Narrer pour ne pas oublier, au SIEL, mémoire vive des Marocains expulsés d’Algérie – Par Hassan Zakariaa

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Les témoignages ont souligné l’extrême violence de l’expulsion : familles séparées, biens confisqués, enfants arrachés à leurs écoles, citoyens livrés à eux-mêmes à la frontière marocaine, sans ressources ni repères

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Lors d’une rencontre poignante au Salon Internationale de l’Edition et du Livre de Rabat, des écrivains et témoins ont ravivé le souvenir douloureux de l’expulsion de milliers de familles marocaines d’Algérie en 1975. Un récit nécessaire pour préserver une mémoire occultée et exiger justice à l’approche du 50e anniversaire de ce drame.

Par Hassan Zakariaa

Un drame littéraire et mémoriel au cœur du SIEL

Le mardi 22 avril 2025, la mémoire des expulsés marocains d’Algérie a résonné entre les murs d’une des grandes salles du Salon international de l’édition et du livre à Rabat. Sous le thème « Raconter l’histoire des Marocains d’Algérie », trois auteurs — Mohamed Charfaoui (La Marche noire), Fatiha Saidi (Les Fourmis prédatrice), et le poète El Hachmi Essalhi — ont partagé extraits et témoignages d’une tragédie humaine toujours vivace. L’événement, organisé par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, a rassemblé écrivains, artistes, journalistes et défenseurs des droits humains.

Une mémoire expulsée, une souffrance encore vivace

Abderrazak El Hannouchi, vice-président du Réseau international de soutien aux familles marocaines expulsées, a ouvert la rencontre en insistant sur l’importance de préserver cette mémoire collective. Près de 45 000 familles marocaines, établies légalement en Algérie — parfois depuis plusieurs générations, souvent engagées dans la guerre de libération — furent brutalement chassées sans préavis, un jour d’Aïd al-Adha, sous une pluie froide d’hiver. L’Algérie continue, près de cinquante ans plus tard, de nier toute responsabilité, malgré les appels persistants à la reconnaissance et à la réparation.

Les témoignages ont souligné l’extrême violence de l’expulsion : familles séparées, biens confisqués, enfants arrachés à leurs écoles, citoyens livrés à eux-mêmes à la frontière marocaine, sans ressources ni repères. L’expulsion est qualifiée par les auteurs de crime contre l’humanité, et dénoncée comme une manœuvre politique directement orchestrée par les autorités du Palais d’El Mouradia à l’époque du président Boumediene.

Écrire pour survivre, transmettre pour ne pas oublier

Mohamed Charfaoui, victime directe de l’expulsion, a évoqué les trente années où il a "effacé l’Algérie" de sa mémoire avant de trouver dans l’écriture une forme de thérapie. Fatiha Saidi et El Hachmi Essalhi, descendants de familles expulsées, ont à leur tour dénoncé l’injustice de cette page noire de l’histoire, qu’aucun traité bilatéral, aucun discours officiel n’est encore venu réparer.

El Hachmi Essalhi a livré un témoignage saisissant : près de 300 000 personnes, selon lui, furent concernées par l’expulsion, dont une majorité d’enfants. Il a raconté avec émotion comment Oran, ville lumineuse de son enfance, s’est assombrie à jamais à ses yeux le jour de leur départ forcé.

Les intervenants ont unanimement appelé à une reconnaissance officielle de la part de l’État algérien, à des excuses publiques, et à l’indemnisation des familles. Ils ont également insisté sur l’urgence de cette revendication, à l’heure où la majorité des témoins directs ont disparu, laissant à leurs enfants et petits-enfants la responsabilité de porter cette mémoire et cette quête de justice.

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