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Chine-USA : L’économie l’emportera-t-elle sur la rivalité géostratégique ? - Par Abdelghani AOUIFIA
« Le monde est suffisamment grand pour que les Etats-Unis et la Chine puissent s’épanouir ensemble » (la Secrétaire US au Trésor, Janet Yellen)
Par Abdelghani AOUIFIA (Correspondant permanent de la MAP à Pékin)
Beijing - La Chine et les Etats-Unis, les deux superpuissances engagées depuis un certain temps dans un duel qui tient le monde en haleine, ont semble-t-il convenu de mettre de côté leur rivalité géostratégique pour remettre leurs relations notamment économiques sur les rails.
La volonté de renforcer la communication a été articulée, de part et d’autre, lors d’une visite de quatre jours que la Secrétaire US au Trésor, Janet Yellen, a effectuée la semaine dernière à Beijing.
« Le monde est suffisamment grand pour que les Etats-Unis et la Chine puissent s’épanouir ensemble », a dit Mme Yellen, à la fin de son déplacement dans la capitale chinoise. La déclaration reflète, si elle est traduite en réalité, une nécessité non seulement pour les deux puissances mais également pour le monde dans sa globalité.
Les interlocuteurs chinois sont conscients de la nécessité de redonner l’élan de réchauffement nécessaire aux relations avec les Etats-Unis, un rival qui demeure, cependant, un partenaire économique incontournable.
La taille et le volume des échanges commerciaux entre les deux parties illustrent cette réalité. Le New York Times a récemment rapporté qu’en dépit des vives tensions, le commerce sino-américain demeure tellement fort qu’il fait de Beijing et Washington « deux partenaires à part entière » à bien des égards.
Les deux pays « se vendent et s'achètent des produits importants, se financent mutuellement et créent des applications et des films pour le public des deux pays », écrit le journal, dans un article qui met à l’évidence l’ampleur d’une relation économique qui impose aux deux géants la nécessité de surmonter une rivalité qui semble frôler parfois la confrontation au sujet de questions géostratégiques d’une grande sensibilité.
Encore plus. Les revenus que les grandes entreprises américaines tirent de la Chine sont supérieurs à leurs revenus totaux d’alliés traditionnels comme le Japon, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, selon le journal newyorkais
D’après les chiffres officiels, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un record de 690,6 milliards de dollars en 2022.
Les importations américaines de marchandises en provenance de Chine ont totalisé 536,8 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 6,3% par rapport à l'année précédente et proche du record de 538,5 milliards de dollars atteint en 2018.
Les résultats de la visite de Mme Yellen en Chine ne sont pas, semble-t-il, fait attendre. Dans le sillage de ce déplacement, qui a suivi une visite tout aussi importante du Secrétaire d’État Antony Blinken, les deux pays ont annoncé un voyage de l’envoyé spécial américain pour le climat, John Kerry, en Chine du 16 au 19 juillet.
Il s’agit d’un fort signe de dégel d’autant plus que Beijing avait suspendu les discussions sur le climat l'été dernier dans le sillage de la visite de l'ancienne présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, à Taiwan.
Dans un autre signe d’apaisement, le vice-président chinois Han Zheng s’est réuni, mardi à Beijing, avec les représentants des entreprises américaines implantées en Chine pour leur manifester la volonté de son pays de renforcer son ouverture sur l’investissement étranger, en particulier celui en provenance du rival américain.
« La Chine fera progresser sans relâche la réforme et l'ouverture, et invite les entreprises du monde entier, y compris des États-Unis, à renforcer leur présence sur le marché chinois », a-t-il dit.
L’ouverture sur les entreprises du monde, y compris celles des Etats-Unis, devrait contribuer à la stabilité et à la fluidité des chaînes industrielles et d'approvisionnement mondiales et à la croissance économique mondiale, a souligné le responsable.
Tout en affirmant que les relations sino-américaines « sont les relations bilatérales les plus importantes au monde », le haut responsable chinois a réitéré les principes que son pays a toujours avancé quand il s’agit des relations avec les Etats-Unis, à savoir le respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération gagnant-gagnant.
Dans les rangs des experts, on souligne que Beijing et Washington n’ont qu’un seul choix : se rapprocher l’un de l’autre, car il y va, d’après eux, de l’avenir du monde entier.
En tant que plus grandes économies du monde, dotées des budgets de défense les plus importants et dotées d'armes nucléaires, les États-Unis et la Chine doivent trouver un modus vivendi dans leurs relations, indique Taylor Fravel, professeur de science politique à l’institut de technologie de Massachusetts.
L’analyste invite les deux puissances à identifier d’une manière claire ce qu’elles considèrent comme « intérêts légitimes » et, partant de là, s’entendre sur la manière de gérer leur concurrence dans un monde suffisamment vaste pour accommoder leurs ambitions.