La reine se charge de la ponte des œufs (...) Les ouvrières assurent les différentes tâches essentielles au maintien de la colonie : elles récoltent du nectar, du pollen et de la propolis, entretiennent la ruche, régulent et défendent sa température, nourrissent et élèvent les larves ; et produisent de la cire, le miel et la gelée royale”, détaille M. Taheri.

Une abeille ne quitte pas sa ruche uniquement pour butiner le miel ou séduire son partenaire dans ses vols nuptiaux originaux. Elle le fait parce qu’elle a été prédestinée à cette “mission de vie”.

Selon l’ONU, des millions d’apiculteurs dépendent des abeilles pour assurer leurs moyens d’existence (ODD 8: travail décent et croissance économique) et leur bien-être (ODD 3: bonne santé et bien-être).

Les abeilles jouent un rôle important dans la préservation de la biodiversité, la survie et la reproduction de nombreuses espèces végétales, la régénération des forêts (ODD 15 : vie terrestre), la promotion de la durabilité et de l’adaptation au changement climatique (ODD 13) ou encore l’amélioration de la production agricole sur les plans quantitatif et qualitatif, d’après le site web des Nations unies.

Cet être très petit et mielleux ne cesse donc de prouver au monde la validité et crédibilité de la citation : “Abeille : Petit insecte capable de fabriquer du ciel!”.

Israël, des ruches robotisées pour préserver les abeilles

C:\Users\Naïm Kamal\Downloads\32A372X-highres.jpg

"Le robot est équipé de capteurs qui lui permettent de savoir ce qu'il se passe dans les cadres"

Dans un kibboutz de Galilée, une start-up israélienne construit des ruches robotisées qui surveillent les abeilles 24 heures sur 24 et permettent de réduire la mortalité de ces pollinisateurs majeurs, garants de la sécurité alimentaire.

"Il y a deux millions d'abeilles ici", dit Shlomki Frankin en entrant dans un conteneur blanc de 12 mètre carrés, posé en plein milieu des champs d'avocats du kibboutz Bet Haemek, dans le nord d'Israël.

Le conteneur appelé "Beehome" (maison des abeilles en anglais) peut abriter 24 ruches, l'apiculteur de 41 ans qui porte un chapeau avec un voile pour se protéger des éventuelles piqûres.

Ces maisons d'abeilles fonctionnent comme des ruches normales en bois, si ce n'est qu'elles sont gérées par un robot placé à l'intérieur qui surveille ces insectes, contrôle leur habitat et leur procure des soins, précise M. Frankin qui travaille pour la société Beewise à l'origine de la méga ruche.

Venu effectuer une visite de contrôle, il observe l'appareil électrique qui se déplace au centre du caisson bourdonnant et vient tirer un cadre de miel où sont agglutinées des abeilles mellifères.

"Le robot est équipé de capteurs qui lui permettent de savoir ce qu'il se passe dans les cadres", explique Netaly Harari, directrice des opérations de Beewise.

"Grâce à l'intelligence artificielle, notre logiciel sait ce dont les abeilles ont besoin", dit-elle dans l'atelier où sont assemblées les grandes ruches métalliques.

Le robot peut en outre distribuer automatiquement du sucre, de l'eau, des médicaments.

En cas de problème, il alerte l'apiculteur via une application. Ce dernier peut alors intervenir à distance depuis son ordinateur et se déplacer si nécessaire.

La méga ruche, qui fonctionne à l'énergie solaire, peut aussi réguler la température, éliminer les nuisances et même extraire du miel, grâce à une centrifugeuse intégrée, affirme Netaly Harari.

La start-up va pour la première fois produire du miel à partir de la fin mai, le "premier miel au monde fabriqué avec l'intelligence artificielle!", s'enthousiasme Mme Harari.

Pour Shlomki Frankin, "le robot est un outil pour l'apiculteur, mais il ne le remplace pas".

 

lire aussi