Une résolution sans intérêt et sans lendemain

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Le spectacle que vient d’offrir de lui-même le CPS n’est pas sans rappeler les combines et les pratiques chères à la défunte OUA

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Profitant de sa présidence pour un mois du Conseil de la Paix et de la Sécurité (CPS) de l’Union Africaine (UA), le Kenya a rendu public au bout de 10 jours de manœuvres et de tergiversations une résolution controversée sur le Sahara. Des informations concordantes assurent que cette résolution ne bénéficie pas de la majorité des 15 membres du CPS et l’on est en présence d’un passage en force. Quoi qu’il en soit, la réunion du 9 mars du Conseil africain est un sommet au rabais. Seulement 4 chefs d’Etat sur 15 y ont pris part.

Le spectacle que vient d’offrir de lui-même le CPS n’est pas sans rappeler les combines et les pratiques chères à la défunte OUA et indique que des responsables africains au plus haut niveau continuent d’être travaillés par les démons de la scission et de l’instabilité qui empêchent encore l’Afrique non pas d’entrer dans l’histoire, ce serait faux et injuste, mais dans l’écriture d’une histoire postcoloniale libérée des bombes à retardement semées par les puissances occcupantes.

Dans cet épisode, on a vu à la manœuvre les diplomates algériens avec le soutien actif de leurs homologues sud-africains. Mais leurs manigances n’auraient pas abouti sans le rôle pernicieux joué par le président kényan qui a profité de sa présidence du conseil, sans égard pour le rang du Kenya dans le continent, pour permettre au commissaire algérien en fin de mandat d’accomplir là, sans doute, sa dernière action, non pas contre le Maroc, mais contre l’Afrique qui aspire toujours à en finir avec les conflits pour s’atteler opérationnellement à la réalisation de l’Agenda 2063.

La nécessaire vigilance

Pour le Maroc, ce dont Addis-Abeba vient d’être le théâtre est un non évènement. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, l’a clairement formulé jeudi 19 mars à Rabat.Et la diplomatie marocaine n’a pas tort de se satisfaire de la position de la majorité des Etats membres du CPS et de la Commission de l’UA restées fidèles à la légalité et à la légitimité. Au Sommet du CPS du 9 mars 2021 ils ont défendu la validité et la pertinence de la décision 693 de l’Union, en tant que seul cadre de l’UA pour suivre la question du Sahara marocain.

Cette décision-cadre veut que seul le mécanisme de la Troïka est habilité à suivre la question du Sahara marocain et souligne, sans possibilité d’interprétation, que la question est de la compétence exclusive du Conseil de sécurité des Nations Unies. Toute autre orientation est nulle est non avenue. Pour autant, on reste-là sur un terrain glissant où rien n’est jamais définitivement acquis et exige une vigilance à toute épreuve face à un pouvoir algérien blessé par la succession de la remontada diplomatique du Maroc au cours de ces dernières années. La même vigilance est à observer scrupuleusement à l’égard d’intérêts extra-africains qu’arrange la situation actuelle où la solution à leurs yeux est qu’il n’y ait pas de solution.

Le Roi Mohammed VI du Maroc s’est beaucoup investi dans le continent en croyant fermement à cette nouvelle génération de dirigeants débarrassés des mauvais réflexes de la guerre froide et conscients des convoitises internationales fidèles à la ligne de la conférence de Berlin consacrée en 1885 au partage de l’Afrique, encore à l’œuvre aujourd’hui. Son retour à l’UA exprimait la volonté de jeter les fondements de la coopération Sud-Sud qui déplait tant à plus d’une puissance. Faut-il le rappeler, mais c’est cette acception de l’Afrique et de son futur qui fait que c’est Rabat, et seulement Rabat dans ce qui l’oppose à Alger, qui s’est engagé résolument sur la voie de la solution par sa proposition d’une autonomie élargie dans son Sahara. C’était compter, hasard ou dernier soubresaut, que se soient précisément des dirigeants venus du passé, l’algérien et le sud-africain, qui manipulent, consciemment ou inconsciemment, pour plomber la volonté d’émancipation de l’Afrique.

Un continent confligène

La péripétie du sommet du 9 mars est d’autant plus affligeante que cette rencontre s’est tenue dans la foulée du sommet extraordinaire de décembre 2020 sur le thème urgentissime de Faire taire les armes. Dans son discours d’ouverture, le président de la Commission africaine Mahamat Moussa Faki a brossé un tableau sombre des crises dans l’espace africain le qualifiant de tristement saisissant :

Du Sahel où l’épicentre malien déborde sur tous les Etats frontaliers, à la région des Grands Lacs où la RDC n’a pas connu un seul jour sans heurts depuis la disparition du Zaïre. Du Tchad en permanence sur un flux tendu de conflits à la Libye qui peine à revenir au calme. De la Somalie qui contamine régulièrement le Kenya et déstabilise la corne de l’Afrique à L’Ethiopie hier et aujourd’hui. Du Soudan au centre d’une région hautement conflictugène à L’Afrique australe à Cabo del Gado où le problème n’est pas seulement mozambicain. Du Nigéria où les attaques de Boko Haram déteignent sur les pays voisins, notamment le Cameroun, et irradient jusqu’au Sahel, à L’Afrique du Sud qui vit dans un climat de violence extrême… où l’on donne de la tête on ne croise que désolation et dévastation. L’Afrique occupe ainsi la triste tête du hitparade des conflits.

Pas une seule fois, pas dans un seul conflit fut-il secondaire, c’est désolant mais c’est ainsi, l’UA ne s’est montrée d’une réelle efficacité ou a été d’une vraie utilité. Et voilà que le CPS n’a pas trouvé mieux que de zoomer sur le Maroc où Rabat offre pourtant une concrète possibilité de sortie du conflit. In fine, le Conseil ne tente-t-il pas ainsi de faire rapatrier à l’UA un conflit dont les Marocains l’avaient débarrassé en le confiant à l’exclusivité des Nations Unies, la soulageant par la même occasion d’un problème supplémentaire ?

Un Conseil en échec

Le CPS, créé en 2003 à l’image du Conseil de Sécurité de l’ONU, devait être « un système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique ». En 17 ans d’existence, il n’a même pas été capable de prévenir ce qui s’est produit dans son pays hote, l’Ethiopie où le conflit du Tigré cherche à déstabiliser l’œuvre de développement d’un Etat qui semble bien avancé sur la voie de l’émergence. Le CPS devait aussi se doter d’une Force Africaine pour lui permettre de s’interposer là où les armes parlent. Force est de constater que, depuis, elle est en attente de création et rien ne pointe à l’horizon.

A la suite du Sommet sur Faire taire les armes, les Africains étaient en droit d’attendre du CPS une réflexion profonde sur les véritables entraves à sa mission de paix et de sécurité pour produire un programme concret de résolution des conflits au lieu de les envenimer. Il en a été incapable. Et C’est précisément cette incapacité et l’impuissance du CPS à résoudre les nœuds de discorde qui font de sa dernière résolution, conçue dans le dos de l’Afrique, une résolution sans intérêt et sans lendemain.  

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