Gilets jaunes : Macron appelle les Français à un grand débat

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Empêtré dans la crise des "gilets jaunes", le président français Emmanuel Macron a appelé les Français à participer à un grand débat national qui vise à calmer la colère des protestataires mais restait en butte au scepticisme.

Déstabilisé par près de deux mois de blocages et manifestations contre sa politique sociale et fiscale, le chef de l'Etat a détaillé les grandes lignes de cette consultation inédite dans une "Lettre aux Français" diffusée lundi dans les médias et les réseaux sociaux.

Pouvoir d'achat, fiscalité, démocratie et environnement. Ce sont les quatre grands thèmes proposés et évoqués le plus souvent par les milliers de Français des classes populaires et moyennes, entrés en rébellion le 17 novembre contre une politique jugée injuste.

Le président propose de baliser le débat autour d'une trentaine de questions, trace des lignes rouges, comme la suppression de l'ISF (l'impôt sur la fortune), mais ouvre la porte à des réformes importantes comme le référendum d'initiative citoyenne. Est exclue du débat toute remise en cause de l'avortement, de la peine de mort ou du mariage homosexuel. "Ce n'est ni une élection, ni un référendum", a averti M. Macron dans sa lettre.

Un duo de ministres - Emmanuelle Wargon (Transition écologique) et Sébastien Lecornu (Collectivités territoriales) - sera notamment chargé d'animer cette consultation, qui doit être organisée par les élus locaux.

Dès mardi, Emmanuel Macron éprouvera la formule en se rendant dans une petite commune, Grand Bourgtheroulde (ouest), aux côtés de 600 maires et élus de Normandie. Il multipliera ensuite les déplacements pendant deux mois pour inciter les Français à se saisir de l'opportunité de dialoguer et "rendra compte directement" du débat dans le mois suivant sa fin.

"L'idée c'est d'aller partout, dans tous les interstices des territoires et de la République et de n'oublier personne", assure le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Le débat doit se poursuivre jusqu'à mi-mars, les remontées seront ensuite traitées et des décisions annoncées avant fin avril.

C'est la deuxième tentative du président Macron pour désamorcer la colère des manifestants, restés mobilisés malgré l'annonce d'un plan de 10 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes. Au plus bas dans les sondages, le chef de l'Etat joue gros avec ce débat, soulignaient lundi politologues et éditorialistes.

"Avec cette adresse aux Français, le chef de l'Etat est en fait candidat... à sauver les trois ans qu'il lui reste à passer à l'Elysée", écrit Paul Quinio dans le quotidien Libération (gauche). "L'exercice est d'autant plus périlleux que l'humeur du pays reste plus que grincheuse".

La consultation est ainsi contestée avant même d'être lancée. Nombre de "gilets jaunes" lui nient toute légitimité, affirmant que le vrai débat est aujourd'hui "dans la rue". Ils ont encore montré samedi leur détermination en défilant plus nombreux - 84.000 dans toute la France contre 50.000 la semaine précédente, selon le ministère de l'Intérieur.

Du côté des partis politiques, le parti d'extrême droite Rassemblement national ne voit dans le grand débat que "du vent" quand le parti de gauche radicale La France Insoumise le qualifie d'"enfumage".

Le patron des Républicains (droite) Laurent Wauquiez a quant à lui dénoncé le risque d'un "artifice grossier". Mais Les Républicains apporteront "leurs contributions" pour "participer à la sortie de la France du chaos", a souligné Laurence Sailliet, une des porte-parole du parti.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, souhaite également que les socialistes "se fassent entendre". Les écologistes aussi, a assuré leur patron Yannick Jadot, tout en avertissant que "si Macron triche avec les Français, le risque est que la démocratie s'affaisse encore plus".

L'Association des maires ruraux de France (AMRF) a elle salué dans la lettre du président "une rampe de lancement" du grand débat qui "pose bien le diagnostic", mais craint au final un simple "raccommodage".

Selon de récents sondages, entre 32% et 41% des Français interrogés ont l'intention de "participer d'une manière ou d'une autre" au grand débat. Mais ils ne sont que 29% à penser qu'il aboutira "à des mesures utiles". L'approbation des Français pour les "gilets jaunes" est, elle, en baisse, mais reste majoritaire.