Discours du roi Mohammed VI au sommet de Brazzaville

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Le roi Mohammed VI a prononcé, ce dimanche 29 avril à Brazzaville, un discours devant le 1er sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission Climat et du Fonds Bleu du Bassin du Congo

Voici le texte du discours royal:

Monsieur le Président Denis SASSOU-NGUESSO, Président de la République du Congo,

Monsieur le Président Paul KAGAME, Président en exercice de l’Union Africaine,

Excellences, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,

Mesdames et Messieurs,

Je souhaiterais remercier notre Auguste Hôte, le Président de la République du Congo, Son Excellence Denis Sassou-Nguesso, de nous avoir réunis ici, au cœur de l’Afrique Centrale, autour d’un grand projet : un projet fédérateur qui ouvre de belles perspectives pour le Bassin du Congo, pour la région et pour Notre continent.

L’Afrique s’est engagée dans la voie de la transformation, de manière irréversible. Elle s’affirme chaque jour davantage et elle se projette dans l’avenir avec confiance et sérénité. Mais nous ne l’ignorons pas, les défis sont nombreux.

Et le plus important aujourd’hui est sans doute d’associer le nécessaire développement de notre continent à un éveil des consciences écologiques.

Notre réunion aujourd’hui sonne comme une urgence pour tous. Elle est capitale pour Notre continent, elle l’est également pour l’humanité toute entière, car elle est l’expression d’une prise de conscience collective, des effets dévastateurs du réchauffement climatique pour la planète.

Nous avons une responsabilité collective, la préservation de la biodiversité africaine. L’appauvrissement de ce patrimoine qui nous est commun, engendre de lourdes conséquences sur la vie quotidienne des populations, et nuit au développement socio-économique des communautés qui en dépendent.

Au centre de cette préoccupation, se trouve le Bassin du Congo : au niveau mondial, il est le second réservoir de carbone, et le deuxième plus grand bassin fluvial, constituant ainsi une des plus grandes zones forestières et abritant plus de la moitié des espèces animales du continent ;

Il est par conséquent un régulateur du climat de la planète, et fait de l’Afrique le « deuxième poumon » du monde. C’est ici et maintenant que se dessine l’avenir de ce patrimoine vital.

Nous avons accordé une place de choix à l’Afrique lors de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech en novembre 2016.

Afin de conforter cette priorité, J’ai tenu à réunir, en marge de la COP22, le premier Sommet Africain de l’Action, placé sous le sceau de la co-émergence de l’Afrique.

Soucieux de donner une orientation opérationnelle aux travaux du Sommet, Nous avons créé trois Commissions sous régionales :

La Commission du Sahel, présidée par la République du Niger ;

La Commission des Etats insulaires, présidée par la République des Seychelles ; et

La Commission du Bassin du Congo, présidée par la République du Congo.

Grâce au Leadership du Président Denis Sassou-Nguesso, cette dernière Commission a enregistré des progrès tangibles pour que se transforment en opportunités les défis climatiques que connaît la région.

Plusieurs étapes ont été franchies depuis le Sommet Africain de l’Action. A Oyo, en mars 2017, le Fonds bleu a été lancé ; son opérationnalisation a été conçue à Brazzaville, en novembre 2017 et, à Rabat, en mars 2018, sa mise en place a été accélérée, lors d’une rencontre sur les termes de référence de l’étude de préfiguration du Fonds Bleu.

Tout au long de ce processus, le Royaume du Maroc s’est mobilisé, et, pour assurer la réussite de ce projet ambitieux, il a déployé l’expertise qu’il a acquise, en matière de lutte contre les changements climatiques.

Nous avons choisi de soutenir ce programme, car il est fondé sur un nouveau paradigme qui répond aux besoins présents et futurs. Il s’appuie, en effet, sur des programmes intégrés, inclusifs et solidaires de la nouvelle économie bleue et verte.

Nous avons été confortés dans notre soutien par la dimension humaine placée au cœur du projet. En effet, l’adoption d’une approche inclusive et participative à l’égard des habitants de la région est essentielle.

Mus par un esprit de fraternité et de solidarité africaine, nous sommes ici pour contribuer à créer une dynamique vertueuse. Le véritable enjeu est la sauvegarde et la valorisation d’un patrimoine africain précieux : le Fleuve Congo.

Nous avons ce devoir envers les 200 millions d’Africains et Africaines qui vivent dans ce Bassin et envers Notre continent.

La mise en place du Fonds Bleu doit s’accompagner de la mobilisation de tous les acteurs économiques et de la société civile, pour que s’engagent des actions concrètes d’atténuation et d’adaptation, et que soit garantie l’émergence d’un mode résilient de développement.

Le financement de ce projet, constitue le défi majeur à sa mise en œuvre : Nous devons ainsi innover et créer des mécanismes qui identifieront et mobiliseront les ressources financières ; il nous faut convaincre les bailleurs de Fonds bilatéraux et multilatéraux, publics ou privés.

Le Fonds bleu entraînera, nécessairement, une dynamique positive, porteuse de projets capables de soutenir les économies des Etats membres.

Je pense en particulier à l’amélioration des voies de navigation intérieure, à l’aménagement des ports secondaires, au développement de la pêche durable, à la lutte contre la pollution des cours d’eaux, et au renforcement de l’irrigation, dans la perspective de l’amélioration de la productivité agricole.

Cette nouvelle économie de l’eau et autour de l’eau, sera le moteur du développement.

Au-delà des conséquences induites par les changements climatiques, les pénuries alimentaires et les baisses des réserves en eau, risquent d’entraîner d’importantes migrations de population, de fragiliser les Etats et de favoriser la précarité.

Comment admettre en effet, que, dans un continent qui dispose de plus de 5000 milliards de mètres cubes d’eau dans ses nappes phréatiques, 320 millions d’Africaines et d’Africains n’ont pas accès à l’eau potable ?

Ce constat probant est d’autant plus alarmant que, si nous n’agissons pas, dans les années à venir, le changement climatique conduira à une dégradation des terres et à une raréfaction des ressources en eau : les 25000 km² de voies navigables risquent alors l’ensablement et la pollution.

Une mobilisation collective est capitale, et ce Sommet démontre qu’elle est possible.

Relever le défi de la mise en valeur du Bassin du Fleuve Congo, c’est créer une dynamique coopérative, en faveur du développement durable, non seulement à l’échelle des pays riverains, mais également dans l’ensemble du continent.

Si nous souhaitons protéger les deux poumons de la planète, ce défi doit devenir une ambition collective, portée par l’Afrique et par le monde.

Les ressources naturelles et écologiques de Notre continent en font l’un des plus importants acteurs du monde, et ses immenses bassins et fleuves, recèlent une richesse inestimable : l’or bleu, l’eau.

Devenue denrée rare, l’eau est l’objet de nombreuses convoitises. Soyons conscients de nos richesses, de notre capacité à innover et conjuguons nos énergies et notre courage.

Non seulement nous relèverons l’ensemble des défis, mais nous ferons également la démonstration que des pays unis par un même rêve, une même vision, savent agir et se transcender pour qu’émerge un continent unifié, fier de ses identités et de ses racines, marchant vers le progrès.

Dans notre construction de l’Afrique de demain, la préservation de l’environnement, est la base de la co-émergence de l’Afrique, le socle sur lequel sera bâtie la croissance économique inclusive du continent.

Nous devons nous atteler ensemble à prendre en compte le réchauffement climatique, ses risques, et à transformer nos économies sur la base du développement durable.

Notre présence ici aujourd’hui témoigne de notre détermination à placer ces questions, au plus haut de nos préoccupations et de notre action. Nous sommes résolus à mettre en œuvre des initiatives concrètes, susceptibles de préserver les droits des générations à venir.

Le Royaume du Maroc œuvrera sans relâche, et avec détermination pour la concrétisation des grands projets structurants de Notre continent.

Le défi écologique ne doit plus être perçu comme une menace, mais comme une priorité. C’est le sens de notre engagement commun aujourd’hui, un engagement placé sous les principes de la responsabilité partagée et de la solidarité panafricaine.