Au-delà de la Russie, l'Otan cible aussi la Chine

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Le président américain Joe Biden (G) s'entretient avec le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg au début d'une table ronde lors d'un sommet de l'OTAN à Madrid, en Espagne, le mercredi 29 juin 2022. (Photo : Susan Walsh / POOL / AFP)

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Par Jérôme RIVET (AFP)

Déjà confrontée à la Russie, l'Otan s'inquiète désormais du "défi" que représente la Chine pour sa "sécurité" future, mais certains de ses membres, dont la France, veulent que l'Alliance reste concentrée sur l'Europe et ne s'aventure pas en Asie-Pacifique.

L'image est forte. Les dirigeants du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande se sont assis mercredi après-midi avec leurs homologues des 30 pays de l'Alliance autour de l'immense table du sommet de l'Otan à Madrid.

C'est la première fois qu'autant d'Etats de la zone Asie-Pacifique étaient invités à un sommet de l'Alliance atlantique, créée en 1949 pour résister à l'Union soviétique en Europe.

La Néo-Zélandaise Jacinda Ardern, le Sud-Coréen Yoon Suk-yeol, le Japonais Fumio Kishida et l'Australien Anthony Albanese se sont félicité que la nouvelle feuille de route de l'Otan, appelée "concept stratégique" mentionne pour la première fois les "défis" représentés par la Chine pour les "valeurs", les "intérêts" et la "sécurité" des pays de l'Alliance atlantique.

"La Chine n'est pas un adversaire", a affirmé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan. "Mais nous devons prendre en compte les conséquences pour notre sécurité quand nous (la) voyons investir lourdement dans de nouveaux équipements militaires".

L'Otan dénonce en outre "le partenariat stratégique approfondi" entre Pékin et Moscou "et leurs tentatives mutuelles de miner l'ordre international basé sur les règles".

Cette position a été prise sous la pression des Etats-Unis, dont la grande priorité stratégique est la Chine, même si la guerre en Ukraine les a contraints à se réengager en Europe.

"Mentalité de Guerre froide" 

Pour cela, Joe Biden cherche à convaincre ses alliés que tenir tête à Moscou et faire face à Pékin sont des objectifs complémentaires, et non opposés.

Une opinion partagée par le nouveau Premier ministre australien Anthony Albanese, pour lequel "l'invasion russe" démontre la nécessité pour "les pays démocratiques" de "défendre ensemble leurs valeurs" alors que la Chine s'affirme comme "un partenaire" de plus en plus indispensable pour la Russie.

Ces mises en cause irritent Pékin. "Ces dernières années, l'Otan a poussé pour élargir son champ d’action. La communauté internationale doit rester vigilante et s'y opposer avec force", a réagi mercredi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Zhao Lijian.

"Promouvoir une mentalité de Guerre froide et inciter à la confrontation entre les blocs est impopulaire et voué à l'échec", a-t-il ajouté.

Sans mettre en cause les risques de déstabilisation en Asie-Pacifique, la présidence française estime que "le rôle de l'Otan est de se concentrer sur la sécurité de l'espace euro-atlantique", qui "est confronté à des défis de sécurité très importants avec la guerre en Ukraine".

L'Elysée affirme que cette analyse fait consensus dans l'Union européenne.

Ces préoccupations sont prises en compte par le "concept stratégique", qui se garde d'envisager une implication de l'Otan dans la zone Asie-Pacifique, alors que les précédentes opérations menées par l'Alliance hors d'Europe - en Afghanistan et en Libye - se sont terminées sur des bilans contrastés et critiqués.

En Indo-Pacifique, les Etats-Unis comptent surtout sur les alliances régionales, comme l'Aukus, conclu en 2021 avec l'Australie et le Royaume-Uni, au grand dam de la France, qui avait perdu un gigantesque contrat de livraison de sous-marins français à Canberra.

Lors d'une rare rencontre avec les dirigeants japonais et sud-coréen, qui participaient pour la première fois à un sommet de l'Otan, Joe Biden a réaffirmé mercredi "l'engagement inébranlable" des Etats-Unis pour la défense de ces deux pays qui entretiennent des relations compliquées.

Pour sa part, Paris propose que les échanges avec les Etats-Unis sur la Chine se tiennent surtout au niveau de l'Union européenne, qui tente de mettre en œuvre "une stratégie dans l'Indopacifique" et a qualifié la Chine de "rival systémique", ce qui avait hérissé Pékin.

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