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El Conquistador - Par Samir Belahsen
Le président américain Donald Trump dans la roseraie de la Maison Blanche à Washington, DC, le 1er juin 2017. (Photo / AFP)
“Il n'est point de grand conquérant qui ne soit grand politique. Un conquérant est un homme dont la tête se sert, avec une habileté heureuse, du bras d'autrui. ”
Voltaire / Essai sur les mœurs
“Un conquérant est un joueur déterminé qui prend un million d'hommes pour jetons et le monde entier pour tapis.”
Comte de Ségur
Le discours d’intronisation de Donald Trump évoque une vision impériale, il promet de restaurer la grandeur américaine "America First" à travers le mouvement devenu désormais un acronyme répnadu : MAGA, Make America Great Again (littéralement « Rendre l'Amérique à nouveau grande. Il promet en plus de sécuriser les frontières et de réformer l'État fédéral.
Une rhétorique à la fois nationaliste, populiste et messianique. Il aspire à redéfinir le rôle des États-Unis sur la scène mondiale, tout en mobilisant ses partisans contre un "establishment" qu'il juge corrompu.
Le caractère messianique de sa rhétorique est évident, il se présente comme le sauveur de l'Amérique.
"Sauvé par Dieu" pour une mission, celle de restaurer la grandeur du pays et le projeter vers un "âge d'or" à conquérir. Le héros va Sauver le pays d’une élite corrompue et redresser l'Amérique vers sa "destinée manifeste" : l'expansion des États-Unis vers de nouveaux horizons…économiques, territoriaux et même sur Mars.
Donald Trump se veut comme Le grand conquérant du XXIe siècle.
Les conquérants
Les conquérants ont toujours façonné l'histoire par leurs expansions militaires, culturels et politiques. Rappelons quelques-uns :
Gengis Khan: le fondateur de l'Empire mongol est reconnu comme le plus grand conquérant de l'histoire. Après avoir unifié par la force les tribus mongoles, il a conquis une vaste partie de l'Asie.
Attila : Le Leader des Huns a réussi à établir un empire puissant au Ve siècle, menaçant à la fois Rome et l'Empire byzantin.
Ces figures illustrent comment les conquêtes ont redéfini des frontières, des territoires et des cultures.
Dans la sphère arabe, les grands conquérants ont étendu l’espace islamique au Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord, et au-delà, en Asie en étendant l'influence politique, culturelle, et religieuse de la civilisation arabe.
Parmi figures les plus notables : Khalid ibn al-Walid (592-642), dont les actes marquants sont une victoire contre les Byzantins lors de la bataille de Yarmouk (636), la soumission de la Mésopotamie, de la Syrie et de la Palestine à l'empire islamique, conquêtes rapides et stratégiques contre les Sassanides en Perse. Contemporain, Amr ibn al-As (573-664) a conquis l'Égypte (642) au nom du calife Omar ibn al-Khattab.
Plus tard, dans la foulée de Uqba ibn Nafi (622-683), Tariq ibn Ziyad (670-720) est connu pour la conquête de la péninsule ibérique (Espagne), à l’origine de la fondation de l'Al-Andalus, qui deviendra un centre culturel et scientifique majeur.
Muhammad ibn Qasim (695-715), s’illustrera lui dans la conquête du Sind (actuel Pakistan).
Contexte : l'impérialisme
Depuis l'ère coloniale, les grandes puissances ont exercé leur domination sur d'autres nations à des fins politiques, économiques et stratégiques. Cette expansion impériale a laissé une empreinte durable sur la structure du pouvoir mondial et a influencé les relations entre États.
L'impérialisme est le stade suprême du capitalisme, disait Lénine. C’est la domination politique, économique et culturelle d'une nation sur d'autres. Cette domination implique également l'exploitation des ressources et territoires des pays dominés. L'impérialisme repose aussi sur la prétention de supériorité, de mission « civilisatrice » de la nation dominante. Dans toutes les définitions que les auteurs ont donné à l’impérialisme, on retrouve la nature expansionniste, la recherche de pouvoir et de contrôle des nations impérialistes sur les territoires conquis.
L'impérialisme signifie domination, expansionnisme, colonialisme et contrôle. L'impérialisme englobe des aspects économiques, politiques et culturels.
L'impérialisme utilise des moyens tels que la force militaire, l'économie, les médias, la culture et la diplomatie. Au XXIème siècle, il faut y ajouter les réseaux sociaux.
Au XXIème siècle, l’ampleur de l’impérialisme pourrait comprendre des interventions militaires unilatérales, des accords commerciaux inégaux et des politiques de sanctions économiques.
Le discours de « Donald Le conquérant » est axé sur le nationalisme et la priorisation des intérêts américains. Il proclame une approche unilatérale visant la protection des intérêts nationaux. Ses promesses en matière de politique étrangère se résument à la remise en question des accords multilatéraux (l'Accord de Paris sur le climat, OMS) et le renforcement des relations bilatérales sous menaces et contraintes avec une approche transactionnelle. De l'impérialisme impérial…
Les principaux axes de la politique étrangère de Donald Trump comprennent la promotion de l'Amérique d'abord, le retrait des engagements multilatéraux jugés désavantageux pour les États-Unis, la confrontation avec la Chine sur le plan commercial et la lutte contre l'immigration. De plus, son administration a adopté une approche de diplomatie transactionnelle, mettant l'accent sur les gains économiques et privilégiant les accords bilatéraux. En outre, Trump a cherché à renforcer l'alliance avec Israël et à rompre avec l'approche diplomatique traditionnelle des États-Unis, suscitant des réactions variées au niveau international et contribuant à une redéfinition des rapports de force à l'échelle mondiale.
L'impérialisme conquérant bouscule les alliances traditionnelles, il en sortira de nouvelles inédites. De nouvelles dynamiques géopolitiques vont émerger, marquées par une confrontation plus ou moins ouverte avec la Chine, une guerre commerciale avec l’union européenne et le retrait de plusieurs accords internationaux clés.
Ces changements vont conduire à des redéploiements stratégiques choquants de certains acteurs mondiaux et à des réajustements des équilibres de puissance à l'échelle mondiale. L’union européenne y risque sa survie.
La fin des empires
Historiquement, les fins des empires ont eu des causes variantes entre la décolonisation et les crises internes.
Le XXe siècle a vu la disparition des empires Ottoman et Austro-hongrois. L'Empire soviétique s'est effondré en 1991. Une fin d’empire c’est une multitude de facteurs qui se réunissent à un moment de l’histoire. Les facteurs englobent les faiblesses administratives et de gouvernance, les successions, les conflits internes et les défis économiques.
Si les historiens s’accordent que chaque fin d’empire a son histoire unique, sans leçons générale, la réflexion sur ces déclins reste plus que pertinente, il s’agit de la fragilité des constructions humaines.
Dans la littérature, plusieurs ouvrages ont traité de la fin des empires.
« La fin des empires » dirigé par Patrice Gueniffey et Thierry Lentz, explore le déclin de puissances historiques, de l'Empire romain à l'Union soviétique. Les auteurs y soulignent la singularité de chaque chute.
Dans « Les derniers jours de l'Empire romain d'Occident » Michel de Jaeghere analyse le déclin de cet empire, en un siècle, entre l'irruption des Goths en 376 et la déposition de Romulus Augustule en 476.
Jaeghere pointe les transformations sociales et institutionnelles de l'Antiquité tardive avec la montée des populations germaniques au sein du monde romain. Il analyse les crises internes et les invasions qui ont conduit à la chute.
Dans la « Muqaddima », les Prolégomènes, Ibn Khaldoun retrace la dynamique des empires qu’il a observés. Il remarque que leur ascension est souvent due à des tribus nomades conquérantes, tandis que leur déclin résultait de la sédentarisation et de la désintégration interne.
C’est lui, Ibn Khaldoun qui disait : « Dans la nature innée des hommes se trouve le penchant vers la tyrannie et l'oppression. »