Jour de pluie – Par Naïm Kamal

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Devinez qui des deux est ukrainien ? Selon que vous serez blanc ou noir , les jugements de l’Occident vous rendront puissant ou misérable (La Fontaine paraphrasé par Quid)

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Mardi 14 mars, 14 h. Une fine pluie tombe sur Rabat et la Direction générale de la météo alerte contre de fortes averses et des chutes de neige dans plusieurs régions du Royaume. Difficile de prédire si ces averses tardives sont annonciatrices d’autres bienfaits du ciel qui sauveront la saison. Mais la grisaille qui s’est installée dehors a sur les esprits l’effet réjouissant d’un rayon de soleil qui surviendrait après des semaines de trombe. 

Peut-être enfin l’hiver à quelques jours du printemps. 

La veille, une information tombe sur la mort d’au moins 44 migrants, dont des femmes et des bébés, noyés après le naufrage de leur embarcation au large de Tarfaya, dans le sud du Maroc. Des subsahariens. La routine, quoi. Ni caméras ni ‘’grands reporters’’ casqués et gilet-pareballisés pour rapporter et témoigner du drame. Pas plus qu’il n’y a de zooms sur le visage d’un enfant en pleur dans les bras de sa mère. A la décharge des photographes, il est effectivement difficile de fixer pour la postérité des larmes qui se noient dans l’eau de mer. Juste un entrefilet perdu au milieu des dépêches. On n’est pas en Ukraine.

Toute honte bue

On a beau être échaudés ou blasés, l’on est tout de même toujours décontenancés devant la capacité des médias occidentaux d’ignorer les uns et de se ranger pour les autres en rangs serrés et en ordre de marche derrière leurs gouvernements dès lors qu’il s’agit des ‘’intérêts supérieurs’’, traduisez leur bien-être consumériste et la suprématie de leur modèle. 

Sans états d’âme, ils expurgent de ses ultimes fards leur lyrique habituelle sur la liberté d’expression et d’opinion. Sans ménagement traquent la divergence. La conscience heureuse, chassent de leur espace toute contradiction, condamnant à la contrition ceux des leurs qui prétendraient à une analyse non conforme. Les subtilités de la pluralité des idées disparaissent derrières des écrans compacts comme des soldats en ordre de bataille sur le front. 

L’Ukraine et son flot en continu d’images tuméfiant les sentiments. Triées sur le volet, soigneusement sélectionnées pour montrer à qui ne veut pas encore la voir la barbarie, forcément et exclusivement russe. Sur une chaine de télévision occidentale, un reporter photographe témoigne : « Les réfugiés ukrainiens qui fuient les bombardements prennent le temps d’emporter avec eux leurs animaux domestiques ». C’est censé nous montrer combien ces réfugiés pas comme les autres sont, aux choix, dans l’aire, l’air ou l’ère de la civilisation. Humains ! Des B B BY. Blancs, Blonds, aux Yeux Bleus. Même quand ils sont châtains aux pupilles noires. Beaux, forcément beaux même quand ils ont moches. 

La comparaison avec les Autres est tacite et en face du capteur des émotions, personne pour lui répliquer qu’on voit mal comment pourrait faire un migrant subsaharien fuyant une guerre ou la faim, souvent les deux, pour emporter dans ses baluchons sa seule vache maigre ou son unique et squelettique brebis. Alors même que l’attendent des centaines, quand ce n’est pas des milliers de kilomètres à pied, la plupart du temps dans l’aridité, avant de s’engouffrer dans la méditerranée où il n’y a pour l’accueillir que des poissons et des méduses sans radeau.

L’édit de Caracalla

Sur le conflit autour de l’Ukraine, j’ai la position de mon pays. Je ne participe pas au vote, même si j’ai ma petite idée sur le sujet. Deux ou trois mâles Alpha qui se disputent la domination des hommes Omega. L’homme Omega, au cas où on ne le saurait pas, est ‘’dominé, suiveur, docile’’ parce que généralement, pour de multiples raisons, il n’a pas les moyens, et donc la personnalité de ses ambitions. D’ailleurs on devrait écrire omega sans majuscule.

Pour dire les choses un peu plus clairement, Joe Biden, en entrant à la Maison Blanche, a déclaré : ‘’you-esse-aie is back’’ ! Façon de dire que Washington est toujours la Rome des temps modernes, statut que lui contestent désormais Pékinois, Moscovites et une poignée d’autres. Qu’il en soit ainsi ! Seulement parce que de là où je suis, entre Américains, Russes ou Chinois, je n’ai, comme beaucoup des miens, que le choix de l’embarras. Et comme on dit chez nous, que Dieu nous préserve de n’avoir à choisir qu’entre des maux. 

Néanmoins, cependant et toutefois, on n’en serait pas là si l’hyperpuissance que furent les Etats Unis au lendemain de l’implosion de l’URSS - qui se définissait, selon la fameuse formule de la Madeleine Albright, alors secrétaire d’Etat, comme la Nation Indispensable – s’était avisé de suivre l’exemple de l’empereur Caracalla dans la Rome antique. Caracalla, en décrétant en 212 l’édit qui porte son nom, avait accordé la citoyenneté romaine à tous les habitants sur toute l’étendue de son empire.

On seraient ainsi tous devenus des Etasuniens avec les mêmes droits et devoirs que les Etatsuniens ‘’de souche’’, à l’exclusion bien sûr des Black Lives Matter, des Latinos et autres Portoricains.      

 

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