Erdogan, le nouveau Souleymane

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La façon d’Erdogan d’accepter les compromis, parfois les plus humiliants, d’appliquer la règle léninienne d’un pas en avant deux pas en arrière pour s’approprier toutes les commandes du pays inspire bien de mouvements du même ADN. Et je ne pense pas uniquement à son homonyme marocain, le PJD

D’une courte tête, mais dans une ambiance de suspicion et dans la défiance européenne, le président turc Recep Tayyip Erdogan a remporté son référendum sur la présidentialisation de son régime. C’est l’aboutissement d’un long et patient travail qu’il a entamé avec ses troupes et ses alliés conjoncturels bien avant qu’il ne conquiert en 1994 la mairie d’Istanbul. Dès qu’il s’installe en 2003 dans le poste de premier ministre, il amende la constitution pour que la nomination du président passe par le suffrage universel. Ce qui démontre nettement que l’instauration d’un régime présidentiel dont il prendrait la tête figurait parmi ses objectifs. Ses succès économiques, il faut bien l’admettre, lui ont beaucoup permis de travailler la société turque en profondeur et par le bas, faisant basculer par la même occasion une forte composante de la classe moyenne de son coté. C’est en prenant appui sur ces classes qu’il a pu en 2016 faire face à la tentative de coup d’Etat. Une aubaine tellement inespérée qu’elle en parait suspecte. Elle lui a permis de mettre au pas toutes les têtes de l’armée qui sortent du rang et de procéder à une vaste purge au sein de toutes les administrations. Son ampleur en fait le digne héritier des répressions sauvages menées par les régimes militaires dictatoriaux qui l’ont précédé.

Un bémol toutefois à ce « tentacularisme » vorace. En dépit de la férocité de ses méthodes et les succès de sa pénétration de la société turque, Tayyip Erdogan, qui a cependant réussi à concilier sur son référendum le président russe et son homologue américain, n’est passé que de justesse, laissant derrière lui une Turquie partagée en deux, au moment où l’on craignait un plébiscite qui aurait fait de lui le maitre des terres et des cieux. Mais, peut-être, le pire est à venir. Il a aujourd’hui concentré entre ses mains tous les pouvoirs et surtout celui d’en découdre avec toutes ses oppositions. Erdogan le magnifique menace d’ores et déjà de rétablir la peine de mort sacrifiée sur l’autel de son désir déçu d’intégrer l’Union Européenne. Et son rétablissement ne serait pas seulement histoire de défier l’Europe dans sa partie occidentale, mais, il faut le craindre, pour poser son épée de Damoclès sur toutes les têtes qui oseraient braver le pouvoir de cet homme colirique, d’autant plus facilement accessible à l’emportement qu’il ne souffre pas la contestation. Dans son collimateur également, la laïcité dont il veut expurger la constitution. Une tentative a été déjà menée contre ce principe qui fait le charme de la Turquie dans l’aire musulmane. Seule une réaction énergique de la partie éclairée des Turcs a fait avorter le projet. Ce n’est que partie remise. Le président turc nouvelle version n’est qu’à mi-chemin de son ambition de ressusciter le Califat dans sa splendeur ottomane fortement teinté de frérisme-musulman. A lui seul c’est une école en la matière. Sa façon d’accepter les compromis, parfois les plus humiliants, d’appliquer la règle léninienne d’un pas en avant deux pas en arrière pour s’approprier toutes les commandes du pays inspire bien de mouvements du même ADN. Et je ne pense pas uniquement à son homonyme marocain, le PJD.