Gaza, Palestine, jour de fête – Par Salah El Ouadie

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Le prisonnier palestinien Baraah Fuqaha (à droite) est accueilli par des proches à l'arrivée de quelque 90 prisonniers libérés par Israël à l'aube du 20 janvier 2025 dans la ville de Beitunia, en Cisjordanie occupée, à la périphérie de Ramallah. La foule a applaudi, scandé et klaxonné lorsque deux bus transportant les prisonniers sont arrivés à Beitunia après leur libération. (Photo Zain JAAFAR / AFP) 

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Les groupes, les individus, et même les chercheurs chevronnés ne parviennent pas toujours à saisir les significations des moments historiques lorsqu’ils se produisent, car la distance méthodologique nécessaire pour une évaluation appropriée fait défaut.  

Ces moments déterminants influencent cependant durablement ce qui s’ensuit.

Les grandes batailles sont menées, bien entendu, pour défendre des intérêts. Parmi ces intérêts, certains sont légitimes, d'autres non. 

L'intérêt légitime s'appuie sur des valeurs et des principes éthiques qui ont acquis leur statut universel par un long processus d'accumulation historique : le droit, la justice, l'égalité...  

La bataille de Gaza, qui a duré exactement 464 jours, appartient à cette catégorie de luttes. Un peuple désarmé, spolié de sa terre, confiné dans un espace géographique fermé, avec peu de moyens et de matériel, affronte l’un des États les plus puissamment armés, soutenu matériellement et logistiquement par l’une des plus grandes puissances économiques et militaires du monde.

Israël s’était fixé deux objectifs principaux : récupérer les détenus israéliens depuis le 7 octobre 2023 et éliminer le Hamas, l’organisation armée qui les retient.  

Pour atteindre ces objectifs, Israël a déployé tous ses moyens : blocus, famine, bombardements, terreur, ciblage de civils, destruction d’hôpitaux, exécutions programmées, arrestations massives. Elle a utilisé les armes les plus destructrices : bombes "perforantes" pesant des tonnes, drones programmés équipés de technologies de pointe, ainsi que des armes dites "classiques", comme les véhicules blindés. 

Israël a également mobilisé le soutien des dirigeants des principales puissances occidentales, à quelques exceptions près qui ont choisi de défendre une position honorable et équitable.  

Elle a assorti sa guerre tous azimuts d’un discours menaçant, affirmant avec une certitude inébranlable qu’elle atteindrait ses objectifs.

Mais le peuple désarmé avait une autre volonté : une volonté de résilience qui a fait échouer tous les plans. Ni les armes destructrices, ni la violence systématique, ni la famine impitoyable, ni le discours arrogant, ni les alliances alignées, ni les campagnes médiatiques honteuses en Europe et en Occident n'ont eu raison de cette volonté.  

Bien plus, cette résistance a remis la cause palestinienne au centre des préoccupations du monde entier.  

Tout cela s'est déroulé sous les yeux et à la portée de tous les peuples de la Terre, suivi quotidiennement par l'opinion publique mondiale. Les seules choses qui ont apaisé nos âmes meurtris par cette tragédie ont été les gigantesques manifestations qui ont eu lieu dans de nombreux endroits à travers le monde.

Ce qui s'est produit, avec l’accord de trêve et toutes ses clauses bien connues, est un événement exceptionnel à tous points de vue. Un tel événement ne peut être entièrement analysé dans un article rapide. Mais, selon moi, l’essentiel peut être résumé comme suit : 

Nous assistons à un effondrement moral sans précédent pour Israël, qui n’est plus seulement condamnée pour ce qu’elle a fait à Gaza durant 464 jours, mais également pour ce qu’elle a fait depuis 75 ans en Palestine, depuis la décision de l’Organisation des Nations Unies en 1947.  

Il n'y a plus grand monde dans les sphères de l’opinion mondiale pour soutenir Israël. Peut-être le peuple palestinien, et pas seulement Gaza, n’a jamais reçu une telle solidarité depuis des décennies.  

Cela constitue une victoire qui dépasse le simple cadre des négociations de la trêve et même le moment politique lui-même. Malgré toutes les pertes matérielles et les dizaines de milliers de martyrs, cette résistance représente une victoire historique au sens large, sur les plans moral, culturel, civilisationnel et humain.

Quelles que soient les évolutions futures, ce moment de l’histoire reste et restera gravé dans les mémoires collectives, aujourd’hui, demain et pour toujours.  

En janvier de l’année dernière, jour pour jour presque, j’ai écrit et publié un article sur la guerre de Gaza dans le même esprit, intitulé : "Cent jours qui ont changé le visage du monde".  

Si je le publiais aujourd’hui, je n’en changerais pas une virgule.

Dimanche 19 janvier 2025.

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