chroniques
La question de la probité dans l’approche politique et démocratique du processus électoral
Le ministre de l’Intérieur le 8 juillet face aux chefs de parti : le cycle habituel des consultations et concertations
Sauf révision du calendrier pour force majeure de dernière heure, l’année 2021 sera une année électorale par excellence. Ainsi, les électrices et électeurs seront appelés aux urnes pour s’exprimer sur le renouvellement des différentes instances représentatives prévues par la constitution : collectivités territoriales, Chambres professionnelles, élections professionnelles, Chambre des Représentants, Chambre des Conseillers. Le tout doit être bouclé avant la date butoir de l’ouverture de la session parlementaire devant avoir lieu le deuxième vendredi d’octobre 2021. C’est dire que le temps presse mais nous n’avons guère le choix si nous tenons à respecter la Constitution et nous inscrire dans le cadre de la normalité. C’est du moins dans cette perspective démocratique que les différents acteurs de la vie politique nationale travaillent sous la houlette du Ministère de l’Intérieur qui a procédé à l’ouverture du cycle des consultations et concertations.
Bien sûr, il ne s’agira pas de la tenue des élections juste pour la forme. Les élections doivent constituer un moment fort dans le processus de consolidation démocratique et de mobilisation populaire, en tenant compte de l’évolution du pays, des modifications de sa carte politique et démographique, des aspirations de sa jeunesse et des principales catégories de la population notamment du mouvement féminin, de ses défis présents et futurs, de son environnement régional et international. Il s’agit, en somme, de définir autant que faire se peut d’une façon consensuelle, une approche politique, démocratique et rénovée qui devrait constituer l’habillage du processus électoral dans son ensemble. Autrement dit, la discussion sur la « technologie électorale » (listes électorales, modes de scrutin, seuil électoral, bureaux de vote, opération votative, jour du scrutin, financement ….) n’aurait de sens que par rapport aux objectifs globaux à atteindre et les priorités de notre pays pour les années à venir en ayant présent à l’esprit deux paramètres de taille : l’essoufflement du modèle de développement en cours et la mise en œuvre probable d’un nouveau modèle de développement d’une part et les impératifs du Maroc post-Covid d’autre part.
L’on sait, en effet, que dans le cadre des concertations en cours avec les partis politiques, le Ministre de l’Intérieur a sollicité ces derniers à lui soumettre leurs propositions, à charge pour le Ministère de l’Intérieur, d’élaborer une synthèse des différents memoranda pour dégager des points communs et des points de divergence.
Les élections, d’abord une question politique
On ne le dira jamais assez. Les élections c’est d’abord une question politique. Qu’il s’agisse du rôle des élites régionales et nationales, de la place de la femme dans les instances démocratiques, de la participation de la jeunesse, des Marocains Résidents à l’Etranger, de la qualité des débats au sein du parlement, de l’égalité des chances des différents protagonistes, du sens du pluralisme, de la probité de l’opération électorale et de la crédibilité des institutions… la réponse ne peut être que politique. La mise en œuvre, par contre, est l’affaire des spécialistes. C’est dans ce sens que le mémorandum présenté par les trois partis de l’opposition, à savoir le PI, le PAM et le PPS, revêt toute sa pertinence même s’il reste perfectible sur plus d’un aspect en matière de propositions, disons à caractère technique. Par exemple, quand ledit mémorandum préconise la création d’une « commission nationale des élections », il ne s’agit nullement de réduire le rôle du Ministère de l’Intérieur en la matière comme le présente une certaine lecture simpliste. Au contraire, le rôle du Ministère de l’Intérieur demeurera prépondérant comme c’est le cas dans tous les pays démocratiques. Il gagnera, avec la commission, en efficacité et donnera ainsi plus de crédibilité aux élections.
Il en est de même des propositions relatives au mode de scrutin et de l’unification du seuil électoral entre les différentes consultations à 3% des voix. Celles-ci découlent des questions politiques analysées auparavant. Sachant, il va sans dire, qu’il n’y a pas de mode de scrutin idéal et valable en toutes circonstances. Le pays a intérêt, eu égard à la phase historique qu’il traverse, à faire un panachage créatif entre le scrutin uninominal et la proportionnelle intégrale. Le mode de scrutin proposé a un double avantage : il est inclusif tout en évitant la balkanisation du champ politique d’une part et renforce la décentralisation et la déconcentration en faisant de la Région un lieu de compétition politique, d’émergence des élites et d’éclosion d’un Etat territorial d’autre part.
Une question de probité du processus
Dans le même ordre d’idées, un certain nombre de propositions se justifient par le souci de rationalisation y compris des dépenses budgétaires affectées aux élections, du temps consacré aux campagnes électorales et du calendrier des différentes opérations votatives. Tout le monde sait que la démocratie a un coût financier que la communauté, le contribuable, doit consentir. Mais, on pourrait atteindre un meilleur résultat en termes de transparence, sans aggraver le niveau des dépenses, rien qu’en privilégiant l’efficacité et la rationalisation.
Reste la garantie de la probité du processus dans son ensemble. Celle-ci dépend de de tous les acteurs en présence. L’administration a sa responsabilité, en ce sens qu’elle ne doit pas se contenter d’observer une certaine neutralité « négative » comme elle le faisait par le passé. Les partis politiques ont le devoir d’être plus regardants sur les accréditations et le choix des candidates et candidats. La société civile pourrait jouer son rôle de veille. Les citoyens, et en premier lieu les intellectuels, ne doivent pas rester de simples spectateurs, ou dans le meilleur des cas déverser leur flot de critiques ex-post faisant ainsi le jeu des ennemis de la démocratie. Chacun de nous, quelle que soit sa position sociale dispose d’un pouvoir égal. Ne laissons pas aux autres la possibilité de l’exercer à notre place. C’est à nous tous et nous toutes de participer au jeu….démocratique. Nul besoin d’une loi contraignante.
(Publié le 28 juillet 2020)