Le Sénégal lance sa Stratégie de lutte contre l'émigration clandestine, un trafic qui génère plus 100 millions de dollars par an

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« Les estimations modérées des passages de clandestins d’Afrique de l’Ouest en direction de l’Europe dépassent à elles seules les 100 millions de dollars’’, souligne une étude intitulée »Flux financiers illicites issus du trafic de migrants : Tendances et réponses en Afrique de l’Ouest ».

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Dakar - Le gouvernement du Sénégal a présenté jeudi la Stratégie nationale de lutte contre le phénomène sur dix ans, devant être financée par le budget national et des partenaires extérieurs.

La cérémonie de validation de la Stratégie nationale de lutte contre l'émigration irrégulière s'est tenue ce jeudi à Dakar et présidée par le Premier ministre Amadou Ba.

"Nous sommes réunis ici pour marquer la validation politique de la Stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière (SNLMI). Le document de la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière décline cinq axes qui visent à réduire drastiquement la migration irrégulière à l’horizon 2033 ", a déclaré le Premier ministre.

Cette Stratégie nationale vise "à réduire drastiquement le phénomène à l'horizon 2033", a déclaré, pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Antoine Felix Abdoulaye Diome, lors de la présentation du document.

Selon le ministre de l’Intérieur, la Stratégie nationale sera une amélioration du dispositif institutionnel, avec une approche inclusive s’articulant autour d’une stratégie mobilisatrice des services de l’Etat, impliquant les communautés et les partenaires au développement dans un contexte marqué par la recrudescence du phénomène avec son lot de morts.

"Il apparait nécessaire de démultiplier les initiatives et de nous fixer de nouveaux objectifs afin d'améliorer nos résultats", a indiqué le ministre

M. Diome a salué des acquis "appréciables" déjà obtenus dans la lutte contre ce "phénomène dangereux".

La SNLMI se décline sur cinq axes: la prévention, la gestion des frontières, des mesures de répression (contre les convoyeurs), des mesures d'aide, d'assistance et de protection, le retour et la réinsertion des migrants. Le coût total du dispositif n'a pas été précisé.

"Avec la participation active de tous les acteurs le Sénégal vient de se doter pour la première fois d’une stratégie en matière de gestion de la migration", a dit le Premier ministre.

Il a ajouté que '’l’Etat compte intensifier la sensibilisation des populations sur l’étendue du territoire, renforcer les mesures de contrôle et de surveillance des frontières terrestres, maritimes et aériennes par la dotation d’équipements conséquents aux Forces de défense et de sécurité, et de structures complémentaires’’.

M. Ba a annoncé que l’Etat va également ‘’améliorer et mettre en application notre arsenal juridique, soutenir les migrants et offrir des opportunités palliatives à la migration irrégulière notamment dans le domaine de l’emploi et du financement des jeunes et des femmes’’.

Selon M. Ba, ‘’la lutte contre la migration irrégulière est un effort collectif de tous les acteurs de la société’’. ‘’En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement propice au développement, à la stabilité et à la prospérité pour ainsi dissuader les jeunes de risquer leur vie dans des migrations irrégulières’’, a-t-il dit.

Pour lui, ‘’l’émigration irrégulière est un phénomène dramatique qui appelle à notre compassion et à notre détermination collective à agir’’.

Il estime que ‘’derrière chaque migrant irrégulier, se cache un récit humain, des rêves, des espoirs et des sacrifices, des personnes qui risquent leur vie pour franchir des frontière (…)’’

Amadou Ba rappelle que ‘’les Etats ont un rôle dans cette lutte’’. C’est pourquoi, note-t-il, ‘’l’Etat du Sénégal a élaboré des politiques publiques qui promeuvent le développement économique, social et éducatif’’.

Des drames ont été recensés ces deux dernières semaines au Sénégal. Seize migrants sont morts lundi au large de Dakar dans le naufrage de leur embarcation. Un autre bateau a chaviré le 12 juillet à Saint-Louis, dans le nord du pays, faisant au moins quatorze morts.

Le président Macky Sall a récemment "demandé au gouvernement d'intensifier les contrôles au niveau des zones et sites potentiels de départ, mais également de déployer l'ensemble des dispositifs de surveillance, de sensibilisation et d'accompagnement des jeunes" en renforçant les programmes publics "de lutte contre l'émigration clandestine".

Le trafic de migrants rapporte plus de 59 milliards FCFA par an aux passeurs (Rapp

Les flux financiers illicites (FFI) découlant du trafic de migrants en partance d'Afrique de l’Ouest vers l’Europe sont estimés à plus de 100 millions de dollars par an, soit 59 250 000 000 francs CFA, a indiqué un rapport publié par l’Institut d’études de sécurité (ISS).

« Les estimations modérées des passages de clandestins d’Afrique de l’Ouest en direction de l’Europe dépassent à elles seules les 100 millions de dollars’’, souligne l’étude intitulée »Flux financiers illicites issus du trafic de migrants : Tendances et réponses en Afrique de l’Ouest ».

'’En 2020, les données sur la migration ont révélé une augmentation des traversées de migrants du Sénégal vers les îles Canaries d’environ 1 000 % par rapport à la période 2011-2019’’, note le rapport.

S’agissant du Sénégal, la voie maritime est la plus prisée par les passeurs, soulignent les auteurs du rapport.

‘’Les passeurs utilisent les voies maritimes du Sénégal aux îles Canaries espagnoles comme porte d’entrée vers l’Europe à cause des restrictions croissantes sur la route méditerranéenne’’, relève le document.

Selon les auteurs de ce rapport, des villes côtières comme Saint Louis et Mbour sont les principaux points de départ vers les îles Canaries ‘’de migrants en situation irrégulière [qui] quittent aussi certains villages de pêcheurs, tels que Joal, Thiaroye et Soumbedioune ».

Ils notent également la présence de candidats à la migration irrégulière, originaires d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, à qui les passeurs ‘’exigent généralement d’être intégralement payés à l’avance (…) entre 400 à 600 dollars.’’

Toutefois, indique le rapport, ‘’en 2023, l’utilisation des routes maritimes semble avoir diminué, ce qui laisse entendre que les restrictions liées à la Covid-19 concernant les frontières terrestres ont joué un rôle dans l’utilisation accrue des routes maritimes entre 2020 et 2022.’’

A l’échelle mondiale, le trafic de migrants rapporte aux passeurs plus de 10 milliards de dollars par an, soit 5 925 000 000 000 de francs CFA, d’après les estimations du rapport.

 

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