Pourquoi la triste affaire de Rayane a eu un tel impact dans le monde, notamment dans le monde arabe ? Un enfant de 5 ans, souffrant le martyre, prisonnier des ténèbres d’un puits est un fait en soi d’une violence inouïe mais il n’est, malheureusement, pas unique dans le monde.

Qu’est-ce qui a fait qu’il ait pris cette ampleur au point que le Pape lui-même, patriarche catholique, en parle avec émotion et émoi ? Les évènements valent peut-être par la conjoncture qui les accompagne. Par le momentum précis qui les surdétermine. Ou par le “timing” précis qui les marque. Vous l’aurez compris, ces pléonasmes ou ces redondances veulent simplement dire que c’est une affaire de temps.

L’affaire Rayane a traversé le monde arabe pas à n’importe quel moment. La situation de ce conglomérat ethnico-géo-stratégique disparate n’est, actuellement, pas très glorieuse. Elle a servi de révélateur à un peuple arabe — pour faire lapidaire — qui vit des convulsions historiques graves et des crises multiples et multiformes qui touchent à son identité même.

Rayane, malgré la morbidité du fait, exprime un désir collectif de respect, de soin ou de considération. Une aspiration générale à un État protecteur qui fait des miracles pour la vie de ses citoyens, qui les respecte et qui fait tout pour les sauver.

On ne peut pas penser Rayane, sans cette volonté de vouloir dépasser absolument, dans le monde arabe, un présent obscur, un avenir atrophié et un horizon obstrué. C’est cette dimension qui pourrait permettre de comprendre les émotions générées et les saisissements qui ont envahi les corps et les esprits. 

Le monde arabe aujourd’hui c’est quoi ? Un Yémen disloqué sacrifié pour des ambitions régionales chiites démesurées. Une Syrie dans une guerre interminable où seul le peuple paie un prix sanglant. Un Liban, comme une espèce rare et raffinée, en voie de disparition. Un Irak convalescent après avoir subi un dépeçage en règle, méthodique et illégal. Une Libye funambule marchant sur un abîme de violence entretenue par des puissances impériales cyniques et des mercenaires de tout poil. Une Tunisie qui se perd sans retenue dans sa recherche frénétique d’une démocratie fantasmée. Une Algérie, un pays riche et digne, appauvri par des généraux psychopathes, voraces et sans pitié pour leur nation.

Rayane a, peut-être, réveillé tout cela ! Il a été, à son corps défendant, dans une nation perdue dans son indigence infinie, le vecteur d’un désir de respect de l’être humain, d’attention, de dignité, de paix, de démocratie, de liberté, de responsabilité et de vie. Rayane a donné sa vie pour que ces idéaux consubstantiels à la vie ne soient pas occultés par la fureur du monde.

*Edito Bab n°42