Un (autre) mercenaire dans la salle – Par Seddik Maaninou

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Le roi Hassan II du Maroc (1929 – 1999) et le président algérien Chadli Benjedid (1929 – 2012) lors d’une de leurs rencontres à la frontière maroco-algérien en 1987. On reconnait également sur la photo le roi Mohammed VI alors Prince héritier, partiellement derrière son père, et le Prince Moulay Rachid, derrière M. Benjedid.  

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Parmi les vidéos mémorables qui resteront gravées dans les esprits, celle documentée par la délégation marocaine lors de la réunion Afrique-Japon. On y voit une personne portant une mallette noire entrer dans la salle de réunion sans porter de badge de participant... Il s'assoit sur une chaise vide préparée par les services de renseignement algériens, ouvre discrètement sa mallette et en sort une pancarte sur laquelle est écrit "république Sahraouie" et la place sur la table. C'est la première fois dans l'histoire des conférences internationales que cela se produit, illustrant ainsi l'effondrement de la thèse algérienne.

Cette personne est entrée au Japon avec un passeport algérien, et est arrivée à la salle de conférence dans une voiture officielle algérienne, s'infiltrant dans la salle comme un voleur en pleine nuit, guidée par les renseignements militaires.

Une Bande de Contrebandiers

C'est la décadence dans toute sa splendeur, un signe d'échec pour un projet séparatiste pour lequel l'Algérie a dépensé des milliards de dollars, considérant cette question comme la première priorité dans ses actions diplomatiques. Ainsi, ce mercenaire s'est infiltré avec ce qu'il restait de la "république", une entité que le ministre des Affaires étrangères du Japon a qualifiée de "d’entités" que son pays ne reconnaissait pas. Ainsi, les mercenaires ont été pris en flagrant délit de tentative de faire passer leur "république" à la manière des trafiquants de drogue...

Relations Diplomatiques

Je me souviens qu'en 1988, un sommet arabe a eu lieu à Alger, à la suite de la première intifada palestinienne, convoqué par le président Chadli Bendjedid. Quelques semaines avant, une délégation algérienne de haut niveau est arrivée à Rabat pour inviter Hassan II. Le roi a répondu aux Algériens : "Comment imaginez-vous ma présence en Algérie sans avoir d'ambassadeur là-bas ?" Quelques jours plus tard, l'Algérie a nommé Abdelhamid Mehri ambassadeur au Maroc, et le roi a nommé en retour son médecin personnel, Abdelatif Berbich, ambassadeur à Alger.

Le Bateau Royal

Le roi s'est rendu en Algérie à bord du navire le "Marrakech", et je me souviens encore du jour de son arrivée au port d'Alger, où tous les navires ont fait retentir leurs sirènes à l’honneur du bateau royal... Dans les rues d'Alger, les Algériens ont crié "Vive le Sultan, vive le Roi...".

Un Mercenaire dans la Salle

A la veille de la clôture du Sommet, le président algérien a organisé à l’hôtel Aurassi d’Alger une réception en l’honneur de ses pairs arabes et des participants à la rencontre en présence des principales personnalités algériennes, civiles et militaires, ainsi que -des ambassadeurs accrédités en Algérie. Dès le début de la réception, le roi a été informé que le dit ambassadeur de Tindouf à Alger était présent dans la salle. Qui le premier a informé le Souverain ? Plusieurs versions courent, mais la plus probable est que ce sont les services marocains.

Toujours est-il que le roi s'est indigné de cette manœuvre, la considérant comme une provocation délibérée. Sans entrer dans la salle de réception, il a rejoint dans un premier temps une suite qui lui était réservée sur place avant de prendre sa décision de retourner au bateau, donnant ses instructions à son équipage de se préparer à lever l’encre. Dans la salle de réception l'atmosphère était devenue tendue, et le président des Émirats, Cheikh Zayed, suivi du rpi Houssein de Jordanie se sont approché du président Bendjedid, pour lui signifier qu’il allait quitter Alger en même temps que le roi du Maroc. 

Dos au mur, le général algérien Lakhal, alors chef de la sécurité militaire a évacué le dit ambassadeur, les Algériens expliquant que cette présence s’est faite à leur insu alors que tout indiquait qu’ils voulaient tester les limites de tolérance du roi. Une autre version imputait cet incident à un clan du pouvoir algérien qui ne voyait pas d’un bon œil le rapprochement maroco-algérien qui se dessinait ainsi à l’époque et qui allait donner lieu à la rencontre des chefs d’Etat maghrébins à Zéralda en Algérie er déboucher sur la fondation de l’Union du Maghreb Arabe au sommet maghrébin de Marrakech le 17 février 1989. Une union malheureusement éphémère, la naturel algérien chassé le temps d’une manœuvre politique ne manquant pas de revenir au galop.

Mais cette nuit-là à Alger, tout a l’air du « bien qui finit bien » : le soir même, le président algérien, accompagné de Mohamed Cherif Messaadia, alors numéro deux du FLN encore tout puissant, s’est rendu sur Le Marrakech pour s’entretenir avec le roi, l’assurant de ses bonnes intentions, expliquant une fois de plus que la personne s'était infiltrée dans la salle, et que les services de renseignement algériens n'en avaient pas pris tout de suite conscience.

Porte-parole des Arabes

Hassan II a considéré la visite du président et les explications fournies comme suffisantes pour apaiser la situation, et a informé Bendjedid qu'il assisterait à la séance de clôture. Les rois et présidents des États arabes ont convenu que Hassan II parlerait en leur nom à la fin de la séance de clôture.

Bien d’autres histoires

Il existe dans mes mémoires plusieurs histoires similaires de tentatives algériennes d'impliquer un mercenaire dans une réunion ou une rencontre, en particulier lors des sommets. Mais ce qui s'est passé à Tokyo, avec l'infiltration d’une "république" dans une valise, est le summum du délitement. Une marchandise invendue réduite à être introduite clandestinement à travers les frontières et dans les salles de réunion. À l'avenir, les douaniers devront fouiller les bagages des délégations algériennes non seulement pour tout genre des produits illicites, mais aussi pour le risque de dissimuler les restes d'une maquette de république.