Culture
Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika : ''AFTERSHOCK'' UNE FORCE ÉMOTIONNELLE BOULEVERSANTE
Tremblement de terre à Tangshan“ de Xiaogang Teng, l’histoire du film, basée sur des faits réels ayant pour fond le terrible tremblement de terre de 1976 à Tangshan, peut être résumée comme suit : Dans le chaos laissé par le terrible tremblement de terre, et dans l’impossibilité de sauver ses deux jumeaux, une jeune femme doit décider entre laisser vivre son fils ou sa fille
« Cela représente une récompense pour mon travail. Être accepté dans cette famille d’Hollywood, je vois ça comme une reconnaissance de mon travail ». Xiaogang Feng (Déclaration après la pose de ses empreintes sur le ciment du TCL Chinese Theatre à Hollywood, novembre 2013).
Avec 15 millions de spectateurs à sa sortie en 2010, dans plus de 4000 des salles de cinéma du pays, “Tremblement de terre à Tangshan“, du réalisateur Xiaogang Teng, aura battu tous les records du box-office chinois et son réalisateur confortablement confirmé dans sa position de premier réalisateur à grands succès “le mieux payé dans le monde“. Adopté par le public, les cinéphiles et les critiques comme le film de l’année, il a également récolté trois prix Asian Films Awards, ceux de meilleur réalisateur, meilleure actrice pour Xu Fan et meilleurs effets spéciaux, se contentant d’une nomination, non aboutie, à l’Oscar du meilleur film étranger, l'académie américaine lui ayant préféré “The King’s Speech“ de Tom Hooper.
L’histoire du film, basée sur des faits réels ayant pour fond le terrible tremblement de terre de 1976 à Tangshan, peut être résumée comme suit : Dans le chaos laissé par le terrible tremblement de terre, et dans l’impossibilité de sauver ses deux jumeaux, une jeune femme doit décider entre laisser vivre son fils ou sa fille. Un choix difficile et cruel pour une mère, semblable à celui de Sophie dans le film de Alan J. Pakula. Ayant choisi de sauver le fils, elle va être rongée par la culpabilité, ne sachant pas que sa fille, qui a tout entendu alors qu’elle est sous les décombres, a miraculeusement survécu et lui en veut au point de refuser d’aller la voir. Il en résulte beaucoup de souffrances psychologiques des deux côtés. Le souvenir douloureux du choix de sa mère pousse la fille au mutisme, refusant de révéler qui elle est. Adoptée par un couple de l’armée populaire, elle s'installera plus tard au Canada. Trente ans plus tard, la mère et les jumeaux vivent traumatisés et accablés de culpabilité sans se douter qu'ils ont survécu chacun de leur côté. Vont-ils se rencontrer à nouveau ?...
UNE FORCE ÉMOTIONNELLE BOULEVERSANTE
L’histoire paraît déjà bien dramatique, sauf que son traitement et l’esthétique de sa mise en images accentuent encore plus son côté tragique, d’une manière profondément humaine et loin de toute facilité mélodramatique en exploitant, dès le départ, le rendu sombre et horrible du tremblement de terre, avec ses conséquences inhumaines éprouvantes, la mort des proches et la désolante destruction qui en résulte. Le traitement déploie d’une manière bien agencée et convaincante toute la panoplie des sentiments en rapport avec la thématique, à savoir les fondements de la famille, l’amour, la fidélité, la culpabilité, les souffrances psychologiques puis le pardon ; le tout orchestré dans une construction dramatique forte, dégageant une force émotionnelle bouleversante.
Ce film suscite une émotion pressante qui secoue fortement tout cœur humain. Et, en le regardant à nouveau, treize ans après, j’ai souri en me rappelant le fait que certaines salles de cinéma distribuaient des mouchoirs aux spectateurs en prévision des larmes qui vont couler à flot ! Cela peut paraître ridicule, mais il exprime bien la rare force émotive que dégage effectivement ce film.
UNE DOULEUR ET UNE TRISTESSE CATHARTIQUES
Avant de voir ce film, l’idée du docu-fiction sur le tremblement de terre en question effleure notre esprit. Mais, une fois plongé dans son univers, on est pris à la gorge par la profonde douleur et tristesse humaines qu’il dégage, la véracité des faits rendant cette douleur et cette tristesse bien cathartiques. La construction dramatique du film rend ses personnages attachants et le jeu juste des comédiens, dirigés d’une main de maître, contribue à retenir l’attention du spectateur et établir un lien profond avec lui. L’ambiance est rendue d’une manière si sensible et si humaine, d’autant plus que tout est subtilement et intelligemment mis en place et exécuté à la perfection : la gestuelle, les expressions des visages, les regards et les tons des dialogues.
Et pour compléter ce sublime tableau, les décors et les accessoires sont conçus et aménagés d’une manière bien sophistiquée, un exemple en la matière, exprimant fortement les effets dévastateurs et inhumains du tremblement de terre, tant sur le plan physique que moral et psychologique. L’effet de cette décoration réussie est bien accentué et mis en valeur par un excellent travail au niveau de l’image, la lumière et les effets spéciaux. Cela crédibilise fortement le déroulé de l’histoire dans l’esprit du spectateur qui en accepte la réalité en l’intériorisant, comme s’il l’avait lui-même vécue.
La réussite thématique, technique et esthétique de ce film est subtilement enrichie par l’exploitation du prodigieux essor économique et technologique de la chine, bien apparent dans la trame de fond de l’histoire. C’est autant une chronique historique et sociale qu’économico-technologique.
Enfin, outre le fait que le choix de consacrer cette chronique à ce film est dicté par notre vécu actuel en rapport avec le terrible séisme du 08 septembre 2023, il garde tous les atouts d’une oeuvre cinématographique originale à voir et revoir. D’abord parce qu'elle respecte tous les règles de l’art cinématographique, et aussi pour la force de son traitement basé sur ce choix inhumain d’une mère, que de terribles conditions acculent à choisir entre son garçon et sa fille.
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE XIAOGANG FENG (LM)
« Perdu mon amour pour toujours » (1994) ; « The Dream Factory » (1997) ; « Se disperser invisiblement » (1998) ; « Sans fin » (1999) ; « Un cri de soupir » (2000) ; « Funérailles de star » (2001) ; « Téléphone mobile » (2003) ; « A World Without Thieves » (2004) ; « La légende du scorpion noir » (2006) ; « Héros de guerre » (2007) ; « Tremblement de terre à Tangshan » (2010) ; « Back to 1942 » (2012) ; « I Am Not Madame Bovary » (2016) ; « Youfh » (2017) ; « Seul le nuage le sait » (2019).