Thomas Piketty : le capital privé a progressé plus fortement que la baisse du capital public

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L’économiste français Thomas Piketty, a publié, ce lundi 14 mars dans son blog, une analyse sur la progression des dettes publiques et la prospérité des patrimoines détenus par les propriétaires privés. Selon lui, les gouvernements des pays riches sont devenus pauvres.

Pour Piketty, le débat économique actuel est surdéterminé par ces deux réalités. Il affirme que les chiffres concernant la dette publique sont bien connus et ajoute qu’elle atteint ou dépasse un peu partout 100% du revenu national contre 30% dans les années 70. Thomas Piketty indique qu’il s’agit là du plus haut niveau d’endettement public observé depuis la deuxième guerre mondiale avant d’ajouter qu’il est difficile de réduire une dette pareille par des moyens ordinaires.

Dans son analyse, l’économiste rappelle la période des « trente glorieuses » durant laquelle les actifs publics étaient très substantiels et nettement supérieurs aux dettes qui étaient historiquement faibles à la suite de l’inflation, des annulations de dettes et des prélèvements exceptionnels sur le capital privé des années 1945-1955. Le capital public (net de dettes) était largement positif, de l’ordre de 100% du revenu national, ajoute-t-il.

Thomas Piketty poursuit en déclarant que la situation s’est totalement transformée depuis les années 1970. Il explique que le mouvement de privatisation qui débute vers 1980 conduit à une stagnation des actifs publics autour de 100% du revenu national et ce malgré la hausse des prix immobiliers et boursiers. Piketty affirme que les dernières données de 2015-2016 montrent que le capital public net est devenu négatif aux Etats-Unis, au Japon et au Royaume-Uni. « Dans tous ces pays, la mise en vente de l’ensemble des actifs publics ne suffirait pas à rembourser la dette », prédit-il.

Par ailleurs, Piketty précise que cela ne signifie pas que les pays riches sont devenus pauvres, ce sont plutôt leurs gouvernements qui se sont appauvris. Ce qui est très différent, ajoute-t-il.

De leurs cotés, les patrimoines ont progressé dans la mesure où ils représentaient 300% du revenu national dans les 70 et approchent ou dépassent 600% dans les pays riches en 2015. Thomas Piketty explique cette prospérité des patrimoines privés par la hausse de l’immobilier, le vieillissement de la population et la baisse de la croissance ainsi que la privatisation d’actifs publics et l’accroissement de la dette. A cela, l’économiste ajoute les forts rendements obtenus par les plus hauts patrimoines financiers et une évolution du système légal globalement très favorable aux propriétaires privés.  

Pour Piketty, ce qui explique le pessimisme actuel malgré cette prospérité privée, c’est le fait que les rapports de force idéologique et politique ne permettent pas à la puissance publique de faire contribuer les principaux bénéficiaires de la mondialisation à leur juste part.

L’économiste soutient que les forces nationalistes à l’œuvre aujourd’hui pourraient conduire à un retour aux monnaies nationales et à l’inflation. Il pense que cela favoriserait certaines redistributions plus ou moins chaotiques, au prix d’une violente mise en tension de la société et d’une ethnicisation du conflit politique.

« Face à ce risque mortifère auquel mène le statu quo actuel, il n’existe qu’une solution : tracer un chemin démocratique permettant de sortir de l’impasse et d’organiser les nécessaires redistributions dans le cadre de l’Etat de droit », conclut-il.

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