Date de la présidentielle au Sénégal : manœuvre serrée pour le président Sall

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Le président sénégalais Macky Sall (C) au dialogue national à Diamniadio le 26 février 2024. Macky Sall a ouvert des discussions à Diamniadio, près de Dakar, pour tenter de parvenir à un accord sur la date de l'élection présidentielle et a annoncé une amnistie générale pour les manifestations politiques depuis 2021, lors de discussions visant à fixer une nouvelle date pour les élections présidentielles qu'il a reportées ce mois-ci, provoquant des troubles meurtriers. (Photo Seyllou / AFP)

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Le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall pourrait se prononcer rapidement sur une date de présidentielle et une éventuelle prolongation de son mandat, fort de recommandations renvoyant le scrutin de plusieurs semaines après l'expiration de son bail actuel.

M. Sall a présidé ce mercredi un conseil des ministres au cours duquel il entendait présenter un projet de loi d'amnistie générale. Aucune information n'avait filtré en milieu d'après-midi sur le déroulement de ce conseil.

L'amnistie est un des éléments de la réponse du président Sall à la crise provoquée par l'ajournement de la présidentielle qui devait avoir lieu dimanche dernier. Ce report a causé un choc dans un pays présenté comme l'un des plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les coups de force.

Un renvoi du scrutin au-delà du 2 avril, fin du mandat de M. Sall, et le maintien de ce dernier dans ses fonctions jusqu'à l'installation de son successeur sont de nature à provoquer la colère du front politique et citoyen qui s'est formé après l'annonce du report, en plus de soulever des interrogations constitutionnelles.

Un collectif qui réunit 16 des 19 candidats entérinés à ce jour a dit à l'AFP consulter différents acteurs de la société civile sur les termes d'une déclaration qui pourrait être partagée jeudi.

Aucune indication officielle n'a été fournie quant au moment où M. Sall tranchera sur la date du scrutin, même s'il a déclaré ces derniers jours qu'il statuerait vite, voire "immédiatement", en cas de "consensus".

Un "dialogue national" réunissant quelques centaines de responsables politiques, religieux ou sociaux, mais boycotté par l’alliance de l’opposition, s'est tenu lundi et mardi à son initiative pour trouver un terrain d'entente sur une nouvelle date et sur les moyens de pallier la vacance du pouvoir après le 2 avril dans l'éventualité où les Sénégalais ne seraient pas appelés aux urnes d'ici là.

"Commande" présidentielle 

Ces concertations auraient accouché d'un "large consensus" sur différents points, selon plusieurs participants qui se sont confiés à l'AFP:

- la présidentielle aurait lieu après le 2 avril. Des participants ont cité la date du 2 juin au plus tôt; d'autres ont parlé de juillet.

- M. Sall resterait en fonction jusqu'à l'investiture du cinquième président du Sénégal. Cela reviendrait au mois de juillet au plus tôt en cas d'élection le 2 juin et de second tour, probable en l'état actuel.

- la liste des 19 candidatures validées en janvier, objet de vives contestations, serait au moins partiellement réexaminée.

Rien n'indiquait mercredi si et sous quelle forme ces propositions avaient été soumises au chef de l'Etat. Elles ont été déclarées inacceptables par une partie la plus active de la classe politique et de la société civile. Dix-sept candidats homologués ont boycotté le "dialogue".

La plupart d'entre eux ont saisi le Conseil constitutionnel pour qu'il constate formellement le manquement du président à son devoir d'organiser l'élection.

Le front anti-report soupçonne Macky Sall de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal à la présidentielle, soit pour s'accrocher au pouvoir.

Les participants au "dialogue" ont "livré à 100 % la commande de Macky Sall", a affirmé sur les réseaux sociaux l'un des 17 candidats, l'opposant Thierno Alassane Sall. "Macky Sall et ses complices oublient juste un détail: si tous les partis politiques du Sénégal, l'ensemble de la société civile, les candidats officiels ou recalés, se mettaient d'accord, leur consensus ne saurait prévaloir sur la Constitution", a-t-il ajouté.

« Le mandat du président ne peut être prorogé » 

Le président Sall s'est défendu de quelconques arrière-pensées. Il a même exprimé son impatience de partir tout en se disant "prêt à prendre sur (lui)" et à rester dans "l'intérêt supérieur de la Nation".

Il a reporté la présidentielle en prétextant les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et la crainte qu'après les heurts meurtriers de 2021 et 2023, un scrutin contesté ne provoque une nouvelle poussée de fièvre.

Les propositions du "dialogue" suscitent différentes interrogations, sur l'acceptation par le chef de l'Etat et sur la réaction du front anti-report.

Après l'annonce du report le 3 février, des manifestations, réprimées, ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d'interpellations. Mais l'opposition et la société civile ont peiné à mobiliser massivement au-delà des réseaux sociaux.

Autre inconnue: la réaction du Conseil constitutionnel. En mettant son veto au report le 15 février, le Conseil avait écrit que "le mandat du président (...) ne peut être prorogé" et que "la date de l'élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat". Les participants au "dialogue" invoquent l'article 36 de la Constitution selon lequel le président "reste en fonction jusqu'à l'installation de son successeur".

L'opposant Thierno Alassane Sall place clairement ses espoirs dans le Conseil constitutionnel qui "ne peut que persister et signer (...) sauf à se renier".

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