Cinéma, mon amour de Driss Chouika : ''JE SUIS TOUJOURS LÀ'', UN SYMBOLE DE LA RÉSISTANCE A LA DICTATURE

5437685854_d630fceaff_b-

Cinéma, mon amour de Driss Chouika : « JE SUIS TOUJOURS LÀ », UN SYMBOLE DE LA RÉSISTANCE A LA DICTATURE

1
Partager :

« Quand nous avons débuté le projet, en 2016, nous pensions que c'était une opportunité de tourner notre regard vers le passé pour comprendre d'où nous venons. Mais au vu de la montée de l'extrême droite au Brésil, à partir de 2017, nous nous sommes rendu compte que ce film servirait aussi à comprendre le présent. Aujourd'hui, il y a un projet politique basé sur l'effacement de la mémoire (de la dictature). Face à cela, les formes d'expression artistique ont d'autant plus d'importance ».

Walter Salles.

Adapté du livre homonyme de Marcelo Rubens Paiva qui revient sur la disparition en 1971 de son père Rubens Paiva, prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2024, Golden Globe 2025 de la meilleure actrice dans un film dramatique pour Fernanda Montenegro, Prix du Public et prix du Jury Etudiant au Festival International du Film d'Histoire de Pessac 2024, “Je suis toujours là“ de Walter Salles est  le premier film brésilien à avoir décroché l’Oscar du Meilleur Film International lors de la cérémonie de 2025.

Le film raconte l’histoire de la famille des Paiva, Rubens, son épouse Eunice et leurs cinq enfants, dont la grande maison au bord de la plage de Rio de Janeiro est bien agréable à vivre, animée de rencontres, de jeux et de partage. Mais un jour de 1971, lors de la dictature militaire, cinq militaires viennent chambouler cette paisible vie en arrêtant le père de famille qui disparaît sans jamais redonner signe de vie. Commence alors un calvaire innommable d’Eunice et ses cinq enfants qui vont mener une haute lutte à la recherche de la réalité de cette disparition. 

SYMBOLE DE LA RÉSISTANCE À LA DICTATURE

"Je suis toujours là", de Walter Salles, une œuvre touchante, l’histoire d’une sorte de "mère courage“ (cela me rappelle fortement “La mère“ de Gorki) va vite devenir un symbole de la résistance à la dictature. Salles, déjà connu pour sa capacité à explorer les complexités de l'âme humaine, nous plonge dans une histoire qui résonne avec les luttes contemporaines contre l’injustice, marquées par la quête de la vérité et la justice. Dans ce film, le réalisateur parvient à fusionner un récit familial avec des enjeux sociopolitiques plus larges, tout en maintenant un regard empathique sur ses personnages.

La force du film réside justement dans sa narration qui imbrique subtilement le récit familial dans l’histoire de tout un pays, une histoire ancrée dans la sanglante dictature militaire imposée au début des années 70 au Brésil. Ce retour en arrière, qui n'est d'ailleurs pas gratuit, s’inscrit parfaitement dans ce qui s'est passé ces dernières années dans le pays. Il décortique un système autoritaire avec toutes ses pratiques et actions inhumaines, à l’instar de plusieurs autes films latino-américains dans le passé, surtout argentins et chiliens. Tout en composant le portrait d'une famille paisible, heureuse et privilégiée, soudainement privée du père, il dresse un tableau bien sombre d’une dictature sans merci qui transforme la vie de toute une société en un calvaire invivable. Le pilier de la famille disparaît et manque et tout est à revoir et réinventer : les relations de la sphère familiale, le problème financier, la mémoire du disparu, son entourage…

Le pilier de l’histoire demeure Eunice, la “mère courage“, un personnage extraordinaire. C’est une très belle composition qu’a réussi la comédienne, rendant d’une manière bien convaincante le courage, le calme et l’obstination du personnage, bien doublement interprété, jeune par Fernanda Torres puis agée par  Fernanda Montenegro, toutes deux jouant avec une telle flamme qu'il est difficile de ne pas adhérer à leur incroyable force de caractère.

D’une manière générale, le film s’impose, avec une bien grande sérénité, dans un traitement parfaitement adapté au thème. Le récit est bien construit, la mise en scène parfaitement maîtrisée, surtout dans la manière subtile et intelligente de mettre en valeur la substance émotionnelle et humaine de l’histoire. La bande originale, bien riche de la meilleure floraison musicale de l'époque, ainsi que la photographie, bien alerte et vive, contribuent à parfaire le tableau et rendre ce film une œuvre qui respecte hautement les règles du 7ème art. Une œuvre qui a le mérite de dénoncer avec force l’une des plus féroces dictatures militaires qu’a connu l’Histoire de l’Humanité.

Et, au-delà de la dénonciation de la dictature, il faut relever que le film a soulevé la question du retour d’une certaine dictature sous de nouvelles formes, plus saugrenues. Ce qu’illustrent les propos du réalisateur qui a rapporté que : « Dans les festivals internationaux, nous avons vu des réactions similaires, car nous ne sommes pas le seul pays où l'on perçoit la fragilité de la démocratie, ou qui a vécu le traumatisme de l'extrême droite. Sean Penn a vu le film le jour de l'élection de Donald Trump, et en le présentant à Los Angeles, il a cité le sourire d'Eunice comme un exemple de résistance pour ce qui est à venir aux États-Unis ». 

FILMOGRAPHIE DE WALTER SALLES (LM)

« A Grande Arte » (1991) ; « Central do Brasil » (1995) ; « Carnets de voyage » (2003) ; « Dark Water » (2004) ; « Sur la route » (2012) ; « Je suis toujours là » (2024).

lire aussi