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Au Sénégal, le candidat antisystème attend de sortir de l'ombre
Un partisan du chef de l'opposition Ousmane Sonko tient une pancarte représentant son portrait lors d'une marche à Dakar le 2 mars 2024 contre la nouvelle loi d'amnistie et pour la tenue d'élections avant le 2 avril 2024. Ce pays d'Afrique de l'Ouest traditionnellement stable a plongé dans ses pires troubles depuis des décennies après le report de dernière minute par Sall de l'élection présidentielle, qui devait avoir lieu le 25 février 2024. (Photo de JOHN WESSELS / AFP)
le a plongé dans ses pires troubles depuis des décennies après le report de dernière minute par Sall de l'élection présidentielle, qui devait avoir lieu le 25 février 2024. (Photo de JOHN WESSELS / AFP)
Il pourrait être le principal bénéficiaire de la loi d'amnistie mais va devoir se dévoiler pour devenir le cinquième président sénégalais ; le candidat Bassirou Diomaye Faye attend sa libération de prison pour sortir de l'ombre du populaire Ousmane Sonko, lui aussi détenu.
Candidat de l'opposition antisystème, en prison depuis presque un an pour "outrage à magistrat" après une publication sur Facebook, le secrétaire général et membre fondateur du parti dissous Pastef, 43 ans, est l'un des favoris de la présidentielle finalement fixé au 24 mars après plusieurs semaines de brouillard lié au rapport surprise du examen par le président Macky Sall.
"Ousmane mooy Diomaye, Diomaye mooy Ousmane", assure le parti et ses supporters en langue wolof. Selon eux, la libération des deux hommes est imminente et leur association les mènera vers la victoire.
"Je confirme que Bassirou Diomaye Faye est un bénéficiaire de la loi d'amnistie" et qu'il devrait sortir dès sa promulgation, dit à l'AFP son avocat Me Moussa Sarr.
La loi votée mercredi concerne tous les délits ou crimes commis depuis 2021 et "se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques".
Si la libération de M. Faye semble probable, le doute est plus grand pour M. Sonko, 49 ans, mis en cause dans différentes affaires.
Il est détenu depuis fin juillet 2023 pour "appel à l'insurrection", condamné à deux ans de prison dans une affaire de mœurs, et rendu inéligible à cause d'une condamnation définitive pour diffamation contre un ministre. Des affaires qu'il a toujours dénoncées comme des complots pour l'éliminer politiquement.
Personnalité incontournable depuis sa troisième place à la présidentielle de 2019, M. Sonko est le leader naturel de sa formation. Son discours panafricaniste, souverainiste et social et ses diatribes contre le pouvoir, la corruption des élites et l'emprise exercée selon lui par l'ex-puissance coloniale française ont fait de lui une figure très populaire auprès des jeunes.
Son bras de fer avec le pouvoir entre 2021 et 2023 a déclenché des émeutes qui ont fait des dizaines de morts et conduit à des centaines d'arrestations.
Charisme et sagacité
Sa candidature à la présidentielle a été invalidée par le Conseil constitutionnel en janvier. Mettant en avant la défense du même projet, il a appelé à voter pour son camarade de lutte Bassirou Diomaye Faye, inspecteur des impôts et domaines comme lui.
"Ils sont deux faces d'une même pièce avec deux styles différents. Le charisme d'Ousmane est inégalable mais le charme et la perspicacité de Diomaye font sensation", affirme Moustapha Sarr, un formateur des militants de l'ex-Pastef.
"Diomaye a les épaules assez larges pour piloter le projet. Il a travaillé sur les dossiers techniques. Il a dirigé les cadres. Il est l'artificier du projet", abonde El Malick Ndiaye, un porte-parole du candidat.
Mais selon des analystes, une sortie de prison de M. Faye pourrait aussi révéler les faiblesses du candidat. "Ses adversaires pourront mettre l'accent sur ses insuffisances par rapport au profil du poste", estime Maurice Soudieck Dione, politologue à l'université de Saint-Louis.
Selon Sidy Diop, directeur adjoint des rédactions du quotidien le Soleil, M. Faye n'a "ni le charisme, ni l'éloquence" de M. Sonko. Et il pourrait pâtir de son image de "candidat de substitution". "Une présidentielle, c'est une rencontre entre un homme et le peuple", assure-t-il.
Pour les deux observateurs, une libération de M. Sonko pourrait en revanche "changer la donne" car il a la capacité de "vider" et "d'électriser" les foules. "Si Ousmane Sonko s'implique dans la campagne, cela peut faire la différence", pense M. Dione.
M. Sonko "mobilise beaucoup, mais l'idée que l'ex-Pastef pourrait gagner l'élection au 1er tour est une chimère que rien ne permet d'étayer", affirme M. Diop, qui rappelle que l'opposition unie dans la coalition Yewwi Askan Wi avait obtenu environ 32% des voix aux législatives de 2022.
Selon lui, la course électorale est très ouverte, même si M. Faye a "de très bonnes chances" d'être au second tour. (AFP)