''Meursault, la contre-enquête'', de Kamel Daoud - Par Samir Belahsen

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Kamel Daoud nous rappelle que souvent, l’histoire, les romanciers, les journalistes sans parler des politiciens omettent de nommer les victimes…

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“Le présent, ce point invisible, ce néant qui avance lentement vers la mort.”

Milan Kundera / Le livre du rire et de l’oubli

“Plus le déni dure, plus la situation sera désastreuse.”

Mel Brooks / Le Figaro

L’académie Goncourt vient de confirmer la rumeur parisienne persistante qui faisait de Kamal Daoud lauréat du prix 2024 pour son roman politique « Houris ».

C’est un retour sur la décennie noire, une critique de l’islam radical. La narratrice, une jeune femme, raconte à sa future petite fille le massacre de sa famille.(Je reviendrais sur cette œuvre dans la prochaine chronique.)

Dans son premier roman « Meursault, contre-enquête », Kamal Daoud revisite l'univers de « L'Étranger » d'Albert Camus en offrant une voix au personnage de l’« Arabe » tué par Meursault : Moussa.

Kamel Daoud nous rappelle que souvent, l’histoire, les romanciers, les journalistes sans parler des politiciens omettent de nommer les victimes…

L'œuvre interroge et éclaire les thèmes de la décolonisation et de l'injustice, tout en reflétant la complexité de l'identité algérienne contemporaine et la complexité de cette relation entre « l’Arabe » Algérien et le français…

Daoud réussit à créer un dialogue, par Meursault interposé, avec Camus, transformant ainsi un classique en une critique poignante des absences et omissions historiques et culturelles. 

L'œuvre de Kamel Daoud « Meursault, contre-enquête » est une réécriture postcoloniale audacieuse de L'Étranger d'Albert Camus qui se concentre sur le personnage oublié de l'« Arabe » tué par Meursault. 

Une perspective « Arabe » sur l’affaire

L'œuvre aborde les thèmes de la décolonisation et de l'injustice, tout en reflétant la complexité de l'identité algérienne contemporaine. 

Kamel Daoud est un écrivain et journaliste algérien d'expression française. Pour ce roman il a été lauréat du prix Goncourt du premier roman en 2015. 

Né le 17 juin 1970 à Mostaganem, il a grandi dans une famille de tradition musulmane. Après des études de lettres françaises à l'université d'Oran, Daoud occupe le poste de chroniqueur au Quotidien d'Oran. 

Les paysages et l'histoire de l’Algérie et de Mostaganem, en particulier, imprègnent son écriture, nourrissant sa sensibilité aux questions de mémoire et d'identité. Son œuvre est marquée, comme pour beaucoup d’écrivains algériens d’expression française, par une réflexion constante sur l'histoire, l’identité et la culture de l'Algérie.

La contre-enquête

C’est une revisite de l'univers de L'Étranger d'Albert Camus qui offre une voix au personnage de l'« Arabe » tué par Meursault. Le récit est narré par Haroun, le frère de Moussa, qui cherche à redonner une identité, une parole et une dignité à la victime oubliée. L'œuvre interroge la complexité de l'identité algérienne contemporaine. Daoud y réussit à créer un dialogue avec Camus.

Le roman donne une voix à cette victime oubliée en explorant les conséquences du meurtre à travers les yeux de la famille de la victime, Moussa, et de la société Algérienne. 

Daoud en profite pour interroger les thèmes de la justice, de l'identité et de la mémoire collective, offrant une réflexion profonde sur la condition humaine et l'héritage colonial en Algérie. Daoud nous offre une écriture puissante et une narration captivante pour dénoncer les injustices et remettre en question les normes et les institutions qui perpétuent ces injustices. 

En questionnant la perception de son peuple par les colonisateurs, Daoud met en lumière les conséquences sociales et morales de la colonisation. Il interroge même la notion de justice, en exposant la manière dont la victime est effacée de l'histoire et comment la quête de vérité est intimement liée à la reconnaissance de l'identité. 

L'œuvre invite à une réflexion profonde sur la condition humaine et les luttes post-coloniales qui continuent à marquer profondément la société algérienne.

Décolonisation et mémoire

La décolonisation et la mémoire occupent une place centrale dans « Meursault, contre-enquête ».

Kamel Daoud décrit les séquelles profondes laissées par la colonisation, principalement la perte de repères identitaires et la déconstruction des récits historiques. 

Il questionne la manière dont la mémoire collective est construite et déconstruite. Pour lui, la quête de la vérité historique est essentielle pour la décolonisation mentale et culturelle. 

L'œuvre de Daoud est une réflexion sur les enjeux post-coloniaux et sur la construction d'une nouvelle identité nationale en Algérie. Plus de dix ans après le roman, le récit national est toujours problématique. La politique et les politiciens s’en mêlent…

En réécrivant l'histoire de L'Étranger d'Albert Camus et en offrant une version alternative centrée sur la figure de l'« Arabe » , Daoud suggère et réclame une réécriture de l’Histoire. 

En mettant en lumière, avec audace, les absences et les silences de l'œuvre de Camus, il suggère les absences, les omissions et des silences de l’Histoire.

L’invisibilisation : le déni

Le fait de ne pas nommer la victime dans « L'Étranger » d'Albert Camus, tout comme dans d'autres contextes, peut être interprété comme une forme de déni. 

Dans « L'Étranger » de Camus, l’« Arabe » est réduit à un simple détail de l’histoire, illustrant l'indifférence et la déshumanisation qui découlent des dynamiques coloniales et raciales. Redonner une voix à la victime, aux victimes, est un acte fondamental pour redonner dignité et humanité à des personnes souvent invisibilisées. 

Le silence sur la victime reflète une société, un monde, qui choisit de ne pas affronter ses propres injustices.

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