Nana et l’ironie de l’éphémère - Par Samir Belahsen

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Les campagnes de "body positivity" qui prônent l'acceptation et la célébration de tous les types de corps, qu'ils correspondent ou non aux normes de beauté. Cela peut être considéré comme un progrès vers une société plus inclusive.

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“Notre mémoire doit être pétrie d'éternité car nous avons tous la certitude que le mal est éphémère.”

Francis Bossus / Beautrico

“La politique c’est éphémère mais une équation est éternelle.”

Albert Einstein  

Dans mon refuge littéraire, je revisite un classique. Si Zola m’a toujours passionné, je dois avouer que par manque de courage (ou par lâcheté), j’évite le « J’accuse », je m’y attaquerais quand je réunirais la rage et le courage nécessaires.

"Nana", c’est un roman de Zola qui raconte l'histoire d'une jeune femme séduisante et ambitieuse qui quitte sa vie difficile pour conquérir Paris et devenir une courtisane célèbre. Nana était autant intéressée par le pouvoir pour son usage personnel que pour les plaisirs…

Elle séduisait les hommes les plus puissants de la société en créant des rivalités et semant le chaos autour d'elle. Elle enchainait les relations, captivant les cœurs des hommes riches et influents. 

Fatalement, ces relations sont marquées par la trahison, la jalousie et la ruine, ce qui conduit à des conséquences tragiques pour tous les personnages. Elle semait la déchéance généralisée, elle finit par y sombrer, dépendante des plaisirs et en quête constante de reconnaissance. 

À travers l'histoire de Nana, Zola critique la société décadente sous le Second Empire, où toutes les valeurs morales étaient corrompues. 

Zola met en lumière les conséquences désastreuses de l'obsession pour la beauté et les plaisirs éphémères. Il y dépeint les travers humains et leurs conséquences dans une société qui privilégie l'apparence et la satisfaction immédiate.

L'ironie réside dans le fait que Nana utilise son charme physique pour manipuler les hommes et obtenir le pouvoir, mais elle devient également victime de sa propre beauté. Elle est constamment poursuivie par des hommes qui la désiraient, mais cela ne lui apporte pas le bonheur ou la satisfaction. Au contraire, cela conduit à sa propre destruction.

Zola souligne l'éphémère de la beauté et de l'apparence à travers d'autres personnages du roman. Certains d'entre eux, comme l'actrice Satin, sont également beaux et séduisants, mais leur beauté ne dure pas et ils sont rapidement remplacés par de nouvelles « faces ».

L'ironie de l'apparence et de l'éphémère dans Nana met en lumière les conséquences négatives de l'obsession de la société pour la beauté et souligne la fragilité de la superficialité.

La société actuelle montre, parait-il, une plus grande tolérance envers la diversité des apparences et des standards de beauté. Rappelons-nous les campagnes de "body positivity" qui prônent l'acceptation et la célébration de tous les types de corps, qu'ils correspondent ou non aux normes de beauté. Cela peut être considéré comme un progrès vers une société plus inclusive.

Cependant, il convient de faire la distinction entre tolérance et acceptation de la médiocrité. La valorisation de la diversité ne signifie pas que nous devrions accepter ou promouvoir des comportements ou des attitudes qui sont néfastes, destructrices ou nuisibles. La tolérance ne devrait pas se limiter à l'apparence physique, mais s'étendre également aux idées, aux convictions et aux comportements sociaux.

Certains aspects de notre société auraient adopté une mentalité de "tout accepter", ce qui peut être considéré comme une forme d'extrémisme. L'inacceptable doit rester inacceptable à mon sens. 

Claudette Charbonneau-Tissot disait que : L'inacceptable est à présent le fait que tout finisse avec le temps par s'accepter.” A mon sens, composer avec l’inacceptable est inacceptable…

Qu'est-ce qui est, aujourd'hui, inacceptable ? La sociologie et la psychologie sociale ont démontré qu'il n'est plus aujourd'hui possible de considérer que les sentiments d'injustice sont exclusivement conditionnés par des situations singulières dans lesquelles des intérêts personnels sont lésés. 

La référence à des normes quasi-générales, quasi-universelles de justice permet en outre de cerner, au cœur des sentiments d'injustice, les termes de ce que devrait être, aujourd'hui, un monde juste.

Toute la question est de trouver un équilibre entre respecter les différences et promouvoir des valeurs positives pour une société plus juste et plus inclusive.