Missing… Neruda & Pinochet, pour ne pas oublier – Par Samir Belahsen

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Pablo Neruda - Il chantait la liberté, la justice et la fraternité d'une humanité en harmonie avec la nature. Son recueil « Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée », est l’un des recueils de poèmes les plus connus du XXe siècle.

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Le visiteur … Par Samir Belahsen

Contexte : 

Il y a 50 ans, le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet renversât par un coup d’État le gouvernement du président Salvador Allende, démocratiquement élu.

Pinochet avait établi un régime militaire autoritaire basé sur la torture institutionnalisée (38 000 torturés), les assassinats (3200), les disparitions et les privatisations inspirées par le fameux Milton Friedman… de l’école de Chicago.

Le contexte international était marqué par la guerre froide, en interne la polarisation politique était extrême.

La politique chilienne du gouvernement de gauche de l'Unidad Popular était marquée par le rapprochement avec Cuba et l'URSS ce qui avait le don de provoquer l’hostilité déclarée des États-Unis à Salvador Allende. Ils se sont ralliés à l'opposition pour miner l'autorité présidentielle et générer le chaos économique. Il faut rappeler que les divisions de la gauche n’avaient rien arrangé…

Dans les rues, les milices d'extrême-droite frappaient le pavé avec celles d'extrême-gauche… 

Missing

Missing (disparu) est le thriller politique biographique réalisé par Costa-Gavras, sorti en 1982, adapté du roman homonyme de Thomas Hauser inspiré de l'histoire vraie du journaliste américain, Charles Horman disparu lors du coup d'État du 11 septembre 1973, mené par la junte.

Au festival de Cannes 1982, le film a été récompensé par la Palme d'or et le Prix d'interprétation masculine, largement mérité, pour Jack Lemmon. J’ai aussi particulièrement aimé la musique du film composée par Vangelis…

Neruda

Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto (1904 - 1973) est, peut-être, le plus célèbre poète d'Amérique latine. Sa poésie est à la fois lyrique, sensuelle, profonde et franchement engagée surtout après l’assassinat de son ami Federico Garcia Lorca. Ce fut un tournant pour Neruda et sa poésie. Il devient de plus en plus engagé en faveur de la liberté et des droits de l’homme. Il a excellé dans plusieurs styles, des poèmes surréalistes, des épopées historiques, des poèmes érotiques, des manifestes ouvertement politiques, une autobiographie en prose et des poèmes d'amour éternels…

Il chantait la liberté, la justice et la fraternité d'une humanité en harmonie avec la nature. Son recueil « Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée », est l’un des recueils de poèmes les plus connus du XXe siècle.

Cet immense poète était aussi un homme politique. Il n’avait pas hésité à aider activement les Républicains espagnols. Il publiait à Paris la revue « Les poètes du monde défendent le peuple espagnol ». C’est ce qui avait causé sa destitution comme consul et son retour au Chili. 

Le 11 septembre 1973 quand le gouvernement d’Allende est renversé, Neruda est gravement malade, il est hospitalisé dans une clinique de Santiago où il meurt le 23 septembre. Cette mort ne serait pas tout à fait naturelle.

On soupçonne un médecin de lui avoir injecté une substance inconnue dans le but de l'assassiner sur l'ordre de Pinochet... 

Pinochet avait refusé l'autorisation de faire de l'enterrement de Neruda un événement public, des milliers de Chiliens en deuil ont désobéi au couvre-feu et ont envahi les rues pour le saluer une dernière fois.

Encore très aimé du peuple chilien aujourd’hui, on peut visiter ses deux maisons à Santiago et à Valparaiso pour approcher l’âme du poète en lisant :

ODE DE LA MER

Dans ce poème, la mer n'est pas seulement une étendue d'eau, mais une entité vivante et respirante, pleine d'énergie et de mystère. Elle est personnifiée et décrite comme ayant des émotions et des désirs. Elle dit oui, elle dit non et ne peut rester tranquille. On comprend dès lors pourquoi la mer dualité : calme et fureur, beauté et terreur, générosité et destruction. Voici ce que Pablo Neruda en chante :

« Ici dans l'île

la mer

et quelle étendue!

sort hors de soi

à chaque instant,

en disant oui, en disant non,

non et non et non,

en disant oui, en bleu,

en écume, en galop,

en disant non, et non.

Elle ne peut rester tranquille,

je me nomme la mer, répète-t-elle

en frappant une pierre

sans arriver à la convaincre,

alors

avec sept langues vertes

de sept chiens verts,

de sept tigres verts,

de sept mers vertes,

elle la parcourt, l'embrasse,

l'humidifie

et elle se frappe la poitrine

en répétant son nom…. »

Des vers qui font comprendre pourquoi Gabriel García Márquez le considérait comme "le plus grand poète du 20ème siècle". Et pourquoi Neruda comme Gavras sont promis à l’éternité tandis que Pinochet est dans la poubelle de l’histoire. 

C’est ça aussi la magie éternelle de la littérature …

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