Ce que promet la visite de Tebboune à Paris - Par Bilal TALIDI

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Emmanuel Macron et son candidat Abdelmadjid Tebboune à un second mandat en Algérie

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L'Élysée a récemment annoncé que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, est attendu pour une visite d'État à Paris, « entre fin septembre et début octobre ». Cette information a été communiquée suite à des consultations téléphoniques avec son homologue français, Emmanuel Macron.

Beaucoup de controverses ont émaillé le report à plusieurs reprises de cette visite, sur fond de désaccord sur des dossiers importants entre les deux parties. Il est important de noter que le timing de cette visite qui reste encore flou, laisse supposer que les deux parties n'ont pas tranché nombre de questions en suspens ou que les préparatifs du déplacement doivent être peaufinés avec plus de précision. Toujours est-il que l'annonce de cette visite obéit à des considérations politiques, en lien avec les élections présidentielles algériennes qui devraient avoir lieu en décembre prochain, si la date du scrutin est maintenue.

Jusqu'ici, rien n'indique une quelconque avancée dans les dossiers souvent qualifiés de « lourds » entre les deux pays. Paris n'a pas changé de position au sujet de la mémoire coloniale, et son attitude ne répond toujours pas aux exigences algériennes. Bien que M. Macron ait mis en place une commission mixte pour aplanir les difficultés et baliser la voie, la position française est restée ferme, estimant ne pas avoir à « demander pardon » à l'Algérie pour la colonisation. Paris n'a pas non plus fait d'avancée notable dans le dossier des visas, pourtant moins onéreux ou concédé des avantages. Même pas un semblant de concession comme ce fut le cas avec les déclarations de l'ancienne ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, lors d'une visite à Rabat où elle avait annoncé la fin de la crise des visas. Idem sur la question du Sahara. La distance entre Paris et Alger semble se creuser davantage dans le sillage du timide réchauffement des relations franco-marocaines, même si Rabat est loin de se satisfaire des réaffirmations, lors de la récente visite à Rabat, du nouveau chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, qui a réitéré le soutien « clair et constant » de son pays au plan marocain d'autonomie, assurant qu'« il est désormais temps d'avancer ».

Il est vrai que Paris cherche encore à ajuster les éléments d'une nouvelle position au sujet du Sahara marocain, sachant que M. Séjourné avait annoncé dans la capitale chérifienne à ce propos des préparatifs qui pourraient prendre un peu de temps, en allusion aux contraintes pour la France de gérer ses rapports de manière équilibrée entre Rabat et Alger. Alors que le plan marocain d'autonomie ne cesse d'enchaîner appuis et soutiens, l'Algérie n'a pas enregistré la moindre avancée favorable à sa thèse. L’ensemble de ces éléments laisse penser que la question du Sahara n'aura aucun poids dans l'agenda de la prochaine visite de M. Tebboune à Paris. Ou si elle l'a, ce sera dans le sens d'un énième report de sa visite à Paris.

Dans ses rapports avec le monde et particulièrement avec la France, la seule carte gagnante à laquelle l'Algérie s'agrippe et qu'elle brandit à tout bout de champ est celle de l'énergie et de la coopération économique et commerciale. Alors que l'investissement français souffre d'une régression notable face à l'extension des investissements chinois et turcs, Paris se démène tant bien que mal pour récupérer une partie conséquente de son influence économique d'antan, en vue de se placer plus significativement dans le secteur de l'énergie ou encore de tailler la part du lion dans les contrats que l'Algérie compte lancer pour le renouvellement de ses infrastructures ferroviaires.

Il y a bien sûr tous les développements géopolitiques que connaît depuis l'année dernière la vaste région du Sahel, où les intérêts des deux pays convergent et divergent alternativement, qui, à eux seuls, peuvent justifier une mise à plat des questions qui perturbent leurs relations. Mais en l'absence d'une avancée significative sur les dossiers en suspens entre Paris et Alger, il y a lieu de s'interroger sur les contingences ayant présidé à la programmation d'une visite éventuelle de M. Tebboune à quelques semaines de la présidentielle algérienne, ainsi que sur les enjeux et l'agenda de ce déplacement.

Cette visite vient-elle couronner une avancée sur des arrangements sur le terrain entre les deux pays ? Ou obéit-elle à des considérations politiques où la France tente d'exploiter à son profit les conflits qui tiraillent les centres du pouvoir en Algérie à la veille des élections présidentielles de décembre ? Emmanuel Macron n'a jamais fait mystère de sa préférence pour Abdelmadjid Tebboune, et cette visite en gestation depuis longtemps est assurément, dans un environnement algérien sensible aux humeurs parisiennes, un soutien politique au président sortant, en échange d'une modification des paramètres des négociations.

Ainsi, les dossiers en suspens seront mis en sourdine et Paris apportera, à la veille des présidentielles de décembre, son onction politique au candidat Tebboune, par des concessions acceptables pour Paris en échange d'une avancée sur le plan de la coopération économique et commerciale.

En mettant l'accent sur l'impératif d'établir des relations simultanées avec le Maroc et l'Algérie, M. Macron aura quelque peu brouillé les perspectives d'une éventuelle évolution de la position de son pays au sujet de la question du Sahara marocain. Mais il a, en même temps, révélé au grand jour la position pragmatique que prône la France dans la gestion de ses relations avec Rabat et Alger. Pour avoir pris la mesure du coût occasionné par le gel pendant près de deux ans de ses relations avec le Maroc, la France réalise désormais que l'établissement d'une relation équilibrée avec Rabat et Alger est une idée tout simplement inapplicable. Dans les circonstances actuelles, elle continue toutefois de croire en la possibilité de faire avancer, de manière graduelle et concertée, sa position à l'égard du Maroc, tout en s'investissant dans la crise algérienne à la veille des prochaines présidentielles, l'objectif étant d'établir une relation où elle ne devrait pas faire de concession politique.

M. Tebboune, qui s'apprête à briguer un second mandat, sait pertinemment qu'il ne fait pas l'objet d'une unanimité totale au sein des institutions de l'État, et plus particulièrement au sein de l'appareil militaire et sécuritaire. Il sait également que la France a une influence considérable sur cet appareil, puisque le chef d'état-major de l'armée algérienne, Saïd Chengriha, a été reçu, en janvier dernier à l'Élysée, bien avant le président de la République lui-même. Il n'est donc pas exclu que les intérêts des présidents algérien et français convergent pour que M. Tebboune se rende à l'Élysée avant les élections de décembre et que les deux parties s'entendent sur des concessions formelles, qui apporteraient de l'eau au moulin électoral du candidat Tebboune ou qui l'aideraient peut-être à inverser en sa faveur les tiraillements qui déchirent l'appareil de l'État. En contrepartie, la France pourrait remporter d'importants avantages économiques et commerciaux pour compenser la régression de ses investissements en Algérie et assurer en même temps ses besoins en gaz, à l'instar du deal conclu lors de la visite de M. Macron à Alger en août 2022, au cours de laquelle l'Algérie s'est engagée à augmenter le volume de ses exportations gazières à l'Hexagone.

En récapitulant l'imprécision de la date de la visite de Tebboune à Paris, conjuguée à l'absence d'indicateurs sur une évolution en lien avec les dossiers en suspens, et compte tenu de la reprise des relations entre Rabat et Paris avec à la clé un engagement du Quai d'Orsay à avancer sur la question du Sahara marocain, tout porte à croire que des arrangements politiques provisoires ont été conclus. 

La France ayant mis à profit le besoin du président algérien de trancher en sa faveur la bataille de sa légitimité au sein de l'appareil de l'État et de ses institutions militaire et sécuritaire, on serait donc devant un scénario similaire à celui de la visite de M. Macron à Alger en août 2022, au cours de laquelle la France a remporté d'importants acquis économiques, en échange d'un soutien politique à Tebboune. Ce dernier obtiendrait, au mieux, quelques concessions formelles promettant une certaine avancée sur le dossier de la mémoire (des déclarations édulcorées) ou le règlement partiel du problème des visas, mais sans que la question du Sahara marocain ne fasse l'objet d'un quelconque développement, si ce n'est pour réitérer que ce dossier est entre les mains du Conseil de sécurité et que Paris soutient les efforts de l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour parvenir à une solution politique à ce conflit.